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09/09/2011

Militer : pour quoi, pour qui ?




Si l’âge adulte passe pour être celui de la résignation aux réalités basiques de la vie, la jeunesse, en revanche, a toujours incarné l’espoir en un monde meilleur, fut-ce au prix de sa transformation violente et de maints sacrifices personnels. Quoi de plus compréhensible, à 20 ans, que de vouloir participer à l’élaboration d’un avenir plus radieux ? Quoi de plus naturel que de vouloir partager avec les autres les fruits d’un changement forcément mélioratif ? Cet enthousiasme généreux se canalisait jusqu’à présent dans l’adhésion aux programmes des partis de gauche. C’étaient eux qui portaient alors les valeurs innovantes, la croyance au progrès social et ils s’appuyaient, pour une bonne part, sur la jeunesse de leurs militants. Mais, en ce domaine, la donne a sensiblement changé et il faut aussi compter avec le militantisme de droite. Nous savons par quels arguments rétrogrades et vindicatifs le Front National peut séduire une (petite) partie de la jeunesse française. Mais quid de l’UMP ? Quelle espérance, quelle vision de l’avenir est soutenue par ce parti pour exercer un attrait sur tous ceux qui, à peine sortis de l’adolescence, s’y sont encartés ces dernières années ? Il n’y a pas, en effet, de formation politique plus étrangère à l’utopie, plus terne et plus axée sur les réalités platement matérielles du monde que celle-ci. Tout le contraire, en principe, de ce qui devrait séduire et mobiliser une jeunesse soucieuse de tracer son sillon. A moins que cet engagement – hypothèse plausible mais ô combien décevante – ne soit dicté que par le souci égoïste et opportuniste de se rapprocher, à travers ce parti présentement majoritaire, des premiers cercles du pouvoir, pour bénéficier un peu de ses divers rogatons. Quoi qu’il en soit, des jeunes, il y en avait pour son université d’été qui s’est tenue à Marseille, les 2, 3 et 4 septembre derniers, dans l’enceinte du Parc Chanot ( où l’on ne pouvait entrer sans montrer sa petite carte). Des jeunes venus par cars entiers de toute la France pour voir et écouter leurs leaders – d’ailleurs bien divisés – débattre interminablement de la crise et des prochaines élections présidentielles, non sans écornifler au passage leurs adversaires socialistes. Et tous, des plus obscurs aux plus connus, de proclamer finalement leur allégeance à l’homme providentiel, le seul qui puisse aider la France à traverser cette période agitée, j’ai nommé l’actuel locataire de l’Elysée qui était d’ailleurs significativement absent de ces rencontres.

Parmi tous les slogans qui fleurissaient sur les tee-shirts et les calicots de cette sémillante jeunesse, l’un a particulièrement capté mon attention. Sur le tricot rouge porté par une jeune Bretonne s’étalaient les mots suivants : « militant de la liberté ». Devant quoi, je dois dire que je me suis retenu de rire, tellement l’absurdité de cette proposition m’apparaissait évidente. Car comment associer la défense de la liberté à un parti qui, depuis dix ans, n’a cessé de réduire les libertés publiques et individuelles en France ? Un parti dont les dirigeants ont systématiquement sacrifiés les Droits de l’Homme sous le rouleau compresseur de l’économie mondialisée. Un parti qui a, à maintes reprises, tenté de bâillonner la presse chaque fois qu’elle menaçait ses intérêts. Est-ce que cette jeune personne ignorait tous les crocs-en-jambes que son cher parti a pu faire à cette vieille dame répondant au beau nom de Liberté ? Sans doute car, autrement, comment aurait-elle pu véhiculer avec autant de désinvolture un tel slogan ? Dans les années 70, Jean Ferrat se demandait en chantant « ce qui peut justifier en notre temps/ un jeune républicain indépendant ». Et moi, je me demande, en 2011, ce qui peut justifier un jeune militant de l’UMP dans le paysage politique français.


Erik PANIZZA

07/09/2011

Poupée de cire, poupée de son




J’écoutais il y a peu la courte interview de  Carla Bruni Sarkozy nous parler de choses et d’autres d’une voix de flûte. Tout en l’écoutant, j’observais son fin visage lisse, net comme un visage de cire. Un visage presque asiatique. Ce qui conférait à ses propos un côté lointain et mystérieux, presque évanescent. Pourtant, elle alignait doucement avec la sérénité qu’on lui connaît truismes et banalités les plus navrantes. Il s’agissait là, apparemment, d’un plan Com commandité, joué (voire peut-être sur-joué) dans un lieu douillet, où tout ce qui filtrerait serait dit sur un ton mesuré, feutré, quasi-confidentiel censé nous inviter gentiment dans l’intimité de la dame. Et de quelle intimité s’agit-il ? Eh, c’est qu’elle est grosse de notre Président, Carla ! C’est qu’on n’en reste pas moins humain quand on habite l’Olympe ! N’est-ce pas l’événement (heureux) pour 2012 ! Tout en la regardant jouer de ses grands yeux, de son sourire glacé (mais comme peut l’être le sourire d’un magazine de mode), en la voyant montrer son front et ses pommettes qui captent la lumière comme un Vermeer, j’imaginais le pipelet Saint-Simon qui assistait jadis aux selles matinales du Roi et qui vécut fidèlement presque en direct toutes les grossesses de ses multiples favorites. Aujourd’hui, avec la télé, nous voilà pour tout dire sommés de devenir des Saint-Simon au petit pied, mais sans le style, sans la méticuleuse observation qui donne au grand mémorialiste le sel qui nous fait tant défaut ! Nous sommes comme lui contraints au voyeurisme et à l’affût (quoiqu’on en dise) du secret révélé. Secret story se joue aussi à l’Elysée, quand il ne se joue pas à Washington ! Avec le président qui sera bientôt père, nous sommes hélas souvent lancés dans un étrange jeu de rôles. Hier, il s’invitait à déjeuner avec les camionneurs ! Demain qui sait avec les échangistes ! Et quand ce n’est pas lui qui joue les premiers rôles, c’est son épouse qui, de poupée de cire, devient poupée de son le temps d’une interview. Ce qui est bien avec Carla, c’est qu’elle sait prendre la lumière. Et ça, quoiqu’on en ait, vaut tout les beaux discours !

Yves Carchon


29/08/2011

Haro sur la publicité

 

                        

 

 

 

 Alors que de plus en plus de sociétés proposent aux particuliers d’héberger des panneaux publicitaires dans leurs jardins (pour peu que ceux-ci soient bien situés), un homme a récemment pris le contrepied de ces méthodes envahissantes de marketing. Il s’agit de Pierre Kung, 56 ans, un énergique viticulteur d’Agen. Pour 3000 euros, il a fait créer et monter sur 25 panneaux sa propre affiche, celle-ci disant sans détour : « la publicité vous manipule. Réagissez ! ». Inspiré par les Situationnistes, Pierre Kung entend ainsi dénoncer les excès de la publicité et inviter les passants à se poser des questions sur notre environnement médiatique. Souhaitons que son message soit largement entendu. Cette originale initiative fait écho à une autre affaire – en Angleterre, celle-là – visant deux publicités douteuses pour des cosmétiques. Dans le collimateur de la députée Jo Swinson les fonds de teint de Lancôme et Mayberline (filières de L’Oréal), respectivement vantés par Julia Roberts et Christy Turlington. Une enquête fit rapidement apparaître que leurs images avaient été retouchées à l’ordinateur, ce qui jette une ombre sérieuse sur l’efficience anti-rides de ces produits. Si les deux maisons concernées ont, en retour, insisté sur le sérieux de leurs recherches, elles n’ont pas pu taire qu’elles avaient eu recours à des techniques de post-production pour parfaire les images de leurs modèles. Et ont été, à juste titre condamnées à les retirer du marché.   

Citoyenne ou parlementaire, on ne peut que se réjouir de ces deux attaques contre la pieuvre publicitaire. Car dire d’une publicité qu’elle est mensongère n’est ni plus ni moins qu’un pléonasme. Peu ou prou, toute publicité l’est. Elle crée autour d’un produit donné une aura fictive pour le faire désirer. Ainsi, le discours publicitaire met en scène un monde idéal, quasi magique, qui n’a rien à voir avec la réalité quotidiennement vécue par les hommes et les femmes de notre temps. A l’heure actuelle, la publicité est l’un des plus sûrs vecteurs de l’aliénation collective par la consommation. Mais c’est à chacun d’entre nous de prendre ses distances avec le système d’exploitation et de profits insensés dont elle est l’un des noms.

 

                                          Charles CIGALA