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27/09/2019

               La dure progression de la démocratie

   

 

 

 Cela s’est passé en Algérie le 16 février dernier où, apprenant que le président Bouteflika (physiquement très affaibli) comptait se représenter pour un cinquième mandat, la foule algérienne est descendue massivement dans la rue pour réclamer son départ. Pendant des semaines, des marches protestataires ont été organisées chaque vendredi jusqu’à ce que Bouteflika démissionne le 2 avril, entrainant avec lui la chute de son équipe - composée en grande partie de membres de sa famille. Depuis c’est Abdelkader Bensalah, président du parlement algérien, qui assure l’intérim et, malgré la pression de l’armée pour bloquer une transition démocratique, des élections libres devraient être  organisées en décembre prochain.

 

Cela s’est passé en Turquie où Ekrem Imamoglu, candidat de l’opposition à l’AKP du président Erdogan, a remporté les clés de la mairie d’Istanbul, le 31 mars dernier. Excédé, le « sultan » d’Ankara a fait invalider ce scrutin et a organisé de nouvelles élections municipales le 23 juin. Mais les stambouliotes ont confirmé les résultats du premier vote et Erdogan a dû, cette fois, accepter la loi des urnes.

 

Cela s’est passé à Hong-Kong, également le 31 mars, quand 12 000 manifestants, sous l’égide du Front Civil des Droits de l’Homme, ont protesté contre la loi d’extradition qui permettrait à Pékin de s’immiscer dans le système juridique hongkongais et de juguler ainsi toute forme d’opposition. Rappelons au passage que si Hong-Kong est retournée dans le giron de la Chine continentale en 1997, elle n’en bénéficie pas moins d’un régime politique qui lui assure une marge d’autonomie. Depuis, marches et rassemblement se sont succédé par dizaines, malgré une réaction gouvernementale de plus en plus violente, faisant vaciller l’économie hongkongaise. Consciente du séisme social qu’elle avait provoqué, Carrie Lam, présidente de l’exécutif, a reconnu son erreur et a retardé l’application de la scandaleuse loi, sans toutefois la retirer- ce qui sera peut-être la prochaine étape. 

 

Cela s’est passé à Moscou, le 10 août dernier, où près de 50 000 personnes ont manifesté leur colère contre Vladimir Poutine et l’exclusion des candidats – comme Alexeï Navalny ou Lioubob Sobol – qui s’opposent à ceux de son parti Russie Unie dans les élections locales. Depuis 2013, la Russie n’avait plus connu des manifestations d’une telle ampleur. Certes, la répression a été féroce – plusieurs centaines d’arrestations et de perquisitions -, mais le parti de Poutine a quand même perdu un tiers de ses sièges aux élections législatives du 8 septembre.

 

 Cela se passe en Egypte, au Caire et à Alexandrie, où de nombreux manifestants sont allés dans la rue, vendredi 20 septembre, pour dénoncer la corruption des élites et la misère du peuple égyptien. Là encore c’est par la violence que le pouvoir a réagi à ces revendications, incarcérant plusieurs centaines de personnes dans des prisons déjà bondées – dont l’avocate et militante des droits de l’homme  Mahinour El Masry. Car le maréchal Al Sissi (grand acheteur de matériel militaire français) tient, depuis son coup d’état de 2013, l’Egypte dans une main de fer, craignant trop d’être destitué à son tour. 

 

Ces quelques exemples, tirés de l’actualité trépidante de cette année 2019 (qui n’est pas encore terminée), disent tous la même chose : l’irrépressible exigence de liberté logée dans le cœur des hommes, quelles que soient leur couleur de peau et leur religion. Et, même au XXIeme siècle, ils sont encore prêts à risquer leurs vies pour elle. N’en déplaise aux pessimistes de tout crin, ces colères populaires sont un message d’espoir. Elles vont dans le bon sens de l’Histoire : celui d’un accroissement de la démocratie dans le monde, malgré les nombreux obstacles qu’y opposent les despotes contemporains. Ces manifestants, anonymes pour la plupart, sont les vrais héros de notre temps. Puisse leur courage inspirer nos concitoyens qui, en cet automne, continuent de battre le pavé pour faire entendre leurs revendications, qu’elles concernent leur pouvoir d’achat ou l’avenir de la planète.

 

Jacques LUCCHESI