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29/07/2011

La Grande Boucle n’est plus




Quand j’étais môme, juillet était le mois où je partais en colonie de vacances. C’était une vie saine, légère et buissonnière qui m’attendait. Un peu de ce climat rieur et bon enfant qu’on goûte quand on relit le Château de ma mère du malicieux Pagnol. La France des années cinquante était en gros radical-socialiste, plutôt plan-plan, comme arrêtée sur le fil du temps entre banquets sous les platanes et pêche à la friture sous l’ombrage des saules. C’était avant De Gaulle et sa Cinquième République, avant la Paix des Braves et le joyeux bordel de mai 68, avant tous les tracas d’une vie adulte. Nous aspirions à vivre simplement au rythme des saisons. L’été, nous vivions attablés aux terrasses des cafés en écoutant Mireille, Jean Nohain et les chansons de Charles Trenet. J’ai souvenir que feue ma mère avait un faible pour Jean Sablon, crooner à la française qui valait bien Frank Sinatra. Quand on nous refusait un verre de limonade (je parle des enfants bien sûr), nous demandions à nos parents de siroter un zeste d’eau de seltz. Heureux moments où les adultes nous surveillaient paisiblement avec un œil bienveillant et une oreille collée au poste de TSF pour suivre les exploits de Poulidor et d’Anquetil, et ceux du grand Bahamontes, un grimpeur émérite pour qui le Tourmalet n’avait pas de secret. Juillet, c’était le Tour de France avec ses étapes de plaine ou de montagne que l’on suivait sur le journal local, ses arrivées que l’on guettait pour les vivre en direct grâce à la voix radiophonique d’un journaliste sportif. Et les coureurs étaient pour nous des dieux ; leurs sprints valaient tous les exploits d’Achille. Le Tour était notre mythologie à nous. Nous arborions bien fièrement casquettes et maillots de couleurs que nos héros portaient... Avec le temps, hélas, les choses se sont gâtées. Argent, dopage ont déniaisé cette mémoire d’un autre monde. Les Géants ne sont plus, rien que des boutiquiers qui courent après l’Histoire glorieuse du Tour. La magie n’y est plus. J’ai parfois l’impression que le panache des envolées vers les sommets a disparu. Que même les commentateurs sportifs n’ont plus la fibre lyrique de ceux d’antan qui magnifiaient la grande Geste cycliste. Il manque au Tour ce quelque chose qui faisait sa grandeur : une petite touche d’âme sans quoi rien ni personne n’existe réellement.

                                                  Yves Carchon

17:03 Publié dans numéro 20 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pagnol, trenet, tsf, tourmalet