05/07/2011
DSK : saison 2
Avec l’affaire DSK, les médias ont connu un brusque emballement. Hier comme aujourd’hui. Il y a peu, il y avait un coupable présumé et une pauvre victime. Haro sur DSK ! Cela semblait la règle, et l’on s’apitoyait sur Nafissatou Diallo dont la vie avait dramatiquement basculé. Aujourd’hui, c’est l’inverse. Au su des toutes nouvelles révélations qui mettent en cause la femme de chambre qui a menti au Grand Jury et dont la vie n’était pas si tranquille et exemplaire qu’on l’avait cru. On parle de non-lieu pour DSK. Retournement spectaculaire, qui vaut toutes les saisons de nos séries TV. Dans cette affaire, qui semble plus complexe qu’on l’a dit, il est déjà pointé du doigt le fonctionnement médiatique de la justice américaine et des arrière-pensées d’un procureur jouant son avenir très politique. Il y a aussi ce que certains mensonges cherchent à cacher... Mais il y a plus. Car au-delà de cette affaire, c’est l’appétit de scoops et de coups de théâtre qui semble régenter nos vies de spectateurs et d’auditeurs avides de sensations. C’est cette envie sans cesse aiguillonnée d’assister au spectacle du monde continument et en direct. Les citoyens que nous devrions être s’effacent volontiers derrière les dévoreurs d’images, d’événements, de sensations que nous sommes tous devenus. Pour vivre et divertir nos vies (au sens pascalien), il nous faut du vécu, du sang, des larmes, des bluettes du Rocher, des affaires palpitantes comme celles d’Outreau ou de disparitions d’enfant, des révolutions, coups d’état et des guerres à l’envi (pourvu qu’elles soient lointaines) quand il ne s’agit pas de grandes peurs comme l’explosion d’une centrale ou la calamité d’un tsunami. Il nous faut du frisson, un peu de stupre, un zeste de perversité comme au théâtre, au cinéma ou dans les feuilletons que nous aimons. Nous sommes de nouveaux Molochs mais assoiffés de drames et de nouvelles péripéties. D’une certaine manière, nous voulons pimenter notre vie comme quand, enfants, nous écoutions les rebondissements d’un conte cruel pour mieux nous endormir.
Yves CARCHON
14:42 Publié dans numéro 20 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dsk, grand jury, pascal, molochs
22/06/2011
Une pensée pour Carla
Un gamin de quatorze ans tue une camarade du même âge à la sortie de l’école : voilà une nouvelle qui fait froid dans le dos ! L’histoire se passe en France en 2011 à Florensac, dans le collège Voltaire, plutôt tranquille et sans histoires. Le gamin faisait de la boxe comme d’autres font du foot ou du basket. Soit. Mais quand il a cogné, il savait bien ce qu’il faisait. On imagine qu’un entraîneur apprend à ses poulains les coups à éviter et ceux qu’il ne faut pas donner. Il a apparemment « mis le paquet ». En frappant à mort sa petite camarade, il a plongé deux familles dans le drame : la sienne et celle de sa victime. En y allant trop fort, il a stoppé deux vies : celle de Carla à tout jamais, la sienne qui portera ce crime jusqu’à sa mort. Une tragédie qui, lorsqu’on a posé les faits, renvoie à notre société qui est violente et secrète en son sein ces drames qui trop souvent font l’écume des journaux. A qui la faute ? A ce gamin ? A l’apprentissage de la boxe ? Ou au modèle compétitif, montré comme exemplaire, qui veut que nous devons être battants, gagnants, champions de tout et de n’importe quoi ? Nos sociétés reposent sur ces valeurs de va-t-en guerre ; elles exaltent la force, la puissance sur l’autre. Non seulement nous nous devons d’être beaux, séduisants, sans un gramme de graisse, mais il nous faut aussi montrer sa force et gonfler ses biceps pour être sûr d’écraser son prochain. Ce qui se passe à la corbeille de nos Bourses, ou dans nos ministères, ou dans nos grandes entreprises, - à tous les échelons de notre mode de société – c’est le fameux struggle for life, où l’on s’assure les places de choix et gros bonus, les bonnes tables, les résidences huppées et les escort-girls. Bref, un modèle cynique et édifiant pour la jeunesse ! On me dira : quel est le lien avec ce drame ? Le lien, c’est que tant qu’on décidera de vivre sur le culte de la force, tant que la compétition sans limites nous fascinera à ce point, nous devrons récolter ce qui aura été semé au cœur même de l’enfance : violence, brutalité et crimes.
Yves Carchon
18:59 Publié dans numéro 20 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : carla, ecole, boxe, violence
17/06/2011
Modeste leçon de géopolitique
On massacre en Syrie. Allègrement, gaillardement, apparemment sans états d’âme. Sur ordres de Bachar el-Assad, un monstre froid que l’on dit cultivé puisqu’il parle plusieurs langues et qu’il a fait ses universités en occident ! Parle-t-il la langue démocratique ? A l’évidence non, puisqu’il extermine son peuple sans qu’il y ait d’ailleurs beaucoup d’émoi chez nos grands dirigeants imbus pourtant de liberté et de démocratie. Déjà, dit-on, (par la bouche même du philosophe André Gluksmann) on intervient en Lybie ! Alors, s’il nous fallait aussi intervenir en Syrie ! Et puis, Bachar, c’est un ophtalmologiste de formation ; il n’a donc pas froid aux yeux ! Il sait ce que veut dire : œil pour œil, dent pour dent ! Il eût été dentiste que sa férocité eût été à son comble ! Ses relations très agressives, pour ne pas dire plus, avec l’Etat israélien rendent les choses encore plus difficiles pour les Occidentaux. De confession alaouite, branche de l’Islam chiite, on sait qu’il est aussi très proche de la République théocratique d’Iran. Voilà qui n’est donc pas si simple, disent nos diplomates. Si la Syrie devait s’autodétruire, on peut gager qu’un grave déséquilibre de la région entraînerait une redistribution des cartes. Mais la Turquie est là, qui accueille aujourd’hui dix mille Syriens fuyant la guerre et leur pays. La Turquie, grand pays, à qui l’on a fermé la porte de l’Europe et de laquelle on devrait s’inspirer quant aux problèmes migratoires... Seulement voilà, la marge de manœuvre turque est très étroite. Les Turcs sont embêtés puisqu’ils ont intégré depuis des lustres des Syriens alaouites, eux-mêmes prêts à conforter le régime sanguinaire de Bachar el-Assad. Au risque de mettre en cause leur harmonie interne, Erdogan d’Ankara doit donc jouer serré. On voit que rien n’est clair quand on s’empoigne avec les enjeux politiques d’une région. Doit-on dire pour autant qu’il n’y a rien à faire ? Non, trois fois non : on ne peut tolérer qu’un peuple soit trucidé et agonise sous nos yeux. Il nous faut donc intervenir d’une manière ou d’une autre !
Yves Carchon
17:30 | Lien permanent | Commentaires (0)