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22/12/2010

Le vocabulaire de la crise



               


 Austérité, dette, rigueur : depuis plusieurs années, ces trois mots accompagnent notre quotidien comme ses doubles. Sans cesse, ils sont scandés par les gouvernants actuels comme des justificatifs à leurs mesures impopulaires. Selon eux, nous aurions trop dépensé au cours des décennies précédentes, nous aurions vécu au dessus de nos moyens. A chacun, bien sûr, il est demandé de participer à cet effort de redressement des finances publiques. Sinon, ce seront nos enfants qui paieront pour nos excès.
Ce discours culpabilisant nous devient, cependant, de plus en plus insupportable. En Grèce, en Irlande, en Espagne, en Angleterre, les citoyens lambda défilent massivement dans les rues pour protester contre les coupes drastiques dans les salaires. Ils ne comprennent pas comment leurs dirigeants ont pu les amener à cette situation. Ils ne comprennent pas les impératifs économiques européens. Et c’est pareil en France avec les retraites repoussées, le relèvement des contributions sociales, les hausses de l’électricité, des assurances et des produits de consommation courante. Avec, pour couronner le tout, le blocage du SMIC et des petits salaires depuis plusieurs années.
Or, qu’avons-nous fait de si grave pour mériter un pareil régime ? Qui se souvient d’avoir des folies en ces temps pas si lointains ?  Même sous le premier septennat Mitterrand, est-ce que le peuple jetait l’argent par les fenêtres ? Est-ce que nous ne regardions pas à deux fois notre porte-monnaie avant de faire telle ou telle dépense ? Mais le plus accablant est sans doute que ces injonctions répétées à l’effort et à la restriction émanent de gens qui n’ont pas à en faire, vu la hauteur de leurs salaires. Si j’étais François Fillon, je me sentirai mal à l’aise de toujours demander aux Français, grise mine à l’appui, de se serrer la ceinture, tout en percevant 20 000 euros mensuels. Compte-t’il relancer la consommation des ménages avec ce discours-là ? Car ils sont nombreux, en France, ceux pour qui la crise n’est qu’un mot épouvantail face à de légitimes exigences.
Si jamais la Gauche revient au pouvoir en 2012, il faudra, en premier lieu, qu’elle augmente conséquemment la plupart des salaires et s’engage à réduire, de façon significative, l’écart des revenus entre les plus riches et les plus pauvres. C’est à cette condition que le peuple retrouvera confiance en la politique et, tout simplement, en la vie. Elle qui a toujours exécré ce qui entravait sa naturelle exubérance.

                                           Erik PANIZZA

16/12/2010

FAUTE DE GOUT



En cette fin d’année 2010, le prix Nobel de la Paix a été décerné à un citoyen chinois. Liu Xiaobo est son nom. Je salue son courage, même si je sais qu’il ne lira jamais ces lignes. Quand j’écris, avec le ton placide du chroniqueur vivant paisiblement dans son pays, qu’on lui a décerné ce prix Nobel, c’est bien évidemment un euphémisme. On n’a pu lui remettre ce prix, ni même l’approcher ou le féliciter en lui serrant la main. Ah bon ? Etait-il donc dans l’incapacité de se mouvoir ? Cloué pour cause grave dans un lit d’hôpital ? Non : seulement incarcéré pour dissidence ! Ah, voilà qui fait bien désordre ! Quelle idée aussi d’attribuer un prix Nobel de la Paix à un type sous les verrous ! A-t-on idée des tracasseries administratives qu’on encourt ? Et pour le protocole pénitentiaire, l’impétrant doit-il garder ses menottes aux mains et bâillon sur la bouche ? Pour le coup, c’est un sale tour que l’on joue aux dirigeants chinois qui ont pris ombrage de l’initiative. C’est ce qu’on appelle un coup de pub intempestif, voire un camouflet désobligeant. Une faute de goût peut-être, contraire à l’art de survivre en bonne société. Les Chinois l’ont fait entendre à l’Occident avec la suave fermeté qui est la leur. C’est vrai que nous autres nous ne respectons rien : ni les convenances, ni le savoir-vivre, encore moins ce qui devrait pourtant être aujourd’hui le réflexe de la planète : ménager la nouvelle donne économique chinoise. Ah, décidément, nous voilà bien grossiers ! On ne soufflète pas la frappe économique chinoise avec un vulgaire Nobel. Gare à nos monnaies ! La vengeance se mange froide, même en maniant la baguette. En attendant, Liu n’en finit pas de braver ce tigre de papier qu’est l’oligarchie chinoise. D’une certaine façon, son prix le protège. On peut espérer bien plus : que ce prix Nobel contribue bien vite à sa libération, et surtout à sa réhabilitation qui équivaudrait à un avènement heureux pour les Chinois : la démocratie en Chine.

                                                 Yves CARCHON

 

14/12/2010

Wikileaks : la contre-attaque




 L’affaire Wikileaks – qui est loin d’être terminée – pose avec une singulière insistance  quelques problèmes éthiques que nous voudrions successivement aborder ici.
Il y a, tout d’abord, la divulgation de documents classés confidentiels. Est-ce que Julian Assange, au nom de la liberté d’expression et de la transparence démocratique, pouvait mettre en ligne 250 000 télégrammes des services diplomatiques américains sans miner un peu le principe fondamental dont il se réclame ? Peut-on tout dire sur le Net, sans sélection ni auto-censure ? La réponse relève, évidemment, de la  responsabilité individuelle. Car ces télégrammes, on le sait bien, proviennent de  « fuites » et, sans être des révélations particulièrement fracassantes, ils égratignent volontiers quelques dirigeants politiques – dont Nicolas Sarkozy, taxé d’impulsivité et d’autoritarisme. Autrement dit, Assange savait qu’il provoquerait des remous et une rapide réaction des institutions concernées. Par contre, il n’avait sans doute pas prévue l’intensité de celle-ci. A-t-on jamais vu une affaire de coucherie estivale justifier un mandat d’arrêt international ? Non, les USA n’ont pas apprécié le tour qu’il leur a joué et, de manière indirecte,  ils le lui ont fait durement payer. Ce faisant, ils se sont mis en porte-à-faux avec leur propre constitution qui garantit sans coup férir la liberté de la presse - mais Assange est-il, à leurs yeux, un journaliste ?-. La réaction, pour le moins inattendue, d’un Vladimir Poutine plaidant la cause du trublion australien maintenant en prison, confirme, si besoin était, que les vieilles oppositions sont toujours vivaces entre la Russie et les Etats-Unis. Pas de surprise, en revanche, du côté d’Eric Besson, actuel ministre de l’économie numérique, déclarant Wikileaks persona non grata dans l’espace français.
Mais ces débats sont battus en brèche par le troisième acte de ce drame contemporain, à savoir l’irruption des partisans de Julian Assange sur la scène médiatique. Réagissant aussitôt à l’emprisonnement de ce dernier, ils ont littéralement inondés de pseudo-messages les sites internet de sociétés financières comme Visa ou Master Card jusqu’à les rendre inutilisables. Rappelons que celles-ci ont tout de même fermés les comptes d’Assange, rendant impossibles les moyens financiers de sa défense. Oui, nous sommes entrés dans l’ère de la guérilla numérique et si nous en doutions encore, ces justiciers de l’ombre nous l’ont démontré magistralement.  Sous l’angle éthique, cette attaque de groupes parfaitement rodés aux stratégies informatiques ne peut pas être condamnée. Elle dit clairement l’importance des contre-pouvoirs dans un monde dominé par des coalitions féroces d’intérêts économiques, où des états, même sensément démocratiques, considèrent de plus en plus le Web comme une boite de Pandore qu’ils voudraient bien mettre sous leur coupe. Internet restera t’il longtemps encore cet espace de liberté sans précédent, où chacun peut afficher et faire entendre ses particularités ? Une nouvelle forme de résistance s’organise sous nos yeux. Nous sommes tous concernés par ce combat.


                                             Bruno DA CAPO