20/02/2015
Bruissements (46)
Copenhague : stupéfaction au Danemark ou un pseudo djihadiste de 22 ans a ouvert le feu, samedi 14 février, sur un centre culturel, à l’occasion d’une conférence sur la liberté d’expression à laquelle participait Lars Vilks, l’auteur des caricatures de Mahomet en 2005. Un réalisateur de 55 ans a ainsi été tué. Un peu plus tard, le tueur présumé s’en est pris à une synagogue, blessant mortellement son gardien de 37 ans avant d’être lui-même abattu par la police devant son domicile, dimanche au petit matin. L’enquête, depuis, suit son cours et deux complices du meurtrier ont été arrêtés. Un mois après les attentats de Paris, le scénario du loup solitaire se répète dans un pays européen. Nous connaissons maintenant leurs cibles potentielles : les intellectuels et artistes laïques, les israélites et les musulmans modérés (requalifiés d’ «apostats » par ces fanatiques). Ce nouvel attentat vient nous rappeler le caractère épars et imprévisible de cette guerre que l’obscurantisme le plus sinistre a déclaré aux valeurs occidentales. Nous sommes tous concernés.
Profanation : on peut également se demander comment l’antisémitisme le plus sordide peut trouver un tel écho, avoir de tels relais dans notre pays en 2015. Tout se mélange dans la tête de certains jeunes pour qui l’histoire n’est plus que la servante d’une classe politique abhorrée. Les cinq jeunes imbéciles qui ont profanés 250 tombes du cimetière juif de Sarre-Union (Alsace), dimanche dernier, en sont, hélas, la preuve vivante. Qu’est-ce que peut signifier la Shoah, le respect de l’autre, le sens du sacré pour eux ? Rien du tout, à l’évidence. Avec un peu plus d’éducation, ils n’auraient sans doute jamais pu commettre un acte aussi ignoble. Il est vrai que ce type de vandalisme s’est banalisé depuis quelques temps. Et il n’épargne pas les cimetières chrétiens qui sont de loin les plus nombreux à subir ce genre de dégradations. Pauvre France.
Chine : que se passe-t’il, actuellement, en Chine ? Il semble que son président Xi-JinPing a décrété une lutte sans merci contre la corruption. Et comme ici, on aime bien les métaphores, on désigne les réprouvés par les doux noms de « tigres » et de « mouches ». Les « tigres », ce sont les hauts dirigeants qui se sont enrichis sans scrupules sur le dos du peuple; les « mouches », ce sont tous les subalternes qui encaissent des pots-de-vin pour attribuer un emploi, une place dans une école ou permettre la réalisation d’un projet. Même à l’échelle de la Chine, ça représente pas mal de monde : ainsi, 68 cadres du parti, 15 généraux et 68 000 lampistes ont été arrêtés ces derniers mois. La semaine dernière, cinq d’entre eux ont été exécutés, dont le milliardaire de l’industrie minière Liu Han. Comment ne pas songer aux vieilles méthodes maoïstes qui aboutirent, en 1966, à la tristement célèbre « révolution culturelle » ? Car le libéralisme n’a jamais été, en Chine, synonyme de démocratie.
Ukraine : la situation n’est pas plus réjouissante dans l’est de l’Ukraine, où les combats entre l’armée régulière et les séparatistes pro-russes n’en finissent pas. On croyait pourtant à la force de la diplomatie et au cessez-le feu bilatéral au lendemain des accords de Minsk 2. Il n’en est rien, tout au contraire, puisque les affrontements se sont intensifiés depuis ce 15 février - qui devait pourtant marquer le début de la trêve. Pris dans une spirale infernale, les rebelles (avec l’aide militaire de Moscou) n’ont pas cessé de bombarder la ville de Debatseve, au point d’en faire fuir les troupes ukrainiennes. Donetsk et surtout le port de Marioupol pourraient être leurs prochaines prises. D’ores et déjà, Petro Porochenko a demandé à l’ONU l’envoi d’une force internationale pour assurer la surveillance des frontières russo-ukrainiennes. Si le double-jeu de Poutine se poursuit, on ne voit pas comment le président ukrainien pourrait repousser la proposition de soutien logistique émise par Washington voici une quinzaine de jours. Dans ce cas, le pire deviendrait possible.
Marseille : à Marseille aussi les armes ont parlé, quoique d’une façon beaucoup plus limitée. Sans doute pour saluer la venue de Manuel Valls, les 9 et 10 février, d’autres insurgés s’en sont pris, à coups de kalachnikov, aux policiers qui surveillaient la cité de la Castellane. Pas de blessé, heureusement, puisque leurs tirs visaient surtout les nuages. Une façon de dire que le premier ministre – qui devait faire une halte ici - n’était pas le bienvenu, tout comme les autres représentants de la république. Que veulent ces nouveaux pistoleros ? Simplement continuer à faire leurs petits trafics et, dans ce cas, tout ira bien. Tant pis pour les 6000 habitants honnêtes de la cité que la pauvreté condamne à rester ici et qui subissent leurs pressions. Une enquête, évidemment, a été diligentée. Du reste, Manuel Valls a pu tester ailleurs sa côte d’impopularité, puisqu’il s’est fait copieusement houspillé au lycée Victor Hugo. Il est vrai qu’il commence à en avoir l’habitude.
DSK : qui veut la peau de Dominique Strauss-Kahn ? On peut se poser la question quand on voit les mascarades qui ont entouré son procès, à Lille, pour « l’affaire du Carlton ». Une prostituée qui joue les saintes nitouches éplorées à la barre du tribunal ; des Femens qui vandalisent la voiture de l’ex-directeur du FMI : tout cela sent la vengeance mesquine. Quant au principal chef d’accusation – proxénétisme en bande organisée – qui pèse sur l’économiste partouzeur, on peut dire qu’il est particulièrement boursouflé, au vu des faits avérés. Car enfin, pourquoi des adultes consentants, rétribués ou pas, n’auraient-ils pas le droit de s’enfermer dans une chambre pour se livrer à une partie de jambes en l’air ? Face à cet acharnement, un contre-procès s’impose : celui du néo-puritanisme en France. Depuis, le procureur général a demandé la relaxe de DSK : il a bien fait. Reste la blessure de ce grand déballage et sa médiatisation, plus obscène encore que les agissements reprochés. La sexualité des puissants de ce monde – et DSK a été l’un de ceux-là - n’a pas fini de faire saliver le bon peuple.
Erik PANIZZA
15:35 Publié dans numéro 15 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : copenhague, profanation, chine, dsk
18/02/2015
Le casse-tête ukraino-russe
Comme tous les Russes, Poutine est un jouer d’échecs. A moins qu’il n’ait un faible pour le poker, mais pas le strip-poker, car ce serait se dévoiler imprudemment... Il n’en demeure pas moins qu’il a deux cartes dans son jeu : l’une militaire et l’autre diplomatique. Angela et François ont moins d’atouts en mains. Ils veulent garder la main grâce à leur seule carte dont ils disposent : la carte diplomatique. Est-ce suffisant ? Non, proclament les Américains, convaincus que Poutine ne connaît qu’un langage : celui des armes. Donc en armant l’Ukraine, ils pensent contrer Poutine. La Chancelière et notre Président — petits télégraphistes, aurait-on dit en d’autres temps — s’accrochent à cette idée que la seule voie demeure diplomatique. Quoiqu’on attende un cessez-le-feu promis pour samedi 14 février à minuit, les combattants pro-Russes gagnent du terrain. Sur place, personne ne croit qu’on en restera là (on en a désormais la preuve, ndlr). Autrement dit, il semblerait que notre diplomatie bicéphale ait pris du plomb dans l’aile. Doit-on embraser la région pour autant ? Le doute ne peut manquer de marquer nos esprits quand on connaît combien toutes nos interventions en Irak, en Lybie, en Syrie, sans parler de l’Afghanistan, ont semé troubles, crimes, désordres et anarchie après notre passage. Que faire ? En matière de casse-tête, on pourrait s’inspirer des Chinois mais on serait mal inspirés : eux-mêmes en sont à une sévère épuration toute intérieure, ce qui se traduira bientôt par un durcissement inéluctable vers l’international... Certes un casse-tête dit bien se qu’il veut dire. Reste à savoir si les têtes qu’on casse sont bien pleines ou bien faites !
Yves CARCHON
14:29 Publié dans numéro 15 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poutine, strip-poker, ukraine, diplomatie
16/02/2015
Tombeau pour Kayla Jean Mueller
La jeune Américaine Kayla Jean Mueller, enlevée par le groupe Etat islamique, a été tuée, selon ce même groupe, par un raid de la coalition dans le nord de la Syrie. Ayant reçu confirmation des services de la Maison Blanche, on imagine ses parents abattus.Mais ce n'est pas au cours d'un raid qu'elle serait morte mais sous les coups de ses bourreaux. Pendant sa détention qui remontait à 2013, les parents de Kayla avaient contacté directement l'Etat islamique, lui envoyant un message privé pour sa libération et demandant une réponse à eux seuls adressée. Dans leur réponse, les ravisseurs ont eu l'intolérable cynisme de souligner que Kayla serait traitée en « invitée ». Au fait, qui était Kayla Jean ? Une jeune femme qui eut le tort d'être « dévouée au peuple syrien ». Une jeune militante ayant consacré sa jeune mais déjà dense carrière à aider « ceux dans le besoin à travers le monde. » Etait-ce donc un délit ? Il semblerait que pour certains c'était un crime à réprimer. Dès décembre 2012, cette courageuse jeune femme avait rejoint la frontière syro-turque. Pour quelle sombre mission ? Pour combattre l'Etat islamique ? Qu'on se détrompe : Kayla voulait aider « les déplacés fuyant la guerre en Syrie ». Comme on le voit, l'humanitaire était le moteur de sa vie. Aujourd'hui, saluons sa mémoire. Kayla Jean Muller avait une mission auprès des malheureux du monde entier. Elle a été assassinée par cet Etat qui se dit tel et qui n'est autre qu'un repaire d'assassins. Contre ces égorgeurs, notre gouvernement doit être aux premiers postes. C'est un devoir. Plus : un impératif urgent. Il faut sauver d'autres Kayla tombées entre les griffes des Islamistes !
Yves CARCHON
14:59 Publié dans numéro 15 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : kayla, syrie, humanitaire, égorgeurs