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05/12/2013

La pénalisation du pénis

 

                  

 

 

Ah ! Elles ont fini par la faire adopter à l’Assemblée Nationale, leur loi scélérate et liberticide ! Elles, c'est-à-dire les associations féministes dont Maud Olivier et Najat Vallaud-Belkacem sont actuellement les porte-paroles les plus notoires. Malgré une courageuse pétition sur « Causeur », malgré une kyrielle d’opinions avisées s’inscrivant en faux contre ce projet, malgré son rejet par une majorité de Français, elles l’ont imposée à notre pays, notre culture, notre société, pourtant aux antipodes d’un tel puritanisme. La moralisation par la force publique: belle leçon d’anti-démocratie ! Au motif de combattre la prostitution et de redonner de la dignité aux personnes prostituées, elles se sont assises sur la responsabilité individuelle de chacun et ont créé une nouvelle catégorie de délinquants : leurs clients. Elles ont transformé arbitrairement un rapport sexuel entre adultes consentants en un acte de violence faite aux femmes dans leur ensemble. Car pour ces nouvelles pourfendeuses du vice, un homme est toujours un violeur, un violent, un dominant et un exploiteur en puissance des femmes, fut-il un déclassé à mille lieues du pouvoir dont elles bénéficient aujourd’hui. Quelle stupidité ! Quel refus obstiné de voir et d’entendre la vérité dans la bouche même de tous ceux et celles qui sont concernés par cette loi partisane ! Et cependant, qui peut gober de pareilles couleuvres ? Qui, ayant deux sous de raison, ne peut comprendre qu’à travers le candidat à un spasme tarifié, c’est chaque représentant du sexe masculin qui est suspecté et incriminé. Voilà leur véritable motivation derrière leur discours progressiste et humaniste; voilà le travail de division sociale qu’elles ont mis en œuvre et qui les rend si fières, ces braves petites guerrières. Les hommes, hélas, on ne les a que trop peu entendus sur ce sujet pourtant bien plus grave qu’il ne parait. Il est vrai qu’il est plus facile et moins humiliant d’aller défiler contre – ou pour – le mariage pour tous que de défendre publiquement une activité qui a toujours été plus ou moins clandestine. Clients ou pas, ils ont une nouvelle fois brillé par leur silence, ne comprenant pas que l’enjeu était autrement plus important que de pouvoir tirer tranquillement sa crampe entre deux portes. L’enjeu, c’est la préservation du droit fondamental des individus à disposer librement de leurs corps. Et c’est ce droit que cette loi, aussi absurde qu’injuste, menace à présent. Oui, peu à peu, à pas feutrés, nous nous rapprochons de la société infernale « imaginée » par Orwell dans « 1984 ».

Il y a plus. Car cette loi on ne peut plus répressive émane, paradoxalement, d’un gouvernement de gauche. Venant de la droite, elle aurait été tout aussi critiquable mais presque dans une logique séculaire de bien-pensance. Venant de la gauche, par tradition libératrice des mœurs, elle est à proprement parler intolérable. D’autant plus, qu’à l’évidence, ses premières victimes ne seront pas des riches qui peuvent recourir discrètement à des escort-girls par le Net. Ce seront des pauvres, veufs, chômeurs, handicapés et autres solitaires qui composent essentiellement la clientèle des prostituées de rue, à 30, 40 ou 50 euros la passe. Ce sont ceux-là que les flics, quand ils n’auront rien de plus sérieux à faire, pourront prendre en flagrant délit dans les rues et les axes routiers de nos villes. Imagine-t’on ce que peut représenter une amende de 1500 euros quand on doit vivre, chaque mois, avec seulement les deux tiers, voire la moitié,  de cette somme ? Bonjour l’angoisse ! Eh bien ce traitement de choc, ils le devront à un pouvoir qui aurait dû logiquement les défendre et améliorer leur condition. Un pouvoir qui a vidé de sa substance le beau mot de « socialisme ».

 

                                          Erik PANIZZA

 

 

Pour compléter cet article, on pourra lire le pamphlet argumenté de Jacques Lucchesi, « Féminisme et prostitution », publié dans son recueil d’essais, « La fabrique de la féminité » (chez Edilivre)

28/11/2013

La chanson des vieux amants

Agés chacun de 86 ans, Bernard et Georgette ont été retrouvés morts, couchés dans un lit, main dans la main, dans une chambre du Lutetia à Paris. Apparemment, ils se seraient donné la mort par asphyxie. Ils s’étaient rencontrés à Bordeaux après la guerre. Un couple d’intellectuels : lui, haut fonctionnaire, économiste et philosophe, elle, prof de lettres et de latin et auteur de livres scolaires. Ils vivaient en région parisienne. Le geste – ou la geste – de nos deux octogénaires est bien sûr à replacer dans l’immense et difficile débat sur le droit à mourir dans la dignité. Bernard et Georgette ont laissé deux courriers pour expliquer leur geste : un au Procureur de la République et un à leur famille. Dans un des courriers de Georgette, elle dit sa fureur de « n’avoir pu partir sereinement, la loi ne permettant pas d’accéder à une mort douce ». Tout est dit dans ces quelques mots, simples et terribles. Nos autorités compétentes devraient bien s’inspirer de la tranquille détermination de nos deux octogénaires. Cette mort, on le voit bien, ne saurait être assimilée à un suicide. Cela semble s’apparenter à une ultime protestation. On pense à la paisible sérénité d’un Socrate, à la superbe des Stoïciens. Cela n’aura sans doute pas échappé à Bernard et Georgette. Et puis, surtout, il y a l’amour démesuré de ces deux là, qui ne suscite qu’une splendide sidération mêlée d’admiration, qu’élévation dans la beauté face à l’immense chagrin qui nous accable : le malheur d’être né. Gageons que nos amants gambadent désormais dans les verts pâturages avec des livres sous les bras et une fleur aux lèvres.

 

                                                 Yves CARCHON

22/11/2013

Kennedy ou la mémoire d’une icône moderne

 


 

 

J’avais cinq ans quand, ce soir-là, ma mère, qui venait d’allumer le téléviseur familial, poussa un cri de surprise et d’effroi : « Ils ont tué Kennedy ! ». Son émotion, si sensible, se communiqua aussitôt au petit garçon que j’étais alors. C’était le 22 novembre 1963, à Marseille. On était déjà entré dans l’ère de l’information planétaire, quasiment en temps réel.

Cette mort en direct, nous l’avons depuis revue des centaines de fois. Comment oublier l’image – insoutenable – du crâne de Kennedy éclatant sous un troisième tir ou celle de sa jeune épouse rampant, affolée, sur le capot arrière de la Lincoln noire au toit ouvert ? Elles ne font pas seulement parties de notre mémoire collective ; elles ont littéralement inauguré un nouvel âge de notre culture, où rien de ce qui se produit dans le monde ne doit être soustrait au regard de la multitude. Au nom de la liberté d’informer, elles ont fait de nous des voyeurs permanents, toujours plus affamés de clichés sensationnels. Le terrain était depuis longtemps préparé pour Internet qui n’a fait que prendre le relais – en l’amplifiant – de la télévision et du photo-reportage.

Soit ! Mais cela n’explique pas, malgré tout, l’extraordinaire popularité dont bénéficie encore John Fitzgerald Kennedy – rebaptisé JFK – cinquante ans après sa mort. Après lui, d’autres chefs d’état – Anouar El Sadate en 1981, Yitzhak Rabin en 1995 -sont tombés, eux aussi, sous les balles de tueurs extrémistes. Mais aucun de ces assassinats n’a suscité la même volonté passionnée de savoir, le même engouement culturel qui a suivi le meurtre du président américain, à Dallas. Cela tient sans doute à plusieurs raisons. D’abord, les commanditaires de Lee Harvey Oswald n’ont jamais été clairement identifiés. Contrairement aux meurtriers de Sadate et de Rabin, personne n’a revendiqué ni justifié la mort de Kennedy, laissant planer ainsi la thèse obscure d’un complot aux multiples ramifications.  D’autre part,  Kennedy avait sur eux le double avantage de sa jeunesse et de sa beauté : des attributs fondamentaux pour faire entrer un homme – ou une femme – dans la légende, pour peu qu’ils se conjuguent à une mort tragique. La recette est restée la même depuis la plus haute antiquité. La modernité ne lui a, finalement, qu’apporté un surcroit de résonance. Enfin, Kennedy était à la tête du plus puissant état de la planète ; et tout ce qui l’affecte – nous ne le savons que trop depuis 2001 - peut avoir des répercussions dans le monde entier. Une vague immense d’espérance l’avait poussé vers les sommets. Elu pour accomplir des réformes sociales dans un pays où la liberté a toujours eu plus d’attrait que l’égalité, il devait forcément susciter, dans le même mouvement, des oppositions et des haines. Mais nul ne pensait alors qu’elles pourraient déterminer son élimination physique. Est-ce que ses adversaires – et ils étaient nombreux – pensaient qu’en l’abattant, on allait stopper ce processus d’émancipation et revenir à une Amérique figée dans ses vieux principes ? Cela est difficile à croire et Lindon Johnson a finalement achevé ce que son prédécesseur à la Maison Blanche avait seulement commencé. Mais en visant Kennedy, on visait aussi un symbole, quitte à en faire un moderne martyr. C’est ce qui s’est produit assez logiquement. Et si les révélations ultérieures sur ses relations douteuses avec la Mafia ou sur ses frasques intimes ont un peu terni son image, son nom cristallise toujours le rêve d’une nation américaine plus juste. Barack Obama en est le légitime héritier.       

 

 

                       Jacques LUCCHESI