18/12/2014
Poutine, le pétrole et l’Europe
Un vent de panique souffle actuellement sur l’économie russe. La semaine écoulée a vu le rouble chuter de 9,5%, record historique depuis 1998. Au final, il aura perdu 60% de sa valeur normale depuis le début de l’année, représentant à peine 0,015 dollar aujourd’hui. Cette crise monétaire a provoqué une vive inquiétude dans la population. Nombreux sont les Russes qui se sont précipités dans les banques pour acheter des devises étrangères avec l’espoir de sauver un peu de leur avoir. Les capitaux des plus riches ont déserté massivement la Russie (environ 120 milliards de dollars, soit 95 milliards d’euros). Pour lutter contre ce marasme, des marques comme Ikéa veulent relever leurs tarifs; quant à Apple, elle envisage tout simplement de suspendre ses ventes en Russie. De ce côté-ci de l’Europe, nombreux sont ceux qui voudraient voir dans cette crise les conséquences du blocus imposé à la Russie par l’Union Européenne depuis l’été dernier. Mais quoique l’interruption des échanges représente, pour la Russie, une perte de 32 milliards d’euros, celle-ci n’aurait pas eu d’incidence majeure si, entre temps, une autre crise n’était passée par là : l’effondrement du cours du pétrole. Car l’or noir, lui aussi, est actuellement à son plus bas niveau. Le baril s’échange aujourd’hui à seulement 55 dollars, quand il atteignait le double voici quelques mois à peine. Ce faible prix, décidé par l’OPEP, est lui aussi une réaction à l’offre excédentaire de pétrole sur le marché énergétique. Elle résulte, pour une grande part, de l’exploitation massive du gaz de schiste pratiquée par les USA et le Canada. Avec une économie qui repose principalement sur le pétrole et le gaz, la Russie ne pouvait qu’en subir le ressac : ses pertes se monteraient présentement à 90 milliards d’euros – soit 5% de son PIB. Ainsi se profile une situation qui semble favorable à la reprise des négociations sur l’épineux dossier ukrainien. Depuis, le cours du rouble a été rehaussé et Poutine, lors de sa conférence de presse annuelle, s’est lancé dans une diatribe contre les ennemis de la Russie, accusant ouvertement l’U E d’être responsable de cette crise (qui devrait, selon lui, être résorbée d’ici deux ans). Le maitre du Kremlin peut faire croire ce qu’il veut au peuple russe ; chacun sait ici, à commencer par lui-même, que la situation actuelle n’est guère propice à une attitude durablement intransigeante. Que l’on se garde néanmoins, en Europe de l’Ouest, de crier victoire trop vite et d’adopter un ton immodeste avec lui. Le chemin du dialogue – et donc de la paix en Ukraine – exigera sans doute des compromis des deux côtés.
Bruno DA CAPO
15:43 Publié dans numéro 13 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pétrole, opep, poutine, rouble
12/12/2014
Les crèches de la discorde
Au départ, il y a la décision du tribunal administratif de Nantes qui, saisi par l’association La Libre Pensée, a enjoint le conseil général de Vendée de retirer sa crèche de Noël dans le hall de l’hôtel du département. Décision sans doute un peu trop rigoriste, même justifiée par l’article 28 de la loi de 1905 sur la séparation de l’église et de l’état (qui interdit les signes religieux dans l’espace public). Néanmoins, le conseil général de ce département – pourtant de forte tradition catholique – s’y conforme, tout en promettant d’introduire un recours. Ce n’est pas le cas à Béziers, sous le coup aussi de la même injonction. Là, Robert Ménard, maire apparenté FN de la cité bitérroise, se cabre et conserve la crèche installée dans l’hôtel de ville. Il est rapidement suivi par l’ensemble des autres édiles du FN dans leurs communes respectives. La fronde gronde contre les valeurs de la république, soutenue par des personnalités aussi différentes que Nadine Morano (UMP) et Julien Dray (PS). On peut les comprendre. Car il n’est nul besoin d’être encarté à l’extrême-droite pour vouloir préserver, en cette période de l’année, un peu d’enfance et de merveilleux au sein de notre société si mercantiliste. Ce qui est, par contre agaçant, c’est la récupération politique quasi instantanée d’une coutume porteuse de paix et d’universalité. C’est aussi la duplicité du FN, si prompt à brandir le principe de laïcité quand il estime que l’Islam le viole par ses manifestations publiques et, à l’inverse, de le piétiner lorsqu’il met un bémol à des traditions d’inspiration chrétienne. Il est vrai que, dans cette affaire, le sénateur UMP Bruno Retailleau a introduit la distinction entre fait religieux et fait culturel – la crèche relevant, selon lui, de ce deuxième point. Du pain bénit pour le FN qui a sans doute oublié que la loi de 1905 visait avant tout – et pour cause ! – la religion chrétienne jugée alors trop influente. Les mœurs ont bien changé, depuis, dans ce pays ; la laïcité y est devenue plus tolérante. Et on peut aujourd’hui, sans crainte du ridicule, s’affirmer laïcard tout en continuant à fêter Noël et même Pâques.
Bruno DA CAPO
16:23 Publié dans numéro 13 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : crèches, fn, béziers, laïcité
09/12/2014
Le Président, le chien et le grand argentier
Ces derniers jours, j’ai lu qu’on avait constaté que notre Président vivait sans chien à l’Elysée. Bizarre. On ajoutait qu’un chien l’humaniserait peut-être... Tous ses prédécesseurs en ont eu un, voire deux : Mitterrand, Giscard, Chirac, Sarkozy...Pourquoi pas lui ? Cette question, qui peut paraître saugrenue, ne l’est pas tant que ça. Je m’explique. La compagnie d’un chien vous donne à réfléchir : il faut chaque jour s’en occuper : le nourrir, le sortir, le soigner, le caresser de temps en temps, lui parler, parfois l’interpeller quand on est face à une épineuse question même si l’on sait qu’il ne sera pour nous d’aucun secours... C’est justement ce qu’attendent des milliers de Français, notamment ceux qui mangent aux Restos du cœur : être nourris — ou avoir un travail pour manger, sortir et prendre l’air loin du marasme ambiant, se sentir épaulés, écoutés, soignés dans de bonnes conditions. Ils sont même prêts à être sollicités sur des sujets économiques, sociaux ou culturels, même s’ils savent qu’on ne tiendra pas compte de leurs réponses. Au moins, avec un chien, le Président pourra-t-il rétablir le lien perdu avec le peuple. Je suggère donc qu’on lui offre à Noël un canin. Mais pas un qui dévore les meubles de l’Elysée, ni un qui morde le premier patron venu, non : un chien savant, économiste qui, sans en avoir l’air, inspire enfin François Hollande...
Yves CARCHON
13:48 Publié dans numéro 13 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : chien, elysée, marasme, noël