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19/05/2011

Dominique Strauss-Kahn : dans l’œil du cyclone


 

 

 

 Il y avait eu, voici dix jours, l’affaire de la Porsche puis celle des costumes à 35 000 $. Rien de particulièrement exemplaire pour un probable candidat socialiste à la présidentielle de 2012 ; rien de particulièrement compromettant, non plus. Avec l’inculpation pour tentative de viol qui pèse sur DSK depuis dimanche dernier, on est dans un tout autre registre de gravité. La nouvelle, avec les images accablantes de son arrestation, ont fait l’effet d’un séisme dans la classe politique française. Au point que beaucoup ont parlé de complot pour abattre médiatiquement une personnalité devenue trop menaçante pour l’actuel gouvernement. Comment, en effet, imaginer que le tout puissant directeur du FMI, challenger préféré des Français face à Nicolas Sarkozy en 2012, puisse se comporter comme un satyre avec une femme de chambre dans un hôtel new-yorkais ? Comment un homme de cette envergure pourrait-il oublier, ne fut-ce qu’un instant, ses responsabilités vis-à-vis de la planète ? Ces questions-là ne peuvent pas être occultées et la plupart des politiques interrogés, de quelque bord qu’ils se situent, ont préféré garder une réserve de bon aloi, respectant la présomption d’innocence dont DSK bénéficie avant que l’enquête n’ait confirmé ou non  les faits qui lui sont reprochés. L’ennui, c’est que même avec la meilleure volonté du monde, on voit mal, quand on remonte le fil des évènements, où la supposée machination a pu s’ancrer dans cette pitoyable histoire. Que d’autre part on retrouve, dans le parcours de DSK, des agissements étonnamment proches de ceux qui l’accablent aujourd’hui. Aurait-on  à faire avec lui à un nouveau Docteur Jekyll nourrissant secrètement un Mister Hyde particulièrement incontrôlable en présence d’une femme, ce dernier tirant vers le bas les hautes facultés du premier? Les psychanalystes se pencheront certainement sur la personnalité de  DSK et sur son parcours en clair-obscur. Quoiqu’il en soit, et quand bien même il sortirait blanchi de cette troublante affaire, il y a gros à parier qu’il devra malgré tout abandonner les fonctions qu’il exerce depuis 2007 (ce qu’il a fait depuis sans cesser de clamer son innocence du fond de sa cellule) ; qu’à l’échelon hexagonal, sa carrière politique est définitivement ruinée. La roche Tarpéienne jouxte toujours le Capitole.  Dominique Strauss-Kahn ou la marche triomphale au désastre.

 

                                          Erik PANIZZA   

14:03 Publié dans numéro 20 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dsk, viol, fmi, désastre

02/05/2011

Al Qaida après Ben Laden

 

 

                   

 

 

Au terme d’une traque de dix années, Oussama Ben Laden – l’homme le plus recherché de la planète – est mort dans la nuit du 1er au 2 mai, tombé sous les balles d’un commando américain dans sa villa, au nord d’Islamabad (Pakistan). La nouvelle a aussitôt fait le tour du monde, controversée comme il se doit par des rumeurs sur le Net faisant état d’une mise en scène macabre. Aux USA et à New-York tout particulièrement, elle a généré des scènes d’une allégresse à peine croyable – comme si, avec la mort du leader d’Al Qaida, avait pris fin le cauchemar du terrorisme. Ailleurs, au Pakistan notamment, c’est plutôt la tristesse qui était le sentiment dominant, même si quelques Pakistanais reconnaissaient à demi-mots que Ben Laden leur avait apporté plus de mal que de bien. Quant aux Maghrébins, ils étaient, dans l’ensemble, plutôt satisfaits de cette disparition, jugeant Ben Laden responsable de l’amalgame durable entre terrorisme et Islam dans l’opinion occidentale. Pour significative qu’elle soit, cette mort ne règle pas, évidemment, la dangereuse survivance de l’hydre Al Qaida, laquelle comme on le sait a essaimé un peu partout, beaucoup de groupuscules terroristes se réclamant de ce label. Quelles vont être leurs réactions, face à la perte de leur figure tutélaire ? Vont-il chercher à se venger contre ceux – les Américains – qui criaient eux-mêmes vengeance, estimant par la bouche du président Obama que « justice a été faite » ? Ou risquent-ils également de s’attaquer aux intérêts et aux ressortissants occidentaux, particulièrement au Maghreb comme on l’a vu, la semaine dernière, avec l’attentat à Marrakech ? Il y a aussi, et surtout, la question des otages français au Sahel et en Afghanistan : seront-ils les premières victimes des représailles terroristes ? Pour les experts en ce domaine si mouvant, la balance penche plutôt vers le « non ». Car la mort de Ben Laden va obliger Al Qaida au Maghreb à traiter directement avec l’état français, ne pouvant plus faire intervenir ce charismatique intermédiaire dans les négociations. Quant aux ravisseurs afghans d’Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, ils n’auraient, selon ces mêmes experts, aucune accointance avec Al Qaida. Puissent-ils avoir raison. 

 

 

                      Bruno DA CAPO

22/04/2011

La dernière c… de Roselyne Bachelot



       


La question de la prostitution turlupine singulièrement Roselyne Bachelot depuis quelques temps. On se souvient, début janvier, de sa foucade à l’encontre d’un projet gouvernemental de services sexuels aux handicapés - à l’instar de ceux qui fonctionnent déjà dans plusieurs pays de l’Europe du nord. La voilà qui récidive avec un autre projet de loi, d’inspiration nordique lui aussi mais autrement plus répressif : la pénalisation des clients des prostituées.
Pour madame Bachelot les choses, en ce domaine particulièrement mouvant, semblent toutes simples. Puisqu’on ne peut pas éliminer radicalement le proxénétisme – le seul à constituer véritablement un délit jusqu’ici - ; puisqu’on ne peut pas toujours taper sur les prostituées, surtout en les considérant comme des victimes à la base, alors il faut se tourner vers le troisième acteur de ce drame millénaire : le client. Car, dans cette optique, il est aussi un vecteur d’immoralité publique. C’est lui, par sa demande, qui entretient et perpétue ce commerce honteux. Pas question ici de se soucier de sa psychologie ou même d’établir une typologie. Qu’importe si c’est un homme seul, disgracié, malheureux, qui n’a pas d’autre recours possible pour avoir des rapports sexuels. La notion de misère sexuelle n’a jamais effleuré l’esprit de madame Bachelot. Non, à partir du moment où il donnera de l’argent à une femme contre un moment de plaisir, il sera considéré comme un suborneur et, à ce titre-là, coupable et condamnable. Pourquoi, dans ces conditions, ne pas réactualiser le supplice du pilori  et les défilés de pénitents dans les rues?
Dire que ce projet est foncièrement stupide relève de l’honnêteté morale et intellectuelle. D’abord parce qu’on ne peut ignorer que les relations sexuelles dans la société humaine, comme chez  bien des espèces animales, se doublent la plupart du temps de rapports d’intérêts, et cela depuis les origines. Le pur amour entre un homme et une femme, chère madame Bachelot, demeure extrêmement rare en ce monde. En ce sens, la prostitution ne fait que révéler un état de choses latent dans bien des unions respectables. Ensuite, parce qu’on touche là à un point fondamental de la vie : la pulsion sexuelle.  Et celle-ci n’a jamais manqué de ruses pour parvenir à ses fins. A moins de mettre un flic derrière chaque homme de 13 à 93 ans, les prostituées et leurs clients parviendront toujours à déjouer ce dispositif répressif, quitte à être encore plus sur le qui-vive qu’à présent. C’est ce qui s’est passé en Suède – pays initiateur de cette loi malsaine -    et ça se passerait forcément de la même manière en France si elle venait à être votée.
Du reste, les trois quarts des rencontres tarifées se font aujourd’hui par le Net, donc échappent de fait à une visibilité qui permettrait de les sanctionner sans équivoque. En plus d’être stupide, cette loi serait également injuste puisqu’elle n’affecterait guère que les clients les plus pauvres, ceux dont les maigres moyens ne leur permettent que de s’adresser aux « pierreuses » (dont les prix sont sans commune mesure avec ceux pratiqués par leurs cyber-consoeurs). Rappelons au passage que ce sont ces prostituées de rue qui furent aussi les premières touchées par la loi Sarkozy de 2003 faisant passer les amendes pour racolage à 3600 euros. Comprend- t’on mieux ainsi le caractère profondément inégalitaire et liberticide de ce nouveau projet ?
On peut finalement se demander à qui profiterait une pareille loi. Sûrement pas aux prostituées qui ne demandent rien d’autre, dans leur immense majorité, qu’à poursuivre leur activité, aussi moralement répréhensible qu’elle paraisse. Pas davantage à l’Etat Français qui a tout intérêt à ce que celles-ci continuent de lui verser des impôts parfois élevés, sans même – faut-il le rappeler ? – la contrepartie d’une reconnaissance sociale et d’une assurance maladie. Non, cette idée de projet de loi repose sur la conviction – erronée – que la prostitution ne peut être un travail librement consenti et qu’il s’agit, en la combattant par un bout ou par un autre, de redonner une dignité nouvelle, moins à des femmes qui ne la réclament pas, qu’aux femmes en général (car il n’est pas question ici de la prostitution des hommes). C’est la sempiternelle protestation féministe contre la prétendue domination masculine, avec son puritanisme obsessionnel, qui s’exprime par la voix de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Elle ne fait que confirmer le caractère mesquin et partisan de son action politique.

                                           Jim CLELAND