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27/08/2013

Ligne rouge

 

        

 

Avec les flambées post-révolutionnaires en Egypte, depuis juillet, on avait presque oublié que la guerre civile se poursuivait en Syrie. Et que le clan Assad était prêt à tout pour se maintenir au pouvoir, y compris à exterminer méthodiquement les Syriens (plus de 100 000 morts depuis mars 2011). En employant l’arme chimique contre les civils, Bachar El Assad est-il allé trop loin, cette fois ? La vision de corps convulsés, yeux hagards et lèvres écumantes, a fait le tour des rédactions de la planète. Et l’ONU a crié au crime contre l’humanité, réveillant du coup les consciences assoupies des états membres de son conseil de sécurité qui, à l’exception de la Russie et de la Chine, verraient d’un bon œil la défaite et la chute du bourreau de Damas. Du reste, on peut logiquement se demander en quoi l’usage du gaz sarin est plus abominable, plus intolérable, que les massacres perpétrés avec des obusiers et des mitrailleuses. En matière d’horreur, il y a des subtilités qui ne sont pas toujours évidentes. Il n’empêche : la tension internationale est repartie à la hausse. Et le spectre de la guerre fait, à nouveau, tinter ses inquiétants grelots. Les USA ont  haussé le ton et renforcent leur flotte aéronavale en Méditerranée. Des inspecteurs de l’ONU ont obtenu de Damas l’autorisation d’aller enquêter sur les sites incriminés; nul doute que leurs résultats confirmeront les preuves déjà en circulation. En France, malgré une forte opposition intérieure, le gouvernement sera solidaire du grand frère américain s’il décide une intervention militaire avec ou sans résolution onusienne. Il peut compter sur le soutien, stratégique et diplomatique, d’une quarantaine d’états – dont plusieurs pays musulmans, comme la Turquie – si l’hypothèse d’une coalition internationale se précise. Que fera, dans ce cas, la Russie de Poutine – premier fournisseur d’armes à Assad -, elle qui ne cesse de marteler que les conséquences d’une telle décision seraient terribles ? Sûrement moins que ce qu’elle dit. Car on ne peut pas indéfiniment jouer la carte de la paix pour protéger ses intérêts. On ne peut pas toujours ignorer l’indignation qui monte de partout devant tant d’abominations. Aussi explosive que soit la situation géopolitique dans cette partie du monde, on ne voit pas très bien, à présent, comment cette crise pourrait se résoudre sans l’envoi d’une force internationale. Sans aller jusqu’à l’invasion du territoire syrien – car personne ne veut d’un nouveau bourbier irakien - , cela pourrait se traduire par des bombardements ciblant les centres névralgiques du régime actuel. Cela impliquerait, surtout, de soutenir davantage les forces rebelles à Assad, dont la progression a été stoppée, ces derniers mois, par manque d’armes et de médicaments. Elles pourraient ainsi trouver un second souffle et inverser enfin le cours de la guerre en leur faveur. Ce qu’elles feront ensuite de la démocratie et de la liberté si chèrement acquise est, évidemment, une autre histoire.

 

 

                              Bruno DA CAPO

19:14 Publié dans 11 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : syrie, assad, gaz sarin, onu

20/08/2013

Vergès l’insolent

 

      

 

 

 Jacques Vergès s’est éteint à Paris, le 15 août dernier, à l’âge de 88 ans. Sa dernière provocation aura été de mourir dans l’appartement qui avait recueilli le dernier soupir de Voltaire voici 235 ans. Entre le philosophe des Lumières et « l’avocat du diable » – comme on l’a si souvent surnommé -, un parallèle peut être esquissé. Si Voltaire a pris la défense des opprimés et des insoumis de son temps  - comme le chevalier de La Barre -, Vergès, lui, a formé sa pensée à l’aune de l’anticolonialisme, sans doute aiguillé par ses origines (père réunionnais, mère vietnamienne). Courageusement il a défendu, au risque de sa  vie, ceux que la république rejetait dans les marges ou condamnait d’avance, comme les terroristes algériens lors de la guerre d’indépendance. Comme Voltaire qui contestait parfois les institutions politiques quand elles lui semblaient injustes ou intolérantes, Vergès axera ses plaidoiries sur la remise en question du système judiciaire comme reflet de la loi du plus fort : ce sera sa fameuse « défense de rupture ». Ce parti-pris politique l’entrainera à défendre principalement des personnalités criminelles honnies par l’opinion publique, tels Klaus Barbie ou Carlos. Pour Vergès, en effet, il n’y avait pas de client indéfendable, aussi monstrueux soit-il. C’était sa conception du métier d’avocat et si bien des critiques sont montées de la société civile et des associations de victimes, aucune en revanche n’est venue de ses pairs. Quoiqu’irréprochable d’un point de vue déontologique, la parcours de Jacques Vergès n’en est pas moins émaillé de zones d’ombre, la plus importante étant sa « disparition » pendant huit ans, entre 1970 et 1978. Par ailleurs, il a souvent affiché ses accointances avec le pouvoir, que ce soit celui, douteux, de la Françafrique ou celui, franchement exécrable, de dictateurs comme Pol Pot ou Saddam Hussein. Cultivant volontiers l’ambiguïté et l’insolence face aux médias, il réservera à ses nombreux ouvrages – dont « Le salaud lumineux » - sa vérité et sa réflexion sur la justice. Ces derniers temps, son narcissisme l’avait même poussé à se raconter sur la scène, mettant en lumière les liens existant entre le théâtre et le tribunal. Au cœur des drames et des conflits qui ont déchiré le XXeme siècle, Jacques Vergès laisse derrière lui l’image séduisante d’un homme de liberté plus que de convictions. Il n’empêche que les défis qu’il a relevés tout au long de sa carrière n’ont pas fini d’être médités par tous ceux qui sont engagés ou qui s’engageront dans la belle et difficile profession d’avocat.

 

 

                           Bruno DA CAPO

13/08/2013

L’autre pouvoir

 

                        

 

 

La récente condamnation de Berlusconi – pour fraude fiscale – par la justice italienne s’inscrit dans la longue liste des « affaires » qui empoisonnent la vie publique, en Italie comme en France. Elle n’en est pas moins importante au regard des questions qu’elle soulève pour nos démocraties. On peut tout d’abord en pointer les limites, sinon les faiblesses : cette nouvelle condamnation - à un an de prison ferme – n’enverra pas « il Cavalière » derrière les barreaux, pas plus que les précédents jugements rendus à son encontre. Tout au plus sera-t’il assigné à résidence durant ce temps, car sa fortune, sa réputation et son âge jouent forcément en sa faveur. Certes, on peut trouver scandaleuse une justice à deux vitesses qui, tout en les condamnant, ne sanctionne pas trop lourdement les puissants. Constatons quand même que la justice est passée, qu’elle est encore vivace dans nos pays et que cela reste la preuve de son indépendance vis-à-vis du pouvoir politique. Précisément elle constitue, vis-à-vis de celui-ci,  un contre-pouvoir qui est encore le plus sûr garant des valeurs républicaines et des libertés citoyennes. C’est parce qu’il y a, dans nos pays, une justice indépendante, une justice qui n’est pas à la botte du politique – comme dans les états totalitaires – qu’aucun gouvernement ne peut avoir les pleins pouvoirs et les exercer à son profit. Cette situation inscrite dans notre constitution (en France, le président de la république est, de fait, le garant de l’indépendance de la justice) n’en agace pas moins nos dirigeants, quelquefois. Parvenus au pouvoir, ils voudraient avoir les coudées plus franches et ne pas être astreints à rendre toujours des comptes sur leur usage de l’argent public. D’où des pressions vis-à-vis des juges et des tentatives de modifier les fondements de la justice présentées comme des réformes.  Il suffit de se rappeler des affrontements avec la magistrature qui ont marqué le début du quinquennat de Nicolas Sarkozy, notamment la polémique sur la suppression des juges d’instruction. Pensait-il alors qu’il pourrait un jour se retrouver face à eux ? La grande peur des hommes politiques français, tous partis confondus, c’est une opération judiciaire comparable à celle de « Mani pulite », voici une vingtaine d’années, de l’autre côté des Alpes. C’est aussi, en ce domaine, la supériorité de l’Italie sur la France.

 

 

                     Bruno DA CAPO