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05/05/2014

Bruissements (36)

 

 

Canonisations : nous vivons censément dans une république laïque, qui ne privilégie officiellement aucun culte. Une république qui a été, en Europe, à l’origine même de la laïcité. En vérité, il n’en est rien et force est de constater, lorsque l’on sonde un peu les gens, que la France, comme par le passé, est restée la fille aînée de l’Eglise. C’est un peu  le paradoxe français, où chacun veut tout et son contraire : l’instituteur et le curé, la liberté de penser et l’espérance religieuse. La preuve de cette curieuse situation, les médias nationaux nous l’ont apportée, dimanche 27 avril, en se focalisant unanimement sur les cérémonies de canonisation qui se déroulaient au Vatican. Elles ont, en effet, monopolisé l’information sur les principales chaînes françaises durant toute cette journée. Parmi les nombreuses personnalités politiques qui avaient fait le déplacement, on trouvait d’ailleurs notre actuel premier ministre. Nous ne discuterons pas ici des raisons de cette double canonisation. Que le pape François décide d’élever au rang des saints de l’Eglise deux de ses défunts prédécesseurs sur le trône de Saint-Pierre  – deux personnalités aussi différentes que  furent Jean XXIII et Jean-Paul II -, cela relève de ses strictes prérogatives et nul ne peut les lui contester.  Certes, on peut se demander si, en cette époque, il n’y a pas, ailleurs qu’au sein de l’institution vaticane, d’autres candidats potentiels à la sainteté – ni, du reste, s’il faut ajouter de nouveaux saints à ceux, déjà nombreux, de notre calendrier. Cela fera peut-être l’objet d’un autre débat. Bornons nous à constater que, dans cette affaire, l’état français est largement sorti d’une neutralité dans laquelle ses fondamentaux républicains auraient pourtant dû l’ancrer. Et il se pourrait bien, un jour prochain, que les représentants d’autres cultes que le catholicisme le lui rappellent, afin d’exiger plus de visibilité médiatique.

 

Carmaux : Pourquoi Hollande est-il allé à Carmaux, le 23 avril dernier, pour commémorer le centenaire de la mort de Jean Jaurès, dans la ville même où le grand tribun socialiste trouva sa vocation en 1893? On peut se le demander quand on sait que le fondateur de « L’Humanité » a été assassiné à Paris le 31 juillet 1914. Une visite pour le moins prématurée dans ce fief du socialisme historique. Ce pétard mouillé s’est ainsi soldé en fiasco pour le chef de l’état, copieusement hué par la même population qui l’avait porté au pinacle deux ans plus tôt. Grandeur et misère des hommes politiques.

 

Conduite : est-ce que la conduite automobile  révèlerait ce qu’il y a de plus mauvais en l’humain – ce sentiment de toute puissance et ce mépris pour les plus faibles ? On peut le penser, certains jours, devant la liste, toujours plus longue, des infractions au volant (alcool, drogue, portable, conduite sans assurance ni permis). Ces comportements désinvoltes, causes trop fréquentes d’accidents mortels, accroissent le sentiment d’insécurité dans nos rues. On ne peut donc que saluer le récent projet sénatorial de faire ajouter des cours de secourisme au permis de conduire. Cette loi, si elle passe, n’augmenterait que de 25 euros les frais de dossier. Ainsi, les jeunes candidats seraient davantage sensibilisés aux autres acteurs de la vie routière – à commencer par les piétons. Quand on sait que l’issue d’un accident se joue dans les premières minutes, que 300 vies pourraient ainsi être sauvées chaque année, on souhaite que cet ajout prenne effet, dès juillet prochain, comme prévu. Même s’il faut, hélas, compter avec les habituels retards et entraves qui caractérisent la politique française actuelle.

 

SEITA : bonne nouvelle. Sous l’effet conjugué de la hausse du prix des paquets et de la poussée de la cigarette électronique en 2013, la vente des cigarettes « classiques »  a reculé en France, passant pour la première fois sous la barre des 60 millions de tonnes. Du coup – et ça, c’est la mauvaise nouvelle – Imperial Tobacco (qui gère aussi notre SEITA) a réagi avec un plan de réduction de ses effectifs en France. 900 employés seraient ainsi menacés de chômage, dont les 300 ouvriers de l’usine de Carquefou, près de Nantes, qui devrait fermer bientôt. On imagine leur colère. Voilà un autre paradoxe français. Et l’on n’est pas près de sortir de cette lutte pour la santé publique qui tue, en contrepartie, des emplois.

 

Berlusconi : après maintes péripéties judiciaires, Silvio Berlusconi a été condamné par la justice italienne à un an de prison. Mais voilà, l’ex-chef du gouvernement a 77 ans et un casier toujours vierge. D’où la possibilité d’accomplir sa peine dans le cadre d’un travail d’intérêt général, par exemple dans une maison de retraite pour handicapés dans la région de Milan. Une peine qui pourrait lui faire prendre conscience de ce qu’est la vieillesse quand on est pauvre et anonyme. Une peine sur mesure, en somme.

 

 

                      Erik PANIZZA

28/04/2014

Otages : un business qui tourne, tourne

         

 

 Malgré quelques variantes, le scénario d’octobre dernier s’est répété en avril. Pendant plusieurs jours, le retour des quatre  journalistes français enlevés en Syrie a fait l’objet de toutes les attentions médiatiques. Quoi de plus normal puisqu’à travers eux, c’était l’ensemble de la profession qui s’auto-célèbre ! Comme à l’accoutumée, François Hollande est venu sur le tarmac même pour congratuler  les rescapés de l’enfer syrien. Avec une cote de popularité en chute libre, il avait, lui aussi, avait un bénéfice symbolique à retirer de sa présence parmi eux, même à la tête d’un état qui refuse prétendument de payer le moindre euro aux ravisseurs. Nous savons, dans les faits,  qu’il n’en est rien ; sans d’ailleurs pouvoir estimer à combien s’est chiffré cette libération très planifiée.

Car l’enlèvement est devenu un business rentable dans bon nombre de pays. Pas seulement en Afrique subsaharienne, pas seulement au Moyen-Orient, mais aussi en Amérique du Sud (Mexique, Colombie), où les motivations y sont ouvertement crapuleuses. Un business qui avoisinerait le milliard d’euros annuels. Un business qui s’ajoute à la liste, déjà longue, des méfaits de la criminalité organisée, qu’elle se pare ou non, de justifications idéologiques. Pas un  globe-trotter ne doit l’ignorer désormais.

Mais en ce domaine, hélas, la peine succède vite à la joie. Deux jours plus tard, nous apprenions la mort de Gilberto Rodrigues Leal, un retraité de 62 ans enlevé, fin 2012, par un groupe de rebelles maliens, le Mujao. S’il n’a pas été froidement abattu, les conditions de sa détention et le manque de médicaments- il était cardiaque – ont néanmoins précipité son trépas. Quel était son « crime » aux yeux de ses ravisseurs ? Être ressortissant d’une nation tenue pour ennemie ? Ou simplement faire du tourisme et mettre à profit sa retraite pour découvrir les beautés naturelles de l’Afrique ? Jamais le monde n’a été moins hospitalier aux voyageurs. Jamais l’idéal – occidental – du citoyen du monde n’a été plus éloigné, plus menacé, qu’en cette époque. Le Quai d’Orsay, bien sûr, a élevé la voix contre ses assassins : pour la forme. Il aurait dû s’en préoccuper bien avant, comme l’a rappelé la famille du  disparu. Espérons que Serge Lazarevic, le dernier otage français au Sahel (depuis 2011), profitera  de cette repentance diplomatique. Mais qui peut, néanmoins, croire que tous les otages français soient traités sur un pied d’égalité ?

 

 

                     Bruno DA CAPO

16:38 Publié dans numéro 12 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : otages, business, mujao, sahel

21/04/2014

Bruissements (35)

 

 

PS : afin de récompenser Harlem Désir de son passage – nullissime – à la tête du PS, Manuel Valls lui a trouvé un emploi sur mesure dans sa nouvelle équipe gouvernementale : secrétaire d’état aux affaires européennes (à 9400 euros par mois, tout de même). Si quelqu’un sait en quoi consiste cette fonction, qu’il me le fasse savoir. Il fallait malgré tout un nouveau premier secrétaire au PS. Le choix s’est vite porté sur Jean-Christophe Cambadélis - rival malheureux de Désir lors de  la précédente élection. Pour la circonstance, on a préféré en haut lieu un vote à huis-clos du conseil national du PS à celui, habituel, des militants. Une nomination à peine déguisée en somme. Et un nouvel « oubli » des promesses de campagne de François Hollande.

 

Gattaz : s’il en est un à qui l’annonce du pacte de responsabilité a donné des ailes, c’est bien Pierre Gattaz. Parfaitement décomplexé, le patron des patrons a ainsi proposé un SMIC allégé pour les jeunes afin, censément, de faciliter leur entrée sur le marché du travail. Même à titre provisoire, ce projet a, bien entendu, hérissé unanimement les syndicats contre lui. Mais la critique la plus pertinente est venue de Laurence Parisot elle-même, laquelle a dénoncé, dans le projet de son successeur, « une logique esclavagiste ». Tout est dit.

 

Euro : les critiques vis-à-vis d’un euro jugé responsable des problèmes économiques de l’UE ne sont pas nouvelles. Mais jusqu’à présent, elles venaient des opposants à la politique de Bruxelles, pas du président de la Banque Centrale Européenne lui-même. C’est ce qu’a pourtant osé dire, non sans nuances, Mario Draghi, samedi 12 avril à Washington. Selon lui, un euro trop fort (rappelons que notre monnaie équivaut actuellement à 1,39 dollar) freinerait les exportations européennes. Même en maintenant – c’est le but – un taux d’inflation en dessous de 2%, cet euro fort joue contre les prix (pas assez élevés) et complique le désendettement des secteurs public et privés. D’où une possible action monétaire de l’UE pour débloquer cette situation. Voilà de quoi faire plaisir à Michel Sapin qui tient ainsi la meilleure des excuses pour justifier la croissance française en berne.

 

Algérie : « le meilleur des princes est celui que l’on ne voit jamais. ». Disait Lao Tseu. Abdelaziz Bouteflika  a-t’il lu le vieux philosophe chinois ? Toujours est-il qu’il semble avoir mis en application son précepte durant cette récente campagne présidentielle. Et ça lui a réussi puisque, malgré une opposition virulente, malgré l’âge et la maladie, il a été réélu – pour la 4eme fois – à la tête de l’état algérien. Reste que si 81% de suffrages se sont portés sur son nom, ça ne représente jamais que 8 millions d’électeurs sur 22 millions inscrits. Autrement dit, une majorité d’Algériens, découragés par l’immobilisme et le manque de transparence du régime, ne sont pas allés aux urnes, vendredi 17 avril. Quant aux autres, ils ont fait le choix de la prudence, ne voulant pas vivre l’aventure politique de la Tunisie voisine. C’est dire que la démocratie ne sort pas gagnante de cette élection. Même si les marchés occidentaux en sont plutôt satisfaits…

 

Syrie : notez bien qu’il y a pire, en matière d’élections. La candidature annoncée de Bachar El Assad à sa propre succession, par exemple. Son programme : du sang, des larmes et du désespoir, le tout agrémenté par quelques petites bouffées de gaz Sarin. Qu’un tel homme, après trois années de guerre civile et de massacres perpétrés sur son peuple, puisse vouloir inscrire son pouvoir absolu dans un cadre démocratique, voilà qui laisse songeur. On voudrait en rire si ce n’était aussi sinistre. Imagine-t’on Hitler organisant des élections libres en Allemagne, en juillet 1944 ? Oui, le pouvoir rend fous ceux qui l’exercent sans contrôle.  

 

Ukraine : les affrontements se poursuivent entre partisans pro-russes et représentants du nouveau régime dans l’est du pays. L’annexion de la Crimée par Poutine ne pouvait pas faire tâche d’huile dans cette zone encore instable de l’Europe post-soviétique. Pour tenter d’enrayer l’escalade militaire, une conférence réunissant les quatre représentants des états concernés (Ukraine, Russie, UE, USA)  a été organisée à Genève le 17 avril dernier. Mais malgré un semblant de bonne volonté russe, elle n’a pas fait taire les armes et pourrait bien accélérer le processus de fédéralisation souhaité par Moscou. Peut-être qu’une partie de poker menteur ?

 

Air : Une bonne nouvelle, malgré tout, dans ce concert démoralisant ; une nouvelle drôle et insolite comme on aimerait en entendre plus souvent. C’est de Forcalquier, dans les Alpes de Haute Provence, qu’elle vient. Un artiste chinois, Liang Kegang, séduit par la pureté de l’air alpin, a ni plus ni moins décidé de l’enfermer dans des bocaux à destination de son pays d’origine. Il faut dire que la Chine, où la pollution atteint des niveaux  record, n’a que faire des recommandations du GIEC et du protocole de Kyoto. Un premier bocal d’air pur a ainsi été vendu aux enchères à Pékin pour la somme – non négligeable – de 610 euros. De là que ce canular d’artiste ne tourne pas à l’industrialisation, il n’y a pas loin. Mais depuis le temps que les politiques nous vendent du vent, il n‘est pas mauvais que les artistes viennent leur faire des appels d’air.

 

 

                       Erik PANIZZA

17:05 Publié dans numéro 12 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gattaz, algérie, ukraine, air