06/10/2011
Péripéties avant l’affrontement
Les grandes manœuvres des prétendants à la course à la Présidentielle ne font que commencer. Dernier exemple : Borloo, dont le nom même rime avec Waterloo, ce qui pourrait prêter à rire si le sérieux, la responsabilité restent et demeurent de mise dans ce challenge démocratique. Borloo n’y croyait pas : pourquoi s’être lancé dans une pseudo-bataille ? On parle de pressions de l’Elysée. Peut-être... Je crois plutôt que cette candidature avait l’évanescence d’une velléité. Le frisson médiatique : chacun le cherche, même pour quelques minutes, comme l’avait prédit Andy Warhol. Borloo n’y a pas échappé, comme d’autres qui aujourd’hui sont dans l’oubli. Du coup, avec le retrait de Borloo s’ouvre au Centre une voie qualifiée de royale pour un Morin qui ne fait pas le poids et surtout un Bayrou, qui lui au moins a l’expérience d’un premier tour avec 16% des électeurs. Bayrou, qu’on n’entend peu, attend-il son heure ? Déjà, on parle ici ou là de possibles rapprochements avec Hollande après le 1er tour... Hollande dont l’entourage (proche) semble être surveillé et mis sur fiche par la police... Démenti certes de Claude Guéant, ministre de l’Intérieur, mais tout de même...Et ces affaires : valises pleines de billets pour arroser campagnes et petits fours, commanditaires peu scrupuleux, ordonnateurs secrets...Voilà qui fait désordre ! Tout cela sent non seulement la fin de règne à la Giscard mais des relents de vieilles affaires dont la Cinquième République fut très prodigue. Le SAC fut en son temps exécuteur de basses œuvres. Que va-t-on découvrir quand Sarkozy sera désavoué ? Je n’ose trop y penser. Péripéties, révélations iront leur train durant toute la campagne. Gageons que notre république des électeurs aura à cœur de revenir non seulement à la raison mais aussi et surtout aux rudiments de la morale.
Yves CARCHON
09:21 Publié dans Numéro 8 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : présidentielle, borloo, waterloo, fin de règne
03/10/2011
Présumé coupable, de Vincent Garenq
Imaginez qu’un matin, à 6 heures, on frappe brutalement à votre porte ; que celle-ci à peine ouverte une horde hurlante de flics vous empoigne et vous insulte sans que vous sachiez pourquoi. Vous voici emmené, menottes aux poignets, et mis en garde à vue pour des actes – ici de pédophilie – que vous n’avez jamais commis. Vous voici humilié, entravé, cuisiné par des policiers arrogants et sûrs de leur bon droit, décidés par tous les moyens à vous extorquer des aveux. Vous finissez par confesser quelques broutilles pour faire cesser ce calvaire ; on vous place en détention provisoire dans une cellule crasseuse et surpeuplée, avec pour seuls interlocuteurs un avocat commis d’office et un juge d’une rigueur implacable. Vous êtes coupé de tout, sans nouvelles de votre femme et de vos enfants, le temps commence à s’enliser. Dans ces conditions, ne douteriez-vous pas de vivre dans un état de droit ? Est-ce que la mort ne finirait pas par vous apparaître plus douce que cet enfer ?
Ce cauchemar, Alain Marécaux l’a vécu (et écrit) entre 2003 et 2005 ; c’était alors un honnête huissier du Nord de la France qui fut pris, avec 12 autres innocents dans la tourmente judiciaire sur la seule base d’accusations mensongères, délirantes, invérifiées surtout. A cette époque, la France vivait dans la psychose de la pédophilie, cherchait des coupables partout, sacralisait la parole des enfants sans douter un seul instant que ceux-ci puissent mentir …en toute innocence. Cela allait aboutir à une affaire et un procès dont le seul nom résume toutes les aberrations, tous les dysfonctionnements de la justice française : Outreau.
Ce scandale, ce drame humain collectif a fait couler beaucoup d’encre. Il est devenu à présent un film signé par Vincent Garenq, avec Philippe Torreton dans le rôle d’Alain Marécaux. Souvent on songe, durant les 90 minutes de sa projection, à un docu-fiction, tellement son parti-pris esthétique est froidement réaliste, tellement il s’attache à relater les étapes successives de l’affaire jusqu’à son dénouement final, mais toujours sous l’angle subjectif du témoin principal qu’est Marécaux. A travers lui, Philippe Torreton réalise une véritable performance d’acteur, époustouflant de justesse et de véracité (il est allé jusqu’à perdre 27 kilos pour ce rôle). Gageons qu’elle lui vaudra sous peu une distinction, nationale ou internationale. Il faut voir ce film éprouvant, ne fut-ce qu’à des fins pédagogiques. Pour comprendre combien la circonspection et le doute sont fondamentaux à l’exercice d’une justice démocratique. Une justice qui redonne tout son sens à la présomption d’innocence.
Serge CASAMINOR
11:13 Publié dans Numéro 8 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : outreau, pédophilie, scandale, torreton
28/09/2011
Marine en embuscade
Plutôt que de s’interroger sur la popularité grandissante de Marine le Pen, peut-être serait-il bon de discerner ce qui la rend si populaire. De tous nos politiques, elle est de ceux qui parlent sans langue de bois. Elle a pour elle la faconde de son père (sans ses tonitruants et assassins excès verbaux, quand ils ne sont pas physiques), le verbe à ras des pâquerettes, audible facilement pour qui l’écoute. Elle mêle et entremêle comme à l’envi les problèmes que nous posent les quartiers, le chômage, la perte des repères, l’immigration, l’immoralité de nos gouvernants, la Bourse, la pauvreté exponentielle... j’en passe, évidemment. Elle agite sans cesse le fameux chiffon rouge qui affole les peuples et les pousse au repli suicidaire sur eux-mêmes. Elle accroche l’oreille par les faciles slogans qu’elle profère. Elle joue sur du velours face une classe politique tournée sur ses soucis d’élections à venir, qui la condamne non tant pour les principes qu’elle incarne que par sa dangerosité à engranger des voix futures qui leur seraient ravies. C’est bien là que réside la faiblesse politique face à Marine Le Pen. De peur de ne pouvoir récupérer des voix acquises pour beaucoup au parti de Marine, ses adversaires font le gros dos et mine de n’être pas scandalisés par ses propos. Certes, ils sont soft (et non pas hard comme ceux du père) mais ils n’en sont pas moins malins et pernicieux. Ils le sont plus même parce qu’habillés d’une sorte de respectabilité de bon aloi. Plus de racisme, plus de complots judéo-franc maçon : rien que de bons discours bien populistes où droite et gauche classiques saignent le pauvre peuple et lui confisquent sa liberté. Nos dirigeants seraient bien inspirés de n’être pas tentés de rallumer la flamme du populisme – ou de la laisser croître. De combattre sans délai le spectre d’un néofascisme qui ne dit pas son nom mais qui est là, au seuil de notre flageolante démocratie. On sait grâce à l’Histoire qu’un incendie est bien vite arrivé, que pour l’éteindre il nous faudra (enfin !) faire montre de courage, après avoir versé du sang, des larmes et retrouver notre âme.
Yves Carchon
20:02 Publié dans Numéro 8 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marine le pen, populistes, néo-fascisme