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05/08/2011

Le boucher magnanime

 


 

  La nouvelle, en provenance de Damas, n’a pas manqué de surprendre – et de faire sourire jaune- dans le monde : Bachar El Assad a fait promulguer un décret autorisant le multipartisme en Syrie. Lui qui depuis cinq mois fait allègrement massacrer tous ceux qui osent contester son pouvoir et ses méthodes tyranniques aurait-il été soudainement effleuré par l’ange de la démocratie ? A côté du parti Baas (dont il est issu), il y aurait, à présent,  place pour d’autres formations politiques, pour peu qu’elles respectent, entre autres, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et les accords approuvés par la République Arabe Syrienne. Cette seconde clause revient, dans les faits, à approuver la domination durable du parti Baas sur le pays ; quant à la première, venant d’un régime inhumain comme le sien, elle serait risible si elle n’était, en soi, d’une abominable hypocrisie. Commentant cette pseudo mesure démocratique, Alain Juppé, notre ministre des Affaires Etrangères, a parlé d’une  - presque –provocation. En réalité, il faudrait plutôt parler d’une manigance bien calculée pour garder encore un peu de crédit politique et retarder autant que possible la déliquescence de son régime. Car ce semblant d’ouverture est quand même symptomatique d’un pouvoir en train de vaciller. Aussi déterminés à se maintenir qu’ils soient, Bachar El Assad et sa clique le savent bien : la terreur et les massacres des opposants ne peuvent pas durer indéfiniment. Ils ne pourront pas toujours interdire un changement gouvernemental que le peuple syrien réclame avec un héroïsme et un sens du sacrifice qui force l’admiration. Le temps viendra où El Assad devra répondre de tous ses crimes devant les instances juridiques de son pays. La liste risque alors d’être bien plus longue que celle imputée, en Egypte, à un Moubarak entravé et grabataire. Et, contrairement à l’ex Raïs de 83 ans, El Assad, à 45 ans, ne peut pas compter sur son âge pour échapper à la peine capitale. L’ONU qui ne cesse de le tacler menace, par ailleurs, de geler ses avoirs à l’étranger. C’est dire que son avenir ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices.   

Or, pour le moment, la chance d’El Assad s’appelle Kadhafi. Ni l’OTAN ni l’Europe ne veulent (ni ne peuvent) envisager une nouvelle intervention militaire dans la région avant d’en avoir terminé avec le dictateur libyen. La résistance acharnée, désespérée,  de ce dernier face aux troupes des insurgés était largement prévisible et, à l’heure actuelle, ils sont encore loin d’avoir remporté la victoire. Dans ces conditions, El Assad peut temporiser, jouer la carte de l’ouverture et de la magnanimité, histoire de dire au monde qu’il n’est pas aussi cruel qu’on l’a présenté et qu’on peut négocier avec lui. Peine perdue ? Sûrement pas. Mais  quoiqu’il fasse et dise à présent, il ne pourra pas faire oublier les milliers de vies qu’il a fait froidement anéantir. Souhaitons qu’au moment voulu, ses compatriotes lui réservent un châtiment à la mesure de ses atrocités.  

                                                 Erik PANIZZA

29/07/2011

La Grande Boucle n’est plus




Quand j’étais môme, juillet était le mois où je partais en colonie de vacances. C’était une vie saine, légère et buissonnière qui m’attendait. Un peu de ce climat rieur et bon enfant qu’on goûte quand on relit le Château de ma mère du malicieux Pagnol. La France des années cinquante était en gros radical-socialiste, plutôt plan-plan, comme arrêtée sur le fil du temps entre banquets sous les platanes et pêche à la friture sous l’ombrage des saules. C’était avant De Gaulle et sa Cinquième République, avant la Paix des Braves et le joyeux bordel de mai 68, avant tous les tracas d’une vie adulte. Nous aspirions à vivre simplement au rythme des saisons. L’été, nous vivions attablés aux terrasses des cafés en écoutant Mireille, Jean Nohain et les chansons de Charles Trenet. J’ai souvenir que feue ma mère avait un faible pour Jean Sablon, crooner à la française qui valait bien Frank Sinatra. Quand on nous refusait un verre de limonade (je parle des enfants bien sûr), nous demandions à nos parents de siroter un zeste d’eau de seltz. Heureux moments où les adultes nous surveillaient paisiblement avec un œil bienveillant et une oreille collée au poste de TSF pour suivre les exploits de Poulidor et d’Anquetil, et ceux du grand Bahamontes, un grimpeur émérite pour qui le Tourmalet n’avait pas de secret. Juillet, c’était le Tour de France avec ses étapes de plaine ou de montagne que l’on suivait sur le journal local, ses arrivées que l’on guettait pour les vivre en direct grâce à la voix radiophonique d’un journaliste sportif. Et les coureurs étaient pour nous des dieux ; leurs sprints valaient tous les exploits d’Achille. Le Tour était notre mythologie à nous. Nous arborions bien fièrement casquettes et maillots de couleurs que nos héros portaient... Avec le temps, hélas, les choses se sont gâtées. Argent, dopage ont déniaisé cette mémoire d’un autre monde. Les Géants ne sont plus, rien que des boutiquiers qui courent après l’Histoire glorieuse du Tour. La magie n’y est plus. J’ai parfois l’impression que le panache des envolées vers les sommets a disparu. Que même les commentateurs sportifs n’ont plus la fibre lyrique de ceux d’antan qui magnifiaient la grande Geste cycliste. Il manque au Tour ce quelque chose qui faisait sa grandeur : une petite touche d’âme sans quoi rien ni personne n’existe réellement.

                                                  Yves Carchon

17:03 Publié dans numéro 20 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pagnol, trenet, tsf, tourmalet

07/07/2011

A quand un référendum sur le nucléaire en France ?






 Le 30 mai dernier l’Allemagne, par la voix d’Angela Merkel, surprenait l’Europe en affichant sa volonté de fermer, d’ici 2021, ses  17 réacteurs nucléaires en activité. Moins de quinze jours plus tard, ce sont les Italiens qui rejetaient, par référendum, la poursuite de la production nucléaire civile dans leur pays. « L’effet Fukushima » n’a pas trouvé en France la même réceptivité. C’est à peine si l’actuel gouvernement consent à baisser de 5% la production d’électricité par le nucléaire d’ici la fin de l’année. Il est vrai que la France, avec 58 centrales en activité, est de loin le pays européen le plus nucléarisé. Cette dépendance rend tout changement plus difficile et surtout plus onéreux. Selon Corinne Lepage (qui a consacré au sujet un livre récemment paru), l’abandon du nucléaire civil couterait à l’Etat Français entre 100 et 200 milliards d’euros. On comprend ses réticences dans le contexte économique actuel. Il n’empêche : dans notre pays où le nucléaire civil a toujours été la chasse gardée de l’Etat, quelque chose est en train d’évoluer ; et il faudra bien, d’ici peu, donner la parole au peuple sur ce dossier particulièrement sensible. Quoi de plus probant qu’un référendum, du moins quand il est unanimement respecté ? Car, quoiqu’en disent ses défenseurs, le nucléaire civil est loin d’être si bon marché pour les usagers. Stocker des déchets hautement dangereux pour notre environnement a un coût et celui-ci et celui-ci est habilement répercuté dans la facture d’électricité du consommateur. Ce problème et ses solutions industrielles seront certainement au cœur de la prochaine campagne présidentielle – et pas seulement pour les écologistes. D’ores et déjà, les candidats déclarés sont sommés de livrer leurs positions respectives  sur ce sujet. Ainsi François Hollande, bien que réticent vis-à-vis des centrales les plus en pointe, serait disposé à faire fermer les centrales les plus anciennes – plus de 30 ans d’âge – et donc, potentiellement, les plus sujettes à accident. En France, 16 d’entre elles seraient concernées dont, bien sûr, la fameuse centrale de Fessenheim (Haut-Rhin). Nous avons aussi, dans notre région, de justes motifs d’inquiétude et l’incendie, fut-il bénin, qui a touché une partie de l’usine du Tricastin (Drôme), la semaine dernière,  a de quoi les raviver. Disons-le franchement : des alternatives au nucléaire civil existent, qui n’impliquent pas un retour aux vieilles énergies fossiles. Il faudrait à présent songer à les développer. Mais cela doit aussi passer par un référendum.

                                          
                                         Bruno DA CAPO  

19:50 Publié dans numéro 20 | Lien permanent | Commentaires (0)