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17/07/2015

Vacances syriennes

                         

 

 Un jour ou l’autre, quand cette guerre démentielle sera terminée en Syrie et qu’on en aura tiré l’effroyable bilan, on découvrira que Bachar El Assad était aussi un humoriste. Après avoir organisé, l’an dernier, des élections prétendument libres – afin de légaliser son incontournable réélection -, il a décidé, cette année, de relancer le tourisme en Syrie. Mouvement unilatéral, car les quatre millions de syriens qui ont fui leur pays depuis le début du conflit ne sont pas vraiment ce qu’on peut appeler des touristes en Europe. Il faut dire que Bachar  bénéficie, depuis quelques mois, d’une embellie diplomatique. Des parlementaires français ont pris l’initiative d’aller le rencontrer à Damas ; et David Pujadas, le présentateur du JT sur France 2, lui a même consacré un long entretien. De quoi redorer son blason et  le rendre presqu’acceptable pour l’opinion internationale : « Vous voyez, je ne suis pas si méchant que ça. C’est vrai, j’ai réprimé la rébellion dans le sang,  j’ai utilisé, mais avec parcimonie, le gaz sarin contre une partie de mon peuple. Mais en comparaison de ce que fait Daesh depuis un an, ça reste de bonne guerre. Croyez-moi, mieux vaut Assad que le califat. ». Car c’est bien à l’état islamique et à sa barbarie médiatisée qu’il doit ce momentané retour en grâce. Alors autant essayer d’en profiter et inviter le reste du monde à venir mesurer les progrès de la démocratie en Syrie. Comme le Liban, elle fut un beau pays dont le riche passé attira de nombreux explorateurs, artistes et savants. Un pays pour lequel le tourisme représentait encore 14% de son économie avant le début de cette guerre civile. Mais aujourd’hui, seul le centre de Damas reste à peu près épargné. Et les ruines qu’on peut voir, un peu partout dans le pays, ne sont pas celles de la lointaine civilisation assyrienne mais celles, encore fumantes, causées par les canons et l’aviation de Bachar- comme à Homs et à Alep. Bachar peut bien poser dans un décor de carte postale pour étayer sa propagande : il a malgré tout peu de chances de renflouer ainsi l’hôtellerie syrienne. Sauf, peut-être, à séduire ces touristes de l’extrême pour qui la menace d’être bombardés ou enlevés par des djihadistes ajoute au plaisir du voyage.

 

 

                         Bruno DA CAPO

26/07/2012

Bruissements (8)

 

 


 

Heures sup : parmi toutes les mesures prises durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, la loi de défiscalisation des heures supplémentaires était sans doute la plus emblématique  de sa politique  économique. Elle  complétait son fameux slogan de campagne « travailler plus pour gagner plus » et devait, selon lui, permettre aux travailleurs les plus volontaires d’augmenter leur niveau de vie : même Jean-François Copé en aurait bénéficié, ce qui est tout dire. Mais outre que ces heures supplémentaires furent assez chichement distribuées aux salariés, elles  ne favorisèrent pas l’embauche de chômeurs. On estime ainsi à 300 000 le nombre d’emplois qui n’ont pas été créés durant cette période. Comme la loi sur la TVA sociale, abrogée un peu plus tard, l’Assemblée Nationale est donc revenue sur cette mesure phare du précédent gouvernement,  lors d’une séance particulièrement houleuse, le 16 juillet dernier, votant sa suppression  à 89 voix pour contre 64 voix contre. Dès le 1er septembre prochain, les exonérations de cotisations patronales et salariales sur les heures supplémentaires seront donc supprimées. Seules les entreprises de moins de 20 salariés pourront continuer à bénéficier des exonérations de charges patronales, aidées par l’Etat à hauteur de 350 millions d’euros. Si l’Etat devrait ainsi réaliser un bénéfice de plus de 4 milliards d’euros, on ne sait pas encore dans quelles  proportions tout cela va profiter aux travailleurs. On attend impatiemment la suite de ce programme.

 

Justice: au chapitre de l'abolition des privilèges républicains, un autre proposition de François Hollande vise la Cour de Justice de la République et sa possible suppression d'ici la fin de son quinquennat. Cette juridiction exceptionnelle - qui, autrefois, jugeait le crime de haute trahison - concerne présentement les manquements des ministres durant l'exercice de leurs fonctions. Elle est composée de 3 magistrats, 6 députés et 6 sénateurs. Mais voilà, les procédures seraient trop longues, trop clémentes et, comme on s'en doute un peu, entachées de partialité. Un vieil habitué de cette vénérable institution comme Charles Pasqua en sait sûrement quelque chose. Les ministres redeviendraient ainsi des justiciables comme les autres. L'idée n'est pas pour déplaire à l'actuelle majorité et, en particulier, à Noël Mamère. Elle suscite davantage de réticences dans les rangs de l'opposition. Il faut dire qu'Eric Woerth, avec l'affaire de l'hippodrome de Vincennes, et Christine Lagarde avec l'affaire Tapie, pourraient en faire prochainement les frais.

 

Vel d'Hiv: lors de son discours, dimancher dernier, pour la commémoration des 70 ans de la grande rafle du Vel d'hiv, François Hollande a rappelé l'entière responsabilité de la France dans ce qui restera l'un des sommets de l'antisémitisme durant l'Occupation. Ce disant, il ne faisait que s'inscrire dans la mouvance de Jacques Chirac qui, le premier en 1995, avait fait acte de contrition nationale. Les critiques, évidemment, n'ont pas manqué de fuser tant dans son camp, avec Chevènement qui soulignait à juste titre le poids des consignes nazies dans cette affaire, que dans l'opposition où l'on prend à la moindre occasion la pause gaulliste. Le pompeux Henri Guaino y est allé de sa tirade indignée, disant ne pas se reconnaitre dans cette France de "vichystes apeurés". Outre qu'on ne lui demandait pas son avis, il est toujours facile de se déclarer potentiellement résistant quand on n'a pas, comme lui, été confronté à ces affres de l'Histoire. Reste que l'imaginaire des deux Frances a la vie dure. Et que chacune prétend à la Vérité exclusive.

 

Damas: d'ailleurs, il y a bien longtemps que l'héroisme a déserté notre territoire pour aller s'illustrer dans d'autres contrées. Comme en Syrie, par exemple, où les forces de libération progressent, malgré de faibles moyens militaires et une répression féroce - plus de 15 000 morts depuis le début de la guerre civile. Beaucoup de Syriens cherchent à gagner la Turquie et les désertions des militaires sont quasi quotidiennes à présent. Un peu partout, les bombardements et les combats s'intensifient. Loin de se limiter à Homs et à Alep, ils touchent maintenant Damas, centre névralgique du pouvoir. Les dirigeants du parti Bass, Bachar El Assad en tête, savent maintenant qu'ils ne sont plus à l'abri depuis qu'un attentat a tué quatre des leurs, mercredi 18 juillet. Parmi eux se trouvait le sanguinaire Daouh Rajah, ministre de la Défense et c'est, en soi, tout un symbole. On parle d'une piste turque, mais Assad n'a pas que des ennemis dans ce pays. L'Arabie Saoudite et le Qatar, en particulier, verraient d'un oeil plutôt favorable son élimination. Car il faudra, un jour ou l'autre, qu'il réponde des crimes commis contre son peuple. Et que ses protecteurs sur la scène internationale, à commencer par la Chine et la Russie, fassent, eux aussi, leur chemin de Damas. 

 

J.O: décidément, l'Angleterre entend rester, durant toute cette année 2012, sous les feux de l'actualité.Après le jubilé de la reine en mai et la victoire, dimanche dernier, de Bradley Wiggins dans le Tour de France, ce sont les Jeux Olympiques qui vont maintenant mettre Londres à l'honneur. Pour accueillir les 10 490 athlètes qui vont concourir dans 302 épreuves et 26 disciplines sportives, le budget du comité d'organisation atteint maintenant 9,3 milliards de livres (11,6 milliards d'euros). C'est peu au regard des 42 milliards d'euros dépensés par la Chine en 2008, mais c'est quand même quatre fois plus que les estimations de 2005. Les Britanniques ont vu grand en émettant 11 millions de billets d'entrée (dont 6,6 millions seulement pour eux-mêmes) quand seulement 2 millions de visiteurs sont attendus. Ils auront sans doute du mal pour se loger à bon prix mais pas pour se restaurer. Toujours à l'affut des bons coups, Mac Donalds a installé, sur le site olympique même, le plus grand de ses restaurants dans le monde. Il compte ainsi vendre 50 000 Big Macs, 180 000 portions de frites et 30 000 milkshakes. Pas très diététique, tout ça. Mais au pays du libre échange, il ne faut pas s'en étonner, même dans ce cadre-ci. 

                                              


                                 Erik PANIZZA

05/08/2011

Le boucher magnanime

 


 

  La nouvelle, en provenance de Damas, n’a pas manqué de surprendre – et de faire sourire jaune- dans le monde : Bachar El Assad a fait promulguer un décret autorisant le multipartisme en Syrie. Lui qui depuis cinq mois fait allègrement massacrer tous ceux qui osent contester son pouvoir et ses méthodes tyranniques aurait-il été soudainement effleuré par l’ange de la démocratie ? A côté du parti Baas (dont il est issu), il y aurait, à présent,  place pour d’autres formations politiques, pour peu qu’elles respectent, entre autres, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et les accords approuvés par la République Arabe Syrienne. Cette seconde clause revient, dans les faits, à approuver la domination durable du parti Baas sur le pays ; quant à la première, venant d’un régime inhumain comme le sien, elle serait risible si elle n’était, en soi, d’une abominable hypocrisie. Commentant cette pseudo mesure démocratique, Alain Juppé, notre ministre des Affaires Etrangères, a parlé d’une  - presque –provocation. En réalité, il faudrait plutôt parler d’une manigance bien calculée pour garder encore un peu de crédit politique et retarder autant que possible la déliquescence de son régime. Car ce semblant d’ouverture est quand même symptomatique d’un pouvoir en train de vaciller. Aussi déterminés à se maintenir qu’ils soient, Bachar El Assad et sa clique le savent bien : la terreur et les massacres des opposants ne peuvent pas durer indéfiniment. Ils ne pourront pas toujours interdire un changement gouvernemental que le peuple syrien réclame avec un héroïsme et un sens du sacrifice qui force l’admiration. Le temps viendra où El Assad devra répondre de tous ses crimes devant les instances juridiques de son pays. La liste risque alors d’être bien plus longue que celle imputée, en Egypte, à un Moubarak entravé et grabataire. Et, contrairement à l’ex Raïs de 83 ans, El Assad, à 45 ans, ne peut pas compter sur son âge pour échapper à la peine capitale. L’ONU qui ne cesse de le tacler menace, par ailleurs, de geler ses avoirs à l’étranger. C’est dire que son avenir ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices.   

Or, pour le moment, la chance d’El Assad s’appelle Kadhafi. Ni l’OTAN ni l’Europe ne veulent (ni ne peuvent) envisager une nouvelle intervention militaire dans la région avant d’en avoir terminé avec le dictateur libyen. La résistance acharnée, désespérée,  de ce dernier face aux troupes des insurgés était largement prévisible et, à l’heure actuelle, ils sont encore loin d’avoir remporté la victoire. Dans ces conditions, El Assad peut temporiser, jouer la carte de l’ouverture et de la magnanimité, histoire de dire au monde qu’il n’est pas aussi cruel qu’on l’a présenté et qu’on peut négocier avec lui. Peine perdue ? Sûrement pas. Mais  quoiqu’il fasse et dise à présent, il ne pourra pas faire oublier les milliers de vies qu’il a fait froidement anéantir. Souhaitons qu’au moment voulu, ses compatriotes lui réservent un châtiment à la mesure de ses atrocités.  

                                                 Erik PANIZZA