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14/06/2011

De la délation allusive

 

         

 

 

 Il est des retours médiatiques qui ne grandissent guère ceux soudainement replacés sur le devant de la scène. Concernant Luc Ferry, on aurait préféré que ce soit pour un nouveau livre (il en a écrit de forts bons). Mais l’époque est, hélas, aux ragots infâmants et le philosophe attitré de la Droite actuelle n’a manifestement pas évité ce piège tendu aux élites. En affirmant publiquement qu’il en savait long sur les tendances pédophiles de quelques anciens ministres tout en se gardant de livrer des noms, il n’a fait qu’ajouter au malaise politique ambiant, conséquence des récentes affaires Strauss-Kahn et Tron. Cette attitude pour le moins ambiguë n’a pas manqué de soulever la réprobation, y compris dans son propre camp. Mais peut-être que Luc Ferry est tout simplement en train d’expérimenter un nouveau concept : la délation allusive. Celle-ci consiste, on l’aura compris, à s’attribuer la connaissance de secrets propres à menacer des personnalités qui se croyaient à l’abri de la justice. Mais cet élan tardif de la conscience morale (qui étouffe, bien sûr, sous le poids des dits secrets) est nuancé par une forme de pudeur – ou de magnanimité - s’interdisant tout grand déballage. Dès lors, on ne dit rien en sachant tout, ou plutôt on procède par allusion, comme dans un jeu de devinettes. Ainsi se place-t’on dans  une position attentiste de supériorité tout en maintenant le trouble dans l’opinion publique. Quand on sait que ces prétendues révélations pourraient concerner des élus socialistes, on ne peut manquer de penser que tout cela ressemble à de la stratégie bassement politicienne. Depuis, une affaire de népotisme financier – au demeurant vite épongée - est venue ternir l’armure vertueuse du chevalier blanc Luc Ferry. On se gardera de mettre au même niveau de petites malversations et des pratiques pédophiles. Mais la vraie sagesse eût été quand même de ne pas remuer tant de boue.     

 

 

                                                     Erik PANIZZA

10/06/2011

Le tournis médiatique

 


 

Après les affaires DSK, Tron et Ferry, voilà qu’on nous ressert les toutes dernières péripéties de chez les Bettencourt ! De grâce, n’en jetez plus ! Où sommes-nous donc tombés ? Une affaire chasse l’autre et nous voilà sommés d’entrer en  empathie avec des personnages de série B ! Aujourd’hui plus qu’hier dans notre cher pays, chacun y va de son couplet, de sa fine analyse, de ses supputations savantes, voire lumineuses et évidentes : la France est devenue un Café du Commerce ouvert à toutes les élucubrations ! Pour exister (et surtout pour survivre) l’information en est-elle donc réduite à faire dans le people ? A quoi joue-t-elle : court-elle après les tous nouveaux réseaux de communication ? Est-elle soumise aux tyranniques diktats de l’Audimat ? A trop surenchérir, elle peut perdre son âme ! Pourtant, les sujets graves ne manquent pas. Ils sont légion : la crise économique mondiale et toutes ses retombées que l’on est loin de mesurer encore ; ce qui se passe en Grèce, au Portugal, en Italie... bientôt chez nous, peut-être ; la Lybie, la Syrie, l’affrontement israélo-palestinien, le Yémen... l’Afghanistan, où nous avons des troupes, avec son lot de soldats morts... Au fait, qu’y faisons-nous là-bas ? Motus et bouche cousue. Mieux vaut parler des présidentielles à venir, des candidats à la candidature ! Du Centre ! Des Verts joliehulotte ! Du claudiquant PS ! Ah que voilà de grands sujets ! Mais il est vrai que la cuisine électorale se moque bien des plats couchés sur le menu ! Ce tournis médiatique donne bien sûr le vertige. Pour s’en extraire et s’attaquer aux grands enjeux de la planète, j’invite chacun à réfléchir sur cet emballement. Et à croquer dans un concombre accompagné de deux olives !

 

                                          Yves CARCHON

 

07/06/2011

Cinéma : « la conquête » de Xavier Durringer




L’histoire est maintenant bien connue : celle d’un petit homme qui se voulait un grand destin. Celle d’un enfant des années 50, Français d’origine hongroise et militant politique de la première heure qui, à force de ténacité, est arrivé, au tournant des années 2000, à se faire élire à la présidence de notre beau pays.
Cette (résistible)  ascension de Nicolas S. est le sujet même de « La conquête », le film de Xavier Durringer présenté en ouverture du récent festival de Cannes. Servi par le scénario minutieux de Patrick Rotman, il y évoque dans le détail les progressives ambitions présidentielles du ministre Sarkozy à partir de 2002 et ses préparatifs forcenés à la campagne de 2007, à grands renfort de communicants et  de slogans creux comme cet inénarrable « Ensemble tout est possible ». Il y a aussi, en toile de fond, une histoire d’amour qui se décompose et qui laisse penser qu’elle est le moteur secret de toute cette histoire. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Xavier Durringer n’a pas lésiné sur les moyens, notamment pour recréer à l’identique des décors officiels. Son casting n’est pas moins soigné, chacun des comédiens campant son personnage avec un souci époustouflant du détail – à commencer par Denis Podalydès, Bernard Le Coq et Samuel Labarthe, respectivement dans les rôles de Nicolas Sarkozy, de Jacques Chirac et de Dominique de Villepin. Par leurs répliques et leurs mimiques, ils donnent une saveur nouvelle à ces rivalités que personne n’a eu le temps d’oublier. Mais il se passe ce qu’il se passe lorsqu’on regarde ces tableaux en trompe-l’œil : la confusion momentanée entre l’art et le réel représenté. A trop vouloir coller à leurs personnages, ils glissent dans la caricature et nous font rire avec des agissements qui devraient logiquement nous inquiéter quand ils se déroulent au sommet de l’Etat. Est-ce qu’un montage d’archives, comme d’autres l’ont fait avant avec quelques grands dirigeants, eût été plus convaincant ? Rien n’est moins sûr. On peut se demander, in fine, pourquoi ce film sort maintenant, alors même que la plupart des protagonistes qui l’ont inspiré occupent encore le devant de la scène. Sous l’angle historique, il vient trop tôt, c’est certain. Mais si son intention est politique (comme tout porte à le croire), si son parti-pris est de montrer la cuisine peu ragoutante qui se mijote dans l’ombre de toute grande entreprise électorale, alors il vient à point pour aiguillonner la conscience des citoyens un an avant la prochaine présidentielle. Il parait que Nicolas Sarkozy n’a pas voulu voir son double à l’écran. Et, ma foi, il a eu raison.


                                                Bruno DA CAPO