28/03/2014
Barbares au Capitole
La débandade socialiste, les bons diagnostiqueurs la prévoyait. Mais à ce point ! Il faut parler évidemment de double désaveu pour ce premier tour de scrutin : désaveu de l’équipe au pouvoir qui a beaucoup déçu, mais surtout désaveu de la caste au pouvoir, Gauche comme Droite se renvoyant la balle depuis des lustres. Le ping-pong est fini. Car en votant FN, certains Français ne sachant plus à quel saint s’en remettre, décident « d’essayer » Marine. Et voilà qu’une douzaine de mairies seront bientôt aux mains du Front ! Et pour faire quoi ? La même chose — en pire — que les vaincus. On me dira : voyez Marseille ! Ah, Gaudin connaît bien son fief ! Or celui-ci est talonné de près par un tenant du Front ! Oui, mais c’est Mennucci qui est l’adversaire de Gaudin ! Ah bon ! Il y aura ainsi un nombre incalculable de triangulaires, ce qui supposera alliances en douce entre certains... Je n’ose imaginer les coups tordus ourdis, les vengeances communales, les Ides de Mars fébriles et intestines !... Qu’éprouver, si ce n’est un effroi sidérant au vu de ce que devient notre démocratie. Avec ces élections municipales, le Front fait une entrée virile et fracassante dans le paysage politique, estampillé bon teint par nos concitoyens. En écoutant Steeve Briois et en tendant l’oreille à la gouaille de Marine, je me disais que les Barbares étaient entrés au Capitole et qu’il faudra s’armer de beaucoup de patience pour extirper cette dérive nationaliste du cœur de notre beau pays.
Yves CARCHON
13:36 Publié dans numéro 12 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gaudin, mennucci, triangulaires, ides de mars
21/03/2014
Bruissements (33)
Affaires : les « affaires » se succèdent à un rythme accéléré en ce début d’année. Joutes oratoires ou malversations, elles contribuent à décrédibiliser la classe politique dominante aux yeux des Français et à faire le jeu des extrémismes. Copé et Bygmalion, Buisson et ses cassettes, Sarkozy et ses multiples casseroles judiciaires : partout s’étalent le cynisme et la corruption de nos anciens gouvernants - qui crient, naturellement, au complot et à la vengeance des juges. La justice peut-elle faire son travail sereinement dans ce climat délétère ? A cela s’ajoutent maintenant les écoutes de l’ancien président (qui parle de méthodes comparables à celles de la Stasi, maintenant). Devait-on user de ces basses manœuvres avec lui ? Sûrement pas. Encore que cela n’étonne personne en cette époque d’espionnage mondialisé. Personne sauf quelques ministres qui semblent découvrir ces vieux procédés : quelle hypocrisie ! Malgré tout, les mensonges de Christiane Taubira sont quand même moins graves que les faits reprochés à Sarkozy et à ses sbires. Seul Copé, maître en pirouettes verbales, voudrait faire croire le contraire, histoire de noyer le poisson. Mais il ne parviendra qu’à se rendre un peu plus ridicule à l’opinion publique. Il y a les pourris et les maladroits et chacun sait, dans ce pays, où les uns et les autres se situent. Du reste, on aurait tort de penser qu’il n’y a que des tièdes chez les socialistes. Car on y trouve aussi des idéologues dangereux – et dangereuses – qui visent à changer les bases de la société française. Contre l’avis des Français mêmes.
Manifs : des retraités qui protestent contre les menaces pesant sur leurs retraites complémentaires et la baisse de leur pouvoir d’achat, ça peut encore faire sourire. Des intermittents du spectacle dans la rue pour défendre leur régime d’indemnisation face au rouleau compresseur du patronat, c’est mauvais signe. Des organisations syndicales presque toutes unies pour dénoncer le « pacte d’irresponsabilité » du gouvernement, c’est salutaire. Parce qu’enfin, pense-t-on sérieusement que les patrons français vont créer de nouveaux emplois à hauteur du cadeau fiscal (30 milliards d’euros) qui leur a été fait par Hollande ? Notons quand même que ce dernier a réussi à faire changer de cap la notion d’assistanat- des plus pauvres vers les plus riches. Encore un de ses tours de farce…
Pollution : le printemps est en avance, cette année, et la plupart des gens s’en réjouissent. Erreur, car la pollution aux particules fines accompagne cette douceur anticyclonique comme son ombre – si j’ose dire. Des pics encore plus hauts que ceux de décembre dernier et qui ont fait placer en état d’alerte pas moins de trente départements français, entre le 8 et le 17 mars derniers. Les véhicules à moteur en sont, bien sûr, la principale cause. Mais que font les pouvoirs publics contre cet état de choses ? Ils encouragent les moins vaillants à rester chez eux, offrent quelques journées de transports en commun gratuits aux Parisiens et instaurent, avec huit jours de retard, une – seule – journée de conduite alternée. A défaut de taxer enfin le diesel à hauteur de l’essence, le gouvernement continue de nous enfumer.
Boeing : les recherches se poursuivent pour essayer de retrouver la trace du Boeing 777 de la Malaysia Airlines disparu des écrans radars le 8 mars. Des recherches, à présent internationales, qui passent au crible terre et mer dans un rayon de plusieurs milliers de kilomètres, mais sans pouvoir nous apporter le moindre éclaircissement. La piste d’un acte terroriste ayant été à peu près écartée, que reste t’il comme hypothèses à ce mystère ? Aurait-il été abattu par un missile? Y aurait-il un Triangle des Bermudes bis dans la mer de Chine ? Il ne doit pas manquer, çà et là, d’ufologues pour donner des explications à cette inquiétante disparition. Mais sommes-nous prêts à les entendre ? Un jour prochain, on fera sans doute un film sur ce fameux vol MH370. Pour le moment, silence on cherche.
Centrafrique : la Centrafrique va-t’elle devenir, vingt ans après, un nouveau Rwanda ? Elle en prend, en tous les cas, le chemin depuis quelques mois. Après les exactions des milices musulmanes de la Séléka, c’est au tour des anti-balaka, groupes armés prétendument chrétiens, de faire régner la terreur dans la population - du moins celle qui suit les préceptes du Coran. Les cadavres s’amoncellent dans les villages et les méthodes des tueurs sont toujours aussi cruelles. A ce tableau sanguinolent s’ajoute maintenant la famine qui menace des centaines de milliers de personnes. Sans parler de la criminalité qui croît en toute impunité. Face à l’imminence de la catastrophe, le gouvernement centrafricain s’affole, fait appel à la France qui fait elle-même appel à l’Union Européenne pour renforcer ses effectifs (environ 2000 soldats) qui peinent à maintenir un peu d’ordre dans ce vaste territoire – 623 000 Kms2 - , même avec l’appui des forces de l’Union Africaine. Mais ces renforts – un millier d’hommes – n’arriveront pas avant fin avril. Reste l’ONU qui envisage- mais pour quand ? - l’envoi d’une force de 10 000 Casques Bleus. On comprend mieux pourquoi l’Afrique demeure, hélas, un vivier privilégié pour le TPI.
Crimée : c’était joué d’avance : la Crimée, par la voie des urnes, a dit « oui » - à 97% - pour un retour dans le giron russe, soixante ans après son indépendance. Mais avait-elle vraiment le choix, avec les bataillons et les tanks russes dans son dos ? Une annexion en bonne et due forme qui rappelle des heures sombres de notre histoire récente. Mais qui aurait pu penser que Poutine allait laisser s’échapper sans réagir cette partie si stratégique de l’Ukraine, malgré ses aspirations à l’autonomie ? La question, à présent, est de savoir s’il va en rester là ou poursuivre, avec d’autres états limitrophes de la Russie, sa politique ouvertement impérialiste. Après tout, il aurait presque tort de s’en priver car il n’y a personne, dans cette partie du monde, qui peut, militairement parlant, lui tenir tête. Personne et surtout pas l’U E qui, malgré ses cinq-cents millions d’habitants, reste tragiquement dépendante des USA pour sa défense. Evidemment, ses dirigeants élèvent le ton pour la forme, annoncent – c’est risible - quelques sanctions économiques contre des seconds couteaux du pouvoir russe. Mais, au fond, ils mesurent parfaitement leur impuissance et n’espèrent qu’une chose : continuer à commercer avec Poutine, ce qui est encore la meilleure façon de tempérer ses appétits de conquête territoriale. D’ailleurs, qui voudrait, en Europe de l’Ouest, aller se battre et mourir pour l’Ukraine ou la Moldavie ? « La justice sans la force n’est rien. » Disait déjà notre cher Pascal. Quatre siècles plus tard, rien n’a changé sous le soleil.
Erik PANIZZA
14:09 Publié dans numéro 12 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : stasi, manifs, boeing, crimée
14/03/2014
Fukushima : et après ?
Le 11 mars 2011, un tsunami suivi d’un tremblement de terre dévastait la petite ville de Fukushima, au nord-est de l’archipel nippon. Cela n’aurait pu être qu’une catastrophe naturelle – près de 20 000 morts et 6000 blessés, tout de même – si, par malheur, il n’y avait eu là une centrale nucléaire. Touchés par le séisme, trois de ses six réacteurs entraient alors en surchauffe, déversant dans l’air et la mer leurs matériaux radioactifs (iode, césium 137, corium, plutonium). A partir de là, et malgré une intervention rapide des autorités pour limiter les dégâts, le drame prenait une tournure mondiale : car on n’a jamais empêché le vent de faire circuler toutes les formes de pollution aérienne autour de la terre. Trois ans plus tard, alors que le monde entier rappelle ce sinistre anniversaire, force est de constater l’importance de cette catastrophe nucléaire. Certes, elle reste bien inférieure à celle qui frappa Tchernobyl en avril 1986. Néanmoins, toute la chaîne alimentaire locale a été affectée, entrainant de nombreux abattages forcés. 270 000 personnes, alors déplacés en urgence, sont encore en attente de relogement. Un périmètre de sécurité de 40 kilomètres est maintenu autour de cette ville pourtant en progressive reconstruction, même si les mesures au sol du taux de césium137 restent cinq fois plus élevées que la dose supportable. Quant aux réacteurs endommagés, ils ne seront pas complètement démantelés avant quarante ans et continuent d’envoyer un bon nombre de particules dans l’atmosphère. Une partie de l’eau qui a servi à les refroidir a été depuis rejetée dans la mer, ce qui aggrave encore le problème de la pêche. Face à cette menace globale, que font les états producteurs de nucléaire ? Rien, ou presque. Si, outre le Japon, quelques pays - tous européens - ont entrepris d’y renoncer (Allemagne, Italie, Suisse), d’autres, comme la Chine, la Russie et l’Inde construisent à tour de bras de nouveaux réacteurs, sûrs de leur bon droit à mettre en danger l’équilibre environnemental et la santé de leurs concitoyens. A tel point que, d’ici 2030, le parc nucléaire mondial, avec 72 constructions supplémentaires, devrait progresser de 26%. On reste effaré devant de tels chiffres. Et consterné, aussi, devant l’attitude frileuse, indécise, de la France vis-à-vis de cette question capitale. Il est vrai que sa politique énergétique depuis les années 60 en a fait l’un des états les plus dépendants du nucléaire civil avec 58 centrales réparties sur l’ensemble de son territoire. Pour sortir de ce système, il faudrait à présent une révolution dans nos habitudes de consommation. Elle serait favorisée par la ferme volonté des pouvoirs publics de s’orienter vers les énergies alternatives. Au lieu de ça, on préfère miser sur une nouvelle génération de réacteurs (les fameux EPR) ; et laisser en activité des centrales désormais vétustes – comme Fessenheim et Le Tricastin -, malgré des promesses de campagne qui résonnent aujourd’hui comme des mensonges. Pourquoi alarmer inutilement l’opinion ? Puisqu’Areva nous dit que nous avons les centrales nucléaires les plus sûres du monde, pourquoi craindre un accident ? Et même si, un jour lointain, un tel scénario devait se produire dans notre beau pays, ce serait bien peu au regard de tous les avantages que nous apporte le nucléaire depuis des décennies. Dans ce cas-là, nous ferions appel à notre capacité bien connue de résilience. Il se trouve que ce discours lénifiant est relayé par quelques scientifiques qui vont jusqu’à minimiser l’impact sur la nature et les séquelles médicales de l’explosion de Tchernobyl. Alors Fukushima, de l’autre côté de la planète, pensez donc… C’est oublier un peu vite que les catastrophes arrivent justement parce qu’on n’y croit pas, comme nous l’a enseigné ce maître en la matière qu’est Jean-Pierre Dupuy. Le monde n’a pas encore tiré la leçon de Fukushima.
Bruno DA CAPO
13:53 Publié dans numéro 12 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : fukushima, plutonium, areva, dupuy