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26/12/2014

Faut-il brûler Eric Zemmour ?

           

 

  Depuis le succès colossal de son « Suicide français » (Près de 500 000 exemplaires vendus à ce jour), Eric Zemmour vit en permanence sous le regard des médias. Ce n’est d’ailleurs plus en tant que journaliste qu’il fait la tournée des plateaux de télévision mais en tant que « penseur » de son époque et, à ce titre-là, il multiplie les déclarations alarmistes. A ce jeu-là, il y a forcément des glissements dangereux. Le dernier en date fut au cours de cet entretien donné au « Corriere Della Sera », le 30 octobre dernier, où il évoquait à mots couverts la possibilité d’un rapatriement massif de tous les étrangers excédentaires en France. Le spectre de la déportation a aussitôt ressurgi dans les esprits et – quoique de l’aveu même du journaliste italien Stefan Montefiori, Zemmour n’ait jamais prononcé ce mot durant leur conversation -, il a entrainé une levée de boucliers contre le polémiste. Pas en Italie mais en France où des associations antiracistes – la LICRA en tête – lui sont tombées dessus, demandant son éviction pure et simple de la sphère publique. Le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve a pris cette demande au sérieux et envisage des sanctions contre le réactionnaire le plus médiatisé du moment. Zemmour dérange et c’est sans doute   la clé de son succès actuel.  Est-ce une raison valable pour le censurer ? Sûrement pas ! Car, dans ce cas, notre démocratie nierait ses valeurs de pluralité et de tolérance, tombant ainsi dans le piège de ses détracteurs. S’il faut combattre Eric Zemmour, ce n’est pas en lui confisquant la parole mais en l’affrontant sur son propre terrain : celui des idées. Les siennes, on le sait bien, relèvent moins de la raison que de l’affectivité et de la nostalgie pour une époque qu’il n’a pas vécue ; une époque qui aurait d’ailleurs pu lui être fatale, vu ses origines juives. Ce sont les idées d’un homme en recherche de repères, qui a développé une vision figée de l’histoire. Autrement dit, un examen approfondi de ses thèses devrait permettre assez facilement de les déconstruire une à une. Encore faut-il faire ce travail et oser le débat public avec lui. Et c’est bien ce que n’ont pas fait, jusqu’à présent, tous ceux qui le vouent aux gémonies un peu trop arbitrairement.

 

 

                      Bruno DA CAPO

18/12/2014

Poutine, le pétrole et l’Europe

                

 

 Un vent de panique souffle actuellement sur l’économie russe. La semaine écoulée a vu le rouble chuter de 9,5%, record historique depuis 1998. Au final, il aura perdu 60% de sa valeur normale depuis le début de l’année, représentant à peine 0,015 dollar aujourd’hui. Cette crise monétaire a provoqué une vive inquiétude dans la population. Nombreux sont les Russes qui se sont précipités dans les banques pour acheter des devises étrangères avec l’espoir de sauver un peu de leur avoir. Les capitaux des plus riches ont déserté massivement la Russie (environ 120 milliards de dollars, soit 95 milliards d’euros). Pour lutter contre ce marasme, des marques comme Ikéa veulent  relever leurs tarifs; quant à Apple, elle envisage tout simplement de suspendre  ses ventes en Russie.  De ce côté-ci de l’Europe, nombreux sont ceux qui voudraient voir dans cette crise les conséquences du blocus imposé à la Russie par l’Union Européenne depuis l’été dernier. Mais quoique l’interruption des échanges représente, pour la Russie, une perte de 32 milliards d’euros, celle-ci n’aurait pas eu d’incidence majeure si, entre temps, une autre crise n’était passée par là : l’effondrement du cours du pétrole. Car l’or noir, lui aussi, est actuellement à son plus bas niveau. Le baril s’échange aujourd’hui à seulement 55 dollars, quand il atteignait le double voici quelques mois à peine. Ce faible prix, décidé par l’OPEP, est lui aussi une réaction à l’offre excédentaire de pétrole sur le marché énergétique. Elle résulte, pour une grande part, de l’exploitation massive du gaz de schiste pratiquée par les USA et le Canada. Avec une économie qui repose principalement sur le pétrole et le gaz, la Russie ne pouvait qu’en subir le ressac : ses pertes  se monteraient présentement à 90 milliards d’euros – soit 5% de son PIB. Ainsi se profile une situation qui semble favorable à la reprise des négociations sur l’épineux dossier ukrainien. Depuis, le cours du rouble a été rehaussé et Poutine, lors de sa conférence de presse annuelle, s’est lancé dans une diatribe contre les ennemis de la Russie, accusant ouvertement l’U E d’être responsable de cette crise (qui devrait, selon lui, être résorbée d’ici deux ans). Le maitre du Kremlin peut faire croire ce qu’il veut au peuple russe ; chacun sait ici, à commencer par lui-même, que la situation actuelle n’est guère propice à une attitude durablement intransigeante. Que l’on se garde néanmoins, en Europe de l’Ouest, de crier victoire trop vite et d’adopter un ton immodeste avec lui. Le chemin du dialogue – et donc de la paix en Ukraine – exigera sans doute des compromis des deux côtés.

 

                       Bruno DA CAPO

12/12/2014

Les crèches de la discorde

                  

 

 

 

Au départ, il y a la décision du tribunal administratif de Nantes qui, saisi par l’association La Libre Pensée, a enjoint le conseil général de Vendée de retirer sa crèche de Noël dans le hall de l’hôtel du département. Décision sans doute un peu trop rigoriste, même justifiée par l’article 28 de la loi de 1905 sur la séparation de l’église et de l’état (qui interdit les signes religieux dans l’espace public). Néanmoins, le conseil général de ce département – pourtant de forte tradition catholique – s’y conforme, tout en promettant d’introduire un recours. Ce n’est pas le cas à Béziers, sous le coup aussi de la même injonction. Là, Robert Ménard, maire apparenté FN de la cité bitérroise, se cabre et conserve la crèche installée dans l’hôtel de ville. Il est rapidement suivi par l’ensemble des autres édiles du FN dans leurs communes respectives. La fronde gronde contre les valeurs de la république, soutenue par des personnalités aussi différentes que Nadine Morano (UMP) et Julien Dray (PS). On peut les comprendre. Car  il n’est nul besoin d’être encarté à l’extrême-droite pour vouloir préserver, en cette période de l’année, un peu d’enfance et de merveilleux  au sein de notre société si mercantiliste. Ce qui est, par contre agaçant, c’est la récupération politique quasi instantanée d’une coutume porteuse de paix et d’universalité. C’est aussi la duplicité du FN, si prompt à brandir le principe de laïcité quand il estime que l’Islam le viole par ses manifestations publiques et, à l’inverse, de le piétiner lorsqu’il met un bémol à des traditions d’inspiration chrétienne. Il est vrai que, dans cette affaire, le sénateur UMP Bruno Retailleau a introduit la distinction entre fait religieux et fait culturel – la crèche relevant, selon lui, de ce deuxième point. Du pain bénit pour le FN qui a sans doute oublié que la loi de 1905 visait avant tout – et pour cause ! – la religion chrétienne jugée alors trop influente. Les mœurs ont bien changé, depuis, dans ce pays ; la laïcité y est devenue plus tolérante. Et on peut aujourd’hui, sans crainte du ridicule, s’affirmer laïcard tout en continuant à fêter Noël et même Pâques.  

 

                     Bruno DA CAPO