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05/07/2014

A propos d’une certaine fronde

 

 

 

Un vent de division souffle depuis quelques temps sur la politique française, et aucun parti n’est épargné. L’histoire en a vu d’autres, car les dissensions sont consubstantielles au projet républicain qui est le nôtre. Mais on est en droit de s’interroger quand on voit comment elles corrodent une majorité condamnée vaille que vaille à gouverner pendant encore trois années. Sur le pacte de responsabilité et les restrictions budgétaires annoncées, on attendait évidemment les critiques du Front de Gauche et des écologistes, poussés dans les marges par l’actuel gouvernement socialiste. Mais que la contestation vienne de ses propres députés, voilà qui est plus surprenant. Lorsque 41, parmi eux, s’élèvent contre le virage libéral du président et y opposent, via de nombreux amendements, leur propre conception de la gauche, on peut parler, en effet, de fronde. Car, à la différence de la révolte qui oppose deux mondes historiquement séparés, la fronde se déroule au sein d’un même milieu politique et social. Elle dresse les unes contres les autres des personnalités faites logiquement pour travailler ensemble (même si elle met aussi en cause la hiérarchie établie). Est-elle en soi illégitime et déraisonnable ? Sûrement pas et il est même juste, en démocratie, que le pouvoir puisse être critiqué par ceux-là mêmes qui l’incarnent à différents niveaux. En refusant, lundi à l’Assemblée Nationale, de voter le projet de loi de finance rectificative (PLFR), le groupe PS des députés frondeurs a même fait preuve de lucidité et de courage. Ils ont rappelé, notamment, que François Hollande n’a pas été élu par sa base populaire pour mener une politique d’austérité et multiplier les cadeaux fiscaux au patronat, et ce jusqu’à se faire tacler – c’en est presque risible – par celui qui l’incarne avec un cynisme rarement atteint : Pierre Gattaz. Face à une Gauche dévoyée par le pouvoir, ils disaient simplement qu’il y a d’autres priorités, d’autres alternatives pour relancer la croissance, et que si un rééquilibrage budgétaire doit être fait, il faut que ce soit en faveur des Français les moins favorisés. Qui pourrait, sous l’angle moral, leur donner tort ? L’ennui, c’est que la politique obéit à d’autres raisons moins éthiques, plus tacticiennes. Et que les menaces feutrées proférées par les défenseurs du projet gouvernemental ont fini par faire rentrer dans le rang ces députés PS qui faisaient honneur à l’esprit de la Gauche (seul Christophe Léonard est resté ferme sur ses convictions). Cela jette forcément une ombre, moins sur leur sincérité que sur leur détermination à faire entendre, coute que coute, une autre voix socialiste. Le gouvernement n’aura donc pas à passer en force sur ce dossier. Mais tout n’est pas dit, pour autant. Et le sillon divergent tracé par ces députés dépités pourrait bien être poursuivi au cours des prochaines semaines, notamment avec le second volet de la loi budgétaire sur la Sécurité Sociale. C’est dire que le mot « frondeur » n’a pas épuisé son capital médiatique.

 

 

 

                       Bruno DA CAPO

01/07/2014

Pour une fin de vie digne

 

 

Le docteur urgentiste Nicolas Bonnemaison,  poursuivi pour « empoisonnement » de sept patients, a été acquitté. Bravo ! Pour beaucoup, c’est un soulagement, pour d’autres l’indignation et la colère dominent... La veuve d’un des patients a fait part de sa satisfaction quant au verdict. Elle espère qu’on va compléter, donc reparler de la loi Leonetti. Pour les avocats du docteur, pour nous tous, cette décision historique — le mot n’est pas trop fort — va obliger les politiques à légiférer rapidement sur la fin de vie.  Déjà des signes favorables ont été adressés par le ministre Le Foll pour faire « évoluer le cadre législatif ». Tant mieux ! Les derniers sondages montrent que les Français sont prêts à élargir la loi. Cet épineux problème n’est pas facile mais il faut l’affronter. Nous tous sommes déjà ou serons concernés par ce débat existentiel. Doit—on pour autant parler de légalisation de l’euthanasie ? Non. Une loi existe déjà, il faut l’améliorer en permettant aux médecins de l’appliquer en tenant compte autant de la volonté des malades, des familles qu’en respectant l’éthique et la déontologie. C’est en substance ce qu’exprimait Patrick Pelloux, autre urgentiste. Pour l’instant, on sent le gouvernement embarrassé. La ministre des Affaires sociales, Mme Touraine, n’a pas voulu commenter une décision de justice. Langue de bois bien sûr. L’embarras n’est pas sur le fond, car à peu près tout le monde comprend qu’il sera peu ou prou confronté à ce qu’on nomme la fin de vie. Qu’on ne peut plus fermer les yeux ou ignorer que le problème existe. Je pense plutôt que la gêne gouvernementale repose sur la peur de réitérer l’épisode chaotique du mariage pour tous et donc de voir des gens descendre dans la rue. Gouverner, c’est non seulement prévoir, c’est être capable de courage. En son temps Mitterrand su abolir la peine de mort. Hollande serait bien inspiré en marchant sur ses traces.

 

                     Yves CARCHON

 

27/06/2014

Bruissements (38)

 

 

 

Royal : la transition énergétique est certainement l’un des plus importants dossiers gouvernementaux du moment. Personne, qu’il soit de droite ou de gauche, ne peut le négliger, car son application déterminera la qualité de notre vécu collectif au cours des prochaines décennies. Mais si les enjeux sont globaux, les solutions sont d’abord locales. Celles présentées par  Ségolène Royal, mercredi 18 juillet, pêchent manifestement par leur caractère trop timide et trop général. Certes, la ministre de l’Ecologie a rappelé le souci gouvernemental de diversifier ses sources d’énergie pour arriver, vers 2030, à une production énergétique assurée à seulement 50% par le nucléaire. Mais rien sur la fermeture des centrales vétustes, comme Fessenheim, promesses de campagne du candidat Hollande. Sur ce point, chacun se renvoie la patate chaude : le gouvernement en laisse le soin à EDF, tandis que celle-ci, par la voix de son PDG Henri Proglio, réplique que c’est à l’état d’en décider. Quant à l’écotaxe, si décriée par les Bonnets Rouges durant l’automne dernier, le gouvernement vient de la supprimer au profit d’un « péage de transit » qui ne couvrira que 4000 kilomètres d’autoroute au lieu des 15 000 initiaux. Un parcours qui épargnera la houleuse Bretagne mais qui ne rapportera que 550 millions d’euros annuels à l’état quand l’écotaxe aurait dû lui en ramener au moins 800. Un différentiel de 250 millions perdus pour financer la fameuse transition - dont le prix est estimé à un milliard d’euros annuels. Quitte à établir de nouveaux arbitrages budgétaires, il faudra bien trouver l’argent pour ça. D’autant qu’elle finira par créer de nouveaux emplois - même si d’aucuns pensent qu’elle en supprimera beaucoup avant. Est-ce une raison pour ne pas oser l’assumer jusqu’au bout ? La peur de faire de nouveaux chômeurs est devenue telle en France qu’elle menace de paralyser des innovations nécessaires et fructueuses.     

 

Santé : on attendait beaucoup de la réforme de la santé dévoilée, jeudi 19 juillet, par Marisol Touraine, tellement ce secteur reflète les inégalités criantes de notre société. Et de bonnes idées, il en a, en effet, dans son rapport : extension à tous du tiers payant, class-actions pour malades lésés, ligne téléphonique à trois chiffres pour faciliter l’accès à un médecin. Mais là comme ailleurs, l’état cherche à faire des économies (dix milliards d’euros sur trois ans). Et s’il est judicieux de chercher à éviter des doublons d’analyses ou de radiographies, il est par contre plus hasardeux de vouloir généraliser la médecine ambulatoire, car il faut souvent quelques jours de récupération après une intervention chirurgicale, même légère. Une autre idée appréciable est sans doute le projet d’appliquer  un code couleurs sur les produits alimentaires. Cela simplifierait la lecture des ingrédients (toujours très obscure) et situerait le produit sur une échelle allant du rouge (dangereux) au vert (bénéfique). Mais d’ores et déjà, les industries de l’agro-alimentaire protestent, rétorquant que l’influence, positive ou négative, d’un aliment sur la santé implique d’autres critères, dont sa fréquence de consommation. On sait peut-être que le parlement européen a déjà rejeté cette classification chromatique en 2010.  

 

Intermittents : Marseille, Montpellier et bientôt Avignon : les festivals de danse et de théâtre annulent, les uns après les autres, leurs spectacles par solidarité avec les intermittents en colère. Depuis mars dernier, les grèves se succèdent et les négociations, tant avec le patronat que l’état, ne parviennent pas à déboucher sur un système d’indemnisations satisfaisant. Le problème n’est pas nouveau ; il dure maintenant depuis 2003 et aucun gouvernement, de droite ou de gauche, n’est parvenu à un accord durable avec les représentants de cette profession souvent précaire C’est aussi un symptôme dans ce pays où l’état se désengage de plus en plus de la culture et de ses acteurs. Alors même que ce secteur est l’un des plus importants de notre économie. Et je ne parle même pas de notre réputation à l’étranger.

 

Réfugiés : parmi les nombreuses journées dédiées à une cause tout au long de l’année, il faut compter avec la journée des réfugiés. Celle-ci était célébrée le vendredi 20 juin et les chiffres qu’elle a fait apparaître sont hélas bien peu réjouissants. En 2014  il y aurait dans le monde, sous l’effet conjugué de la misère et des guerres, plus de 50 millions de personnes déplacées. 50 millions de personnes ayant dû fuir leurs pays d’origine pour tenter de survivre ailleurs, conformément à la Charte Universelle des Droits de l’Homme – qui prévoit pour chacun le droit de vivre librement où il veut. 50 millions de réfugiés, c’est plus que n’en a produit le deuxième conflit mondial. Parallèlement, le marché touristique ne cesse de s’accroître : 1087 millions de touristes en 2013, ce qui représente une progression de 5% par rapport à l’année d’avant. D’un point de vue financier, les voyages et le tourisme pèsent 7000 milliards de dollars, soit 9% de l’économie globale. Quoiqu’elle reste la première destination touristique au classement mondial, la France compte bien accroître ses parts et atteindre vers 2020  les 100 millions de touristes annuels (un peu plus de 70 millions, actuellement). Comprend-t’on mieux ainsi les urgences, les écarts et les paradoxes de l’humanité du XXIeme siècle ? Le réfugié et le touriste : les deux extrêmes d’une espèce par nature instable. On sait, avec eux, de quoi l’avenir sera fait.

 

                  Erik PANIZZA