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31/10/2013

La marche des beurs

 

                       

 

 C’était il y a trente ans, en octobre 1983. Dans la France mitterrandienne, quelques dizaines de jeunes Français d’origine maghrébine – ceux qu’on appelait alors les beurs – avaient décidé d’organiser une grande marche de protestation en partance de Marseille et dont le terme était Paris. Durant les quarante-cinq jours que devait durer leur périple au bord des routes nationales, leur groupe allait rallier d’autres marcheurs solidaires, susciter des oppositions mais aussi beaucoup de sympathies dans cette France profonde – qui n’était et qui n’est toujours pas raciste. Que demandaient ces nouveaux pèlerins? D’être reconnus comme des citoyens à part entière et trouver leur place dans la société française d’alors. Ils en avaient marre que leurs parents et eux-mêmes puissent subir des agressions bassement racistes – ces « ratonades » de sinistre mémoire. Ils avaient le respect des valeurs françaises et voulaient simplement être respectés en tant qu’êtres humains, sans qu’il soit jamais question de religion dans leurs revendications. Un mouvement allait naître avec eux, entrainant des productions culturelles nouvelles: que l’on se souvienne du groupe « Carte de séjour » et de sa reprise de la chanson de Charles Trenet, « Douce France ». Un mouvement qui rappelait à tous que l’égalité et la fraternité n’étaient pas que des grands mots vides de sens mais bien des attitudes pouvant encore féconder le présent. Leur combat était juste et, exception faite des partisans d’un FN encore en quête de médiatisation, la France entière les soutenait. Quelque chose bougeait dans ce vieux pays et les dirigeants politiques d’alors se devaient d’accompagner ce changement, même au risque d’être jugés opportunistes. C’était en 1983 : que cette époque semble lointaine et différente de la nôtre !  Que s’est-il passé, durant ces trente années, pour qu’on assiste à un tel revirement de l’opinion vis-à-vis cette partie de notre population ? Il y a eu tout d’abord beaucoup de déception chez ceux-là mêmes qui réclamaient plus de reconnaissance sociale. Les discriminations, même davantage sanctionnées, n’en perdurèrent  pas moins, tandis que les bénéfices de cet élan généreux tardaient à venir améliorer leur vécu. Il y eût aussi, surtout dans la génération suivante, ce retour en force de l’Islam pour pallier à ces difficultés persistantes; un Islam hélas gangréné par des manipulateurs extrémistes, étrangers à l’orthodoxie musulmane. Alors que leurs aînés recherchaient l’intégration, les jeunes issus de l’immigration maghrébine cultivèrent de plus en plus leur différence culturelle, quitte à se désolidariser avec les valeurs républicaines. Alors que leurs pères pratiquaient leur religion en privé, ils la portèrent sur la place publique, ne tolérant plus la moindre atteinte à leurs symboles religieux, niant ainsi le principe de laïcité propre à notre nation. Tout cela est sans doute la conséquence d’une histoire d’amour déçue. Mais ce n’est sûrement pas à cette France  divisée qu’avaient rêvée ces beurs ivres de partage et d’égalité.

 

                        Bruno DA CAPO

29/07/2011

La Grande Boucle n’est plus




Quand j’étais môme, juillet était le mois où je partais en colonie de vacances. C’était une vie saine, légère et buissonnière qui m’attendait. Un peu de ce climat rieur et bon enfant qu’on goûte quand on relit le Château de ma mère du malicieux Pagnol. La France des années cinquante était en gros radical-socialiste, plutôt plan-plan, comme arrêtée sur le fil du temps entre banquets sous les platanes et pêche à la friture sous l’ombrage des saules. C’était avant De Gaulle et sa Cinquième République, avant la Paix des Braves et le joyeux bordel de mai 68, avant tous les tracas d’une vie adulte. Nous aspirions à vivre simplement au rythme des saisons. L’été, nous vivions attablés aux terrasses des cafés en écoutant Mireille, Jean Nohain et les chansons de Charles Trenet. J’ai souvenir que feue ma mère avait un faible pour Jean Sablon, crooner à la française qui valait bien Frank Sinatra. Quand on nous refusait un verre de limonade (je parle des enfants bien sûr), nous demandions à nos parents de siroter un zeste d’eau de seltz. Heureux moments où les adultes nous surveillaient paisiblement avec un œil bienveillant et une oreille collée au poste de TSF pour suivre les exploits de Poulidor et d’Anquetil, et ceux du grand Bahamontes, un grimpeur émérite pour qui le Tourmalet n’avait pas de secret. Juillet, c’était le Tour de France avec ses étapes de plaine ou de montagne que l’on suivait sur le journal local, ses arrivées que l’on guettait pour les vivre en direct grâce à la voix radiophonique d’un journaliste sportif. Et les coureurs étaient pour nous des dieux ; leurs sprints valaient tous les exploits d’Achille. Le Tour était notre mythologie à nous. Nous arborions bien fièrement casquettes et maillots de couleurs que nos héros portaient... Avec le temps, hélas, les choses se sont gâtées. Argent, dopage ont déniaisé cette mémoire d’un autre monde. Les Géants ne sont plus, rien que des boutiquiers qui courent après l’Histoire glorieuse du Tour. La magie n’y est plus. J’ai parfois l’impression que le panache des envolées vers les sommets a disparu. Que même les commentateurs sportifs n’ont plus la fibre lyrique de ceux d’antan qui magnifiaient la grande Geste cycliste. Il manque au Tour ce quelque chose qui faisait sa grandeur : une petite touche d’âme sans quoi rien ni personne n’existe réellement.

                                                  Yves Carchon

17:03 Publié dans numéro 20 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pagnol, trenet, tsf, tourmalet