25/08/2011
Solidarité sociale : les riches aussi ?
Dans la longue liste des mesures prises par le gouvernement, en ce fatidique mois d’août, pour ramener le déficit public à 3%, la taxe spéciale des riches est sans doute celle qui a été le plus remarquée. En gros, elle concerne tous ceux qui déclarent un revenu fiscal d’au moins 500 000 euros annuels (ce qui ne va pas faire la joie des « petits » riches). Il est vrai qu’elle avait été précédée, voici quelques jours, par la déclaration de 14 personnalités, parmi les plus grosses fortunes de France, de participer à l’effort commun en acquittant volontairement une contribution exceptionnelle. Leur demande avait de quoi surprendre et faire sourire. Quoi ! Voilà des contribuables plutôt habitués à soustraire des capitaux au fisc qui voudraient à présent être imposés davantage ! Voilà que, saisis par quelque mystérieux scrupule, ils sortiraient de leur tour d’ivoire et chercheraient ainsi à sympathiser avec le peuple qui souffre et trime ! Des riches pleins de bons sentiments qui montreraient à la nation le chemin de la rédemption économique. Quelle image exemplaire! De mémoire de prolétaire, on n’avait encore jamais vu ça. Serait-ce là un phénomène social nouveau à mettre au compte du quinquennat Sarkozy – qui en fait surgir d’autres de son chapeau- ? Quelque chose serait-il en train de changer au « royaume » de France? En réalité, il y a fort à penser que cette demande vise surtout à faire en sorte que rien ne change (ou pas trop). Mieux vaut, comme on dit, prendre les devants par ces temps de crise, payer un peu plus pendant deux ans et peut-être éviter ainsi des ponctions et des pertes autrement plus sévères. C’est ce qu’on appelle populairement lâcher du lest ; et ces PDG et autres super-actionnaires de grandes entreprises peuvent bien en lâcher un peu avec les « cadeaux » offerts par le bouclier fiscal depuis quatre ans. Quelque soit le montant – proportionnel à leurs revenus– de cette fameuse taxe, il ne risque pas de bouleverser leur train de vie, soyons sans crainte pour eux. Néanmoins, cela n’empêche pas certains patrons, comme Charles Beigbeder, de réclamer à l’Etat, en contrepartie de cette taxe exceptionnelle, encore plus de réductions des dépenses sociales (qui, elles, pourraient bien durer davantage). Difficile, après ce genre de déclarations, de croire que nous sommes entrés dans une grande période d’unanimisme social. Mais cette posture pleine de magnanimité aura eu au moins l’avantage de nous amuser un moment.
Erik PANIZZA
19:15 | Lien permanent | Commentaires (0)
23/08/2011
Des hommes et des chiens
Les récentes affaires de chiens mordeurs à Boulogne et à Marseille relancent le débat sur les relations qui unissent les humains à leurs animaux domestiques - et aux chiens en particulier. Celui que l’on désigne souvent comme le meilleur ami de l’homme – on devrait dire, en fait, son meilleur commensal – n’est pas que cette peluche vivante toujours avide de caresses et de gâteries alimentaires, mais aussi un carnassier redoutable dont les morsures peuvent être très graves. Ses réactions ne sont pas toujours prévisibles et ce sont bien souvent les enfants, plus petits et moins prudents que les adultes, qui en font les frais. Certes, les animaux échappent, contrairement à leurs maîtres, à la responsabilité juridique ; mais doit-on, pour autant, ne pas tenir compte de leurs antécédents et les laisser tranquillement dans la proximité des humains lorsqu’ils ont commis un acte aussi épouvantable que celui de défigurer un enfant ? Le bon sens le plus élémentaire ne peut que répondre « non » et l’on peut, dès lors, s’indigner de la sympathie suscitée par Prince, le bull-terrier mordeur de la petite Carmen à Boulogne. Le mouvement de protestation qui s’est constitué pour lui éviter l’euthanasie est une insulte à la raison. Il dit en filigrane que l’on a plus de compassion pour la vie d’un chien que pour celle d’une petite fille qui gardera sur son visage les marques indélébiles de ses crocs. Naturellement, il a trouvé un porte-voix en la personne de Brigitte Bardot dont on connaît depuis longtemps le combat – justifié – pour la cause animale, mais aussi les dérapages stupides qu’il a parfois entrainés. En se souciant davantage des conditions d’enfermement du chien agresseur que du sort de la petite victime, elle montre une nouvelle fois comment les meilleures intentions peuvent se transformer en aberrations morales. Comment peut-on pousser à ce point l’indifférence – sinon le mépris - envers sa propre espèce et mettre en équivalence la souffrance humaine et la souffrance animale ? Cela me demeure, personnellement, un mystère. Mais à trop vouloir défaire la hiérarchie entre les différents règnes, à trop vouloir traiter les animaux comme nos égaux, on ne pourra plus un jour reprocher aux hommes de se comporter (parfois) comme des bêtes fauves.
Osons le dire haut et fort pendant qu’il en est encore temps : il faut durcir la législation sur les chiens des catégories 1 et 2; il faut éliminer sans état d’âme ceux qui ont commis des agressions graves contre des humains et contrôler davantage les possesseurs de ceux qui sont potentiellement dangereux. Aucun chien appartenant à ces catégories ne devrait être promené sans muselière dans un espace public, comme c’est encore trop fréquemment le cas. Et que l’on n’avance pas la négligence pour diminuer la responsabilité des maîtres de chiens qui passent à l’attaque ! La négligence est une faute aussi grave que peut l’être un acte volontairement criminel et doit être sanctionnée comme tel. Si nous ne prenons pas ce genre de mesures, nous pourrions bien glisser insidieusement dans un monde où l’humain n’aurait plus la première place.
Jacques LUCCHESI
18:40 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : chiens mordeurs, commensal, carnassier, bull-terrier
08/08/2011
L’honorable monsieur Pasqua
Une nouvelle fois, Charles Pasqua – 84 ans – doit répondre de corruption devant la Cour de Justice de la République (celle qui juge les ministres). Une nouvelle fois, il va pratiquer une économie de parole proche de l’omerta et sera, sans nul doute, relaxé ou condamné à une peine symbolique à l’issue de son procès. Son âge est encore le meilleur garant d’une immunité qu’il ne possède plus officiellement mais qui reste valable dans les faits.
Celui qui fut, un temps, pain-bénit pour les humoristes (en raison de sa faconde méridionale) a pourtant un parcours bien moins souriant. La vie de Charles Pasqua a même tout ce qu’il faut pour inspirer romanciers et cinéastes. En publiant ses mémoires (« Ce que je sais », tomes 1 et 2), le sénateur des Hauts-de-Seine a pris, comme on dit, les devants, histoire de régler aussi quelques comptes avec ses « amis » haut placés. Mais il ne pourra pas empêcher que d’autres, avant et surtout après sa disparition, discutent la véracité de ses propos le concernant. Du reste, ce que l’on sait déjà n’est-il pas suffisant pour dresser le portrait de ce politicien hors-normes ? Son parcours politique est, en effet, tout ce qu’il y a de plus circonstanciel et de plus empirique. Résistant puis défenseur de la cause gaulliste au lendemain de la Libération, au besoin manu militari. Il n’y a qu’à évoquer son passage à la tête du Service d’Action Civique (SAC) ou son action contre-révolutionnaire en mai 1968. Des méthodes qu’il reprendra lorsqu’il sera, à deux reprises (1986 et 1993), Ministre de l’Intérieur. Elles produiront pas mal de « bavures » (affaires Normand, Lefèvre, Oussékine) et quelques succès, comme la libération des otages de l’Airbus détourné sur l’aéroport de Marignane en décembre 1994.
Comme si la face « diurne » de son action politique n’était pas suffisamment riche en matière à réflexion, une face « nocturne », liée aux « affaires » de la République est progressivement apparue qui a pris le dessus sur la première. Entre 2000 et 2010, elles vont replacer Charles Pasqua sous les feux de l’actualité, mais dans les chroniques judiciaires, cette fois. Reconnaissons-le : bien des politiciens français trainent derrière eux une ou deux « casseroles » de ce genre. Et plus d’un – comme Alain Carignon ou Michel Noir – ne s’en est jamais remis – politiquement parlant. Mais Pasqua, avec une dizaine de procès à son palmarès, bat là encore tous les records. Surtout, il reste imperturbable dans la tempête, offrant à ses juges une apparence de parfaite tranquillité (qui cache mal, on le sait, des colères parfois redoutables). Dernier baron du gaullisme, Charles Pasqua est également devenu la figure emblématique d’une classe politique qui ne s’est jamais embarrassé de scrupules. En sera t’il toujours ainsi dans ce monde impitoyable ? Il faut, évidemment, souhaiter que non, même si c’est, aujourd’hui encore, une sorte de vœu pieu.
Bruno DA CAPO
17:33 | Lien permanent | Commentaires (0)