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14/03/2014

Fukushima : et après ?

 

                       

 

 Le 11 mars 2011, un tsunami suivi d’un tremblement de terre dévastait la petite ville de Fukushima, au nord-est de l’archipel nippon. Cela n’aurait pu être qu’une catastrophe naturelle – près de 20 000 morts et 6000 blessés, tout de même – si, par malheur, il n’y avait eu là une centrale nucléaire. Touchés par le séisme, trois de ses six réacteurs entraient alors en surchauffe, déversant dans l’air et  la mer leurs matériaux radioactifs (iode, césium 137, corium, plutonium). A partir de là, et malgré une intervention rapide des autorités pour limiter les dégâts, le drame prenait une tournure mondiale : car on n’a jamais empêché le vent de faire circuler toutes les formes de pollution aérienne autour de la terre. Trois ans plus tard, alors que le monde entier rappelle ce sinistre anniversaire, force est de constater l’importance de cette catastrophe nucléaire. Certes, elle reste bien inférieure à celle qui frappa Tchernobyl en avril 1986.  Néanmoins,  toute la chaîne alimentaire locale a été affectée, entrainant de nombreux abattages forcés. 270 000 personnes, alors déplacés en urgence,  sont encore en attente de relogement. Un périmètre de sécurité de 40 kilomètres est maintenu autour de cette ville pourtant en progressive reconstruction, même si les mesures au sol du taux de césium137 restent cinq fois plus élevées que la dose supportable. Quant aux  réacteurs endommagés, ils ne seront pas complètement démantelés avant quarante ans et continuent d’envoyer un bon nombre de particules dans l’atmosphère. Une partie de l’eau qui a servi à les refroidir a été depuis rejetée dans la mer, ce qui aggrave encore le problème de la pêche. Face à cette menace globale, que font les états producteurs de  nucléaire ? Rien, ou presque. Si, outre le Japon, quelques pays  - tous européens - ont entrepris d’y renoncer (Allemagne, Italie, Suisse), d’autres, comme la Chine, la Russie et l’Inde construisent à tour de bras de nouveaux réacteurs, sûrs de leur bon droit à mettre en danger l’équilibre environnemental et la santé de leurs concitoyens. A tel point que, d’ici 2030, le parc nucléaire mondial, avec 72 constructions supplémentaires, devrait progresser de 26%. On reste effaré devant de tels chiffres. Et consterné, aussi, devant l’attitude frileuse, indécise, de la France vis-à-vis de cette question capitale. Il est vrai que sa politique énergétique depuis les années 60 en a fait l’un des états les plus dépendants du nucléaire civil avec 58 centrales réparties sur l’ensemble de son territoire. Pour sortir de ce système, il faudrait à présent une révolution dans nos habitudes de consommation. Elle serait favorisée par la ferme volonté des pouvoirs publics de s’orienter vers les énergies alternatives. Au lieu de ça, on préfère miser sur une nouvelle génération de réacteurs (les fameux EPR) ; et laisser en activité des centrales désormais vétustes – comme Fessenheim et Le Tricastin -, malgré des promesses de campagne qui résonnent aujourd’hui comme des mensonges. Pourquoi alarmer inutilement l’opinion ? Puisqu’Areva nous dit que nous avons les centrales nucléaires les plus sûres du monde, pourquoi craindre un accident ? Et même si, un jour lointain, un tel scénario devait  se produire dans notre beau pays, ce serait bien peu au regard de tous les avantages que nous apporte le nucléaire depuis des décennies. Dans ce cas-là, nous ferions appel à  notre capacité bien connue de résilience. Il se trouve que ce discours lénifiant est relayé par quelques scientifiques qui vont jusqu’à minimiser l’impact sur la nature et les séquelles médicales de l’explosion de Tchernobyl. Alors Fukushima, de l’autre côté de la planète, pensez donc… C’est oublier un peu vite que les catastrophes arrivent justement parce qu’on n’y croit pas, comme nous l’a enseigné ce maître en la matière qu’est Jean-Pierre Dupuy. Le monde n’a pas encore tiré la leçon de Fukushima.

 

 

                          Bruno DA CAPO