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29/08/2014

Avis de tempête

                            

 

 Le lapsus n’aura échappé à personne ayant assisté, lundi 25 août, au discours télévisé de François Hollande à l’île de Sein. Alors qu’il rappelait les heures sombres qui ont précédé la libération du pays, voici 70 ans, le président a substitué « parti » à « patrie échouée ». A quoi pensait-il alors ? Il est vrai qu’il avait des circonstances atténuantes, discourant sous une pluie battante sans le secours d’un parapluie charitable. Quid du protocole élyséen ? Il faisait presque pitié à voir, l’eau dégoulinant sur ses cheveux et ses lunettes. Peut-être voulait-il signifier à l’opinion publique qu’au sens propre comme au sens figuré, il ne craignait pas de se mouiller ? A moins qu’il ne se préparât à participer, lui aussi, au médiatique – mais débile – Ice Bucket Challenge ? Pendant ce temps, à Matignon, Manuel Valls (de conserve avec Hollande)  avait commencé son grand ménage de rentrée, auditionnant l’un après l’autre les ministres de son gouvernement. Il s’agissait, pour cet homme d’ordre, d’en remettre sans tarder au sein de son exécutif, quitte à couper quelques têtes persifleuses. La première à tomber – il l’a vite remise sur ses épaules – fut celle du fringuant ministre de l’industrie, ennemi déclaré de l’austérité, rebelle à tout esprit d’équipe qui ne soit pas la sienne en propre. Valls-Montebourg ou l’impossible consensus ! Puis vint le tour du ministre de l’éducation et de la ministre de la culture, soucieux, eux aussi, de retrouver leur liberté de parole. On se demande pourquoi ces trois-là ne sont pas partis avant qu’on ne les démissionne. Gageons qu’ils ne vont pas se priver, tout comme Cécile Duflot, de livrer au public leur vision des coulisses du pouvoir. Une alternative vivifiante à la langue de bois généralisée qui caractérise la nouvelle donne ministérielle.  On sait depuis par quelles personnalités (on ne peut plus conformistes) Montebourg, Hamon et Filippetti  ont été remplacés à leurs postes respectifs. La nomination la plus détonante est sans doute celle d’Emmanuel Macron à l’économie; mais il est vrai que l’ex-banquier de Rothschild – excusez du peu ! - est aussi l’inspirateur du controversé pacte de responsabilité et qu’à ce titre-là, il méritait bien une promotion. Il aura les mains libres pour poursuivre le tournant libéral choisi, depuis janvier, par le locataire de l’Elysée. Déjà le MEDEF applaudit à tout rompre. Quant à l’Union Européenne, elle a de quoi être satisfaite : les réformes que n’a pas accomplies Sarkozy durant sa mandature le seront peut-être par Hollande, au grand dam de ses électeurs. Si toutefois il parvient à conserver la majorité à l’Assemblée Nationale, car la fronde d’une partie des députés socialistes n’est pas prête de décroître, tout au contraire. Et il se pourrait bien qu’à l’instar des grands cétacés égarés, le PS ne soit plus dans deux ou trois ans  que ce « parti échoué », selon le lapsus présidentiel ô combien circonstancié.

 

 

                       Erik PANIZZA

22/08/2014

Ebola : l’autre guerre

                            

 

 Depuis le début de l’été, la guerre embrase le Moyen-Orient. Pas moins de quatre foyers d’hostilités (l’Irak, la Syrie, Gaza et la Lybie) reviennent  presque chaque jour à la une de l’actualité, charriant via nos écrans leurs flots d’images effroyables, pathétiques, déprimantes. Et ce n’est pas mieux en Centrafrique où les affrontements entre factions rivales se poursuivent ; ni d’ailleurs en Ukraine où la guerre civile n’en finit pas, opposant diplomatiquement la Russie et l’Union Européenne, ses voisins. On se demande parfois si l’Histoire a un sens pour les générations nouvelles, tellement elles semblent vouées à répéter les errements passés. Parallèlement à ces conflits, générés principalement par l’appétit de domination, une autre guerre, plus silencieuse, plus inquiétante, se poursuit ; une guerre qui ramène chacun à son origine naturelle et à sa native faiblesse : celle que mènent depuis toujours les hommes contre les maladies. Cet été, la menace vient encore une fois de l’Afrique et porte un nom trop bien connu : Ebola.

Ce virus, qui provoque des fièvres hémorragiques foudroyantes, n’est hélas pas nouveau. Il a été identifié en 1976 et depuis on en parle, de façon plus ou moins régulière, c'est-à-dire au gré des phases endémique ou épidémique de la maladie. Manifestement, nous sommes à nouveau dans le second scénario et celui-ci prend des proportions alarmantes. Après avoir touché la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone, il a atteint le Nigéria – l’un des plus grands pays d’Afrique. Plus de 1300 morts lui ont été officiellement attribués, mais on se doute bien que ce chiffre pourrait être sous-estimé. Jusqu’où ira cette épidémie contre laquelle nos médications actuelles sont dramatiquement impuissantes ? Certes, nous connaissons les principaux vecteurs de transmission de cette maladie (le toucher, les secrétions naturelles) et sa zone de virulence –notamment en rapport avec des facteurs naturels. Mais nous ne savons que trop le caractère migratoire de ce type de virus. Des occidentaux, depuis rapatriés dans leurs pays d’origine, ont été infectés et nous avons pu voir de quels moyens de protection le personnel soignant doit user pour pouvoir les approcher. En outre, les premiers symptômes d’Ebola ressemblent souvent à ceux d’une grippe sévère, accentuant le trouble et la confusion chez ceux qui en sont porteurs, chez ceux aussi qui les côtoient. Allons-nous vers une nouvelle psychose collective, comme en ont provoqué, ces dernières années, la grippe aviaire et la SRAS ? Déjà, des compagnies aériennes refusent d’assurer leurs liaisons habituelles avec les pays touchés par l’épidémie. Le gouvernement évite de trop communiquer sur ce sujet, s’en tenant à des informations générales et l’on comprend bien pourquoi. Néanmoins, la recherche médicale s’active, même sans perspective de rentabilité à court terme. Et si les premiers traitements expérimentaux semblent être assez efficaces sur les grands singes, on mesure mal, pour le moment, leur degré d’efficience sur les volontaires humains.

Voilà une mobilisation qui devrait rappeler à tous l’unité et la fragilité de l’espèce humaine face à ces guerriers de l’ombre que sont les virus et autres agents pathogènes qui l’assaillent depuis toujours. Guerre ô combien fondamentale, urgente et sans distinction de sexe de race ou de religion. Puisse-t’elle faire apparaître, aux yeux de leurs acteurs mêmes, le caractère dérisoire des luttes partisanes qu’ils continuent çà et là de mener!

 

 

                       Jacques LUCCHESI

14/08/2014

Snowden reste en Russie

 

 

 Il y a un an de ça, le monde entier apprenait l’existence d’Edward Snowden, un informaticien américain de 29 ans, consultant à la NSA, qui avait dénoncé les écoutes généralisées de la puissante agence de renseignements qui l’employait. Il y révélait, notamment, que l’Allemagne et la France, pourtant alliées des USA, étaient espionnées sans vergogne. L’affaire avait alors provoqué quelques remous diplomatiques et mis le lanceur d’alerte dans l’inconfortable situation d’un proscrit : car ce qui est moral n’est pas forcément légal et vice-versa. Commençait pour lui une errance aérienne dont on se demandait quand elle prendrait fin. Le temps d’une escale en France, le gouvernement  lui avait fait comprendre que sa présence sur notre territoire n’était pas la bienvenue. Finalement Snowden, qui espérait trouver refuge en Amérique Latine, avait obtenu – comme d’autres avant lui -  l’asile politique en Russie. Une occasion, pour Vladimir Poutine, de redorer son blason démocratique (bien terne) à peu de frais ; d’adresser aussi un pied-de-nez au sempiternel adversaire de la Russie que sont les USA. Le 7 août dernier, la Russie a donc renouvelé le visa de Snowden pour trois ans. Tant mieux pour Snowden dont la probité ne méritait sans doute pas un tel ostracisme (une grande partie de l’opinion occidentale lui est d’ailleurs favorable). Il pourra ainsi continuer à apprendre le Russe et mettre ses connaissances en informatique au profit de sa patrie adoptive. Depuis, les tensions internationales se sont encore accrues ; la guerre civile en Ukraine et le soutien logistique qu’apporte la Russie aux rebelles pro-russes n’en finissent pas d’inquiéter l’Europe. Pour pallier à l’impossibilité d’une intervention militaire, ses dirigeants, en accord avec Washington, multiplient les protestations et les menaces de sanctions économiques contre Poutine et ses proches. Peine perdue au vu des filières d’approvisionnement dont il dispose en Amérique du Sud et en Asie. Dans ce contexte qui rappelle de plus en plus celui de la guerre froide des années 60, Snowden reste plus que jamais un symbole et un enjeu. Un symbole pour tous ceux qui voient – et ils sont nombreux – dans la Russie une alternative au modèle occidental affaibli par ses dissensions : les ennemis de mes ennemis sont mes amis. Un enjeu car, si le vent venait à tourner, il y a gros à parier que l’ardent défenseur des libertés qu’est Poutine pourrait utiliser Snowden comme monnaie d’échange. Nous n’en sommes pas là et Snowden peut continuer à mener une vie discrète mais paisible en Russie. Avec, toutefois, la  certitude qu’il ne pourra plus réitérer ici son coup de force communicationnel de mai 2013. Vous avez dit liberté…

 

 

                     Bruno DA CAPO