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31/12/2015

Bruissements (55)

 


Déchéance : Parmi les différentes propositions à caractère répressif émises par le chef de l’état au lendemain des attentats du 13 novembre, le projet de loi sur la déchéance de nationalité s’avère être la plus controversée. Il concernerait d’éventuels bi-nationaux ayant commis des actes terroristes sur le sol français. Si, évidemment, la quasi-totalité de la Droite l’approuve, la quasi-totalité de la Gauche le rejette. Or, François Hollande est un président porté au pouvoir par une majorité de Gauche et c’est bien là tout le problème dans ce dossier. Faut-il accommoder l’intérêt général à l’intérêt partisan quand on est à la tête de l’état? La logique voudrait que l’on réponde non, mais la politique obéit aussi à d’autres stratégies. Certes, ce projet de loi n’est pas diplomatique au regard des quatre millions de bi-nationaux qui vivent en France (et qui sont autant d’électeurs potentiels). Il n’est pas, non plus, dissuasif pour ceux qui rêvent de finir leur brève existence en martyrs supposés de l’Islam. Son efficience est ailleurs, dans sa dimension symbolique et la réaffirmation d’une République forte et protectrice à la fois. Le temps de l’angélisme politique est désormais derrière nous. Réponse du Parlement le 3 février prochain.

Corse : Flambée de violences anti-musulmanes à Ajaccio, après que des pompiers aient été agressés durant la nuit de Noël. Qui a-t-on voulu punir exactement ? Quoiqu’il en soit, ces actes sont intolérables. Mais ce qui est certain, c’est que l’élection du nationaliste Jean-Guy Talamoni à la tête du Conseil Régional n’est pas faite pour tempérer les ardeurs racistes et sécessionnistes d’une partie des enfants de l’Île de Beauté. On n’est pas prêt d’oublier son discours de réception du 17 décembre dernier dans l’idiome local. Certains parlent déjà de peuple corse, voire de nation corse : on croit rêver ! Le gouvernement s’oppose avec raison à ces revendications, rappelant que la Corse fait partie intégrante de la France (avec les investissements et les subventions qui vont avec). Il ne faut pas se cacher, non plus, que cette tendance séparatiste n’est pas propre qu’à la Corse ; on la retrouve, avec la même vivacité, en Catalogne et en Ecosse – ce qui est aussi la conséquence d’une régionalisation administrative établie par l’Union Européenne. Ainsi se détricotent peu à peu les vieilles unités nationales.

Boues rouges : Composées principalement de déchets de bauxite et d’aluminium, les boues rouges sont éminemment toxiques pour notre environnement. Et les rejeter au large des calanques marseillaises est, évidemment, d’une inconscience criminelle. C’est ce que font pourtant, avec l’aval des experts, bon nombre d’industries pétro-chimiques depuis des dizaines d’années, dont la société Altéo, établie prés de Gardanne. Anticipant la loi qui interdit, à partir du 1er janvier, les rejets industriels dans la mer, le préfet des Bouches du Rhône (avec l’assentiment de Manuel Valls) a donc prorogé, pour les six prochaines années, le droit de la société Altéo à empoisonner la nature. Ségolène Royal a aussitôt fait savoir son désaccord avec cette mesure de faveur qui n’est dictée que par des considérations économiques. Les pêcheurs et les riverains protesteront certainement au cours des mois à venir. Rien n’y fera, hélas, car lorsqu’un millier d’emplois sont en jeu, tous les gouvernants mettent l’urgence écologique sous le boisseau. Vous avez dit COP 21 ?

Journalistes : les chiffres de Reporters Sans Frontières sont tombés : au cours de l’année 2015, ce sont 110 journalistes qui ont perdu la vie dans des zones de conflits (chiffre auquel il faut rajouter 27 journalistes-citoyens et 7 collaborateurs de médias). La plupart ont été tués précisément parce qu’ils étaient journalistes. Si, dans ce sinistre classement, l’Irak et la Syrie arrivent sans surprise en tête, on trouve la France en troisième position, conséquence de l’attentat qui a décimé une partie de la rédaction de Charlie Hebdo en janvier. Oui, la profession de journaliste n’est pas une sinécure dans ces contrées ravagées par la guerre - ni même dans celles où la paix est censée régner. Elle ne l’est pas non plus dans ces pays qui n’ont de démocratie que le nom et où les emprisonnements pour délit d’opinion sont monnaie courante. Et pourtant, il faut bien continuer à prendre la température du monde, autrement dit à informer les habitants de cette planète de toutes les saloperies qui s’y commettent chaque jour. Pensons-y un peu plus souvent, nous qui pouvons travailler librement derrière nos écrans.

                            

                      Erik PANIZZA

24/12/2015

Tapie le joueur

 

C’était dans les années 80. Bernard Tapie était encore jeune et fringant. Il était alors sur tous les fronts et tout lui souriait : affaires, sport, politique. Il ne se passait pas une semaine sans qu’un média ne parlât de lui et de ses coups d’éclat. A tel point qu’il était devenu la personnalité emblématique de cette décennie « frime et fric », aux antipodes des idéaux et des révoltes de la précédente. Puis vinrent les années 90 et les premiers revers : la vente d’Adidas et la chute du Crédit Lyonnais, les enquêtes sur son « système », les procès, les saisies de biens et la prison…Mais Tapie encaissait les coups comme un boxeur chevronné, sûr de se relever et de reprendre le combat. Il le reprit, en effet, mais du côté des arts, du théâtre et de la télévision en particulier. Une sorte de retour aux sources pour lui qui se rêvait chanteur à vingt ans. Et là encore il enchaîna les succès populaires. Malgré tout l’âge venait, pour lui aussi, à pas de loup. Le radical socialiste qu’il avait été naguère lorgnait maintenant du côté de la droite libérale et de son leader Nicolas Sarkozy. Les visites officieuses à l’Elysée étaient fréquentes. Et puis il y eût, en 2008, ce banco de 400 millions d’euros, conséquence d’un jugement complaisant dans l’interminable affaire Adidas.

Alors que le spectre de la crise financière s’étendait sur l’Europe, lui redevenait soudainement richissime, comme par un coup de baguette magique. Et, fidèle à sa nature, il se lança dans de nouveaux projets, notamment en rachetant au groupe Lagardère le quotidien La Provence. La fête aura pour lui duré sept ans, avant qu’un nouveau jugement ne rende caduc le précédent et ne l’oblige à rembourser l’intégralité du pactole perçu. 404 millions d’euros ! Une dette inimaginable pour un particulier, fut-il Bernard Tapie. Imagine-t’on le choc qu’une telle décision de justice peut représenter pour celui sur qui elle s’abat ? « Je suis ruiné. » Lâcha-t’il devant les caméras avec une sincérité que personne ne songerait à mettre en doute. A y réfléchir, un tel revers de fortune a quelque chose de logique pour un homme qui a mené sa vie comme une partie de Monopoly. Il y a eu les multiples rachats, la case prison, l’erreur de la banque en sa faveur et maintenant la liquidation des biens avant la fin de la partie. Mais Tapie, même humilié et ruiné, reste Tapie et a plus d’un tour dans son sac. Sa dernière volte-face, la semaine dernière, a pris le Front National et le chômage pour cibles (deux vieilles rengaines chez lui). Tapie voudrait-il revenir en politique et prendre à bras-le-corps ces deux problèmes pour lesquels aucun politicien confirmé n’a jusqu’à présent apporté une solution ? C’est Napoléon échappé de l’Île d’Elbe. Personne n’y croit, évidemment, à part quelques supporteurs de l’OM dans ses grands jours. Mais c’est quand même une façon flamboyante de détourner momentanément l’opinion publique de son problème majeur : rendre l’argent de la France aux Français.

Jacques LUCCHESI

18/12/2015

Qui est responsable de la montée du FN ?


   A cette question, il faudrait répondre : nous tous. Même si on s’est toujours opposé à cette « résistible ascension » comme dirait Brecht, nous n’avons sans doute pas été assez vigilants. La preuve. Nous avons pêché par excès d’optimisme, ayant foi en cette démocratie qui n’est que le moins mauvais des systèmes. Depuis longtemps, la caste politique de notre cher pays a « joué » avec le Front national, s’en faisant tantôt un allié objectif pour la Droite, tantôt un repoussoir électoral pour la Gauche, quand Mitterrand n’en faisait pas une manœuvre pour empêcher une cohabitation qui eut lieu néanmoins… L’arrogance des partis de gouvernement n’a pas toujours senti que le loup était dans l’enclos. Affairés à prendre le pouvoir pour n’en pas faire grand-chose, ils ont laissé croître un parti qui, lui, chercha le peuple où il était, campant bientôt sur les terres délaissées par le PC et le PS. Ces mêmes partis n’ont pas non plus été à la hauteur des enjeux sociaux et politiques, ni n’ont ouvert un avenir à la jeunesse de ce pays. La crise économique a fait le reste. La république, ébranlée sur ses propres assises, ne semble plus répondre aux forces vives du pays qui grondent et se révoltent, passant parfois au terrorisme… Mais si les politiques ont fait défaut, il faut bien dire aussi que les médias ont attisé parfois les haines ou délaissé l’explication pédagogique pour le sensationnel, préférant commenter la politique politicienne, les querelles entre personnages de l’Etat plutôt que de traiter du fond des choses. Aujourd’hui, on mesure ce qui n’est pas loin de ressembler aux décombres du bipartisme. Même si le FN n’a pas gagné de région, il repose sur un socle électoral de plus de 6 millions d’électeurs. Il reste donc au gouvernement « hollandais »un an et demi pour redonner un nouveau souffle. Est-ce suffisant ? Rien n’est jamais perdu d’avance !

                                          Yves Carchon