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23/10/2014

Bruissements (42)

 

 

Genre : longtemps la langue française a connu l’emploi du neutre en matière de nomination officielle. Un préfet pouvait être une femme. On l’appelait alors « madame le préfet», mais le nom de sa charge ne s’accordait pas pour autant au féminin : normal, puisque c’était la fonction qui primait sur la personne. Mais voilà, des féministes à l’esprit chagrin ont un jour remarqué que le neutre en Français se déclinait – presque -toujours au masculin. Cette particularité – vite transformée en inégalité – devait longtemps les empêcher de  dormir paisiblement. Jusqu’à ce que leurs protestations entrainent, en 1998, la rédaction d’une circulaire « ordonnant de recourir aux appellations féminines pour les noms de métier, de fonction, de grade ou de titre ». C’est ainsi qu’on vit bientôt des préfètes, des députées, des doctoresses en droit attendant de devenir peut-être des jugesses.  Est-ce que Julien Aubert, jeune député UMP du Vaucluse, ignorait cette évolution linguistique lorsqu’il s’est adressé, dans le Palais Bourbon, à Sandrine Mazetier, vice-présidente socialiste de l’Assemblée Nationale, en lui donnant du « madame le président » ? Certes non puisque, rappelé une première fois à l’ordre par son interlocutrice, il a récidivé et écopé, cette fois d’un procès-verbal assorti d’une amende de 1378 euros. Provocateur, Julien Aubert ? Sans doute, même si cette féminisation des titres n’a toujours pas reçu l’aval de l’Académie Française. Et que cette injonction ne concerne que les rédacteurs de textes parlementaires. Deux arguments qu’il fera valoir pour sa défense en appel. Mais – diantre ! – que les femmes de pouvoir sont devenues susceptibles aujourd’hui !

 

Nobel : de véritables inégalités entre les hommes et les femmes, nous le savons bien, il n’y en a encore que trop dans le monde. Et celles-là méritent qu’on leur apporte notre soutien. L’académie Nobel s’en est souvenue puisqu’elle a jugé bon de décerner son prix annuel de la paix à Malala Youzafsai, petite Pakistanaise de 17 ans, dont le blog consacré à l’émancipation des femmes lui a valu, voici deux ans, une tentative d’assassinat orchestrée par les Talibans. Revenue par miracle à la vie elle n’en poursuit que plus passionnément son combat, parallèlement à sa scolarité dans une école londonienne. Gageons que cette prestigieuse distinction va donner à sa voix une audience planétaire.

 

Vaccin : en matière de vaccins, il y a de plus en plus de Français qui confondent l’exception avec la règle. Sous prétexte que certains sujets réagissent négativement à un vaccin – ce qui est rare -, des parents bien intentionnés jouent la carte du risque zéro en refusant de faire vacciner leurs enfants contre la diphtérie, le tétanos  et la poliomyélite – le célèbre DTP. Or, ce vaccin est le seul à l’heure actuelle qui soit obligatoire : quiconque a vu des photos de victimes du tétanos comprend pourquoi. Pas cette famille de l’Yonne, sans doute, puisque c’est à ses dépens qu’elle l’a appris le 9 octobre dernier au tribunal correctionnel d’Auxerre. Depuis, l’affaire a été portée devant le Conseil Constitutionnel qui devrait statuer d’ici quatre mois. Un beau débat de société en perspective. Avec, pour enjeu, la liberté individuelle face aux institutions médicales.

 

Ebola : Si depuis six mois maintenant, l’épidémie de fièvre Ebola en Afrique de l’Ouest alimente les pires craintes, elle suscite à présent des canulars douteux. Rire de ce qui nous effraie est une vieille méthode pour apprivoiser la menace. Mais ça peut être aussi une manière de tester son pouvoir de persuasion sur son entourage. En l’occurrence le terrain est tellement sensible qu’il n’y a pas beaucoup d’efforts à faire pour que ça marche. Le 10 octobre dernier, en hurlant « J’ai Ebola. Vous êtes foutus. », ce passager du vol Philadelphie-Punta-Cana était assuré de produire son effet. Après une brève panique, les services de sécurité de l’aéroport déboulèrent dans l’avion - qui venait d’atterrir - pour emmener le fauteur de trouble. Par chance les nombreux tests qu’il dut subir ne révélèrent aucune trace du terrible virus. Mais on imagine aisément la colère des autres passagers contre lui lorsqu’ils apprirent les résultats, après deux heures d’immobilisation forcée sur le tarmac.

 

Djihad : on se demande parfois ce qui peut bien se passer dans la tête de nos contemporains. Certes, Le Net sert de vecteur à une propagande islamiste nauséeuse qui peut troubler des esprits peu formés ou en manque de repères. Mais de là à séduire une famille entière… C’est ce qui est pourtant arrivé à Nice, le 26 septembre dernier. Onze membres d’une même famille – la grand-mère, ses trois enfants, leurs conjoints et quatre petits-enfants – sont partis à bord de deux voitures vers la Turquie en vue de passer la frontière syrienne et d’aller faire leur djihad avec les troupes de Daesh. On voudrait en rire si on pouvait oublier les horreurs qui se commettent là bas chaque jour. Une équipée tragi-comique qui révèle, encore une fois, les failles du dispositif de contrôle français.

 

 

                        Erik PANIZZA

14:18 Publié dans numéro 13 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : genre, nobel, vaccin, ebola

17/10/2014

Ô Kobani !

 

 

Kobani est donc destinée à devenir une ville martyre. Une de plus, pourrait-on dire désabusé. Malgré les déclarations révoltées des puissants, malgré le feu nourri tombant du ciel, les combattants de l’Etat islamique encerclent, pour ne pas dire enserrent la ville. Face à eux de courageux combattants Kurdes (hommes et femmes confondus), prêts à défendre plus que leurs terres : l’aspiration à vivre enfin dans un pays démocratique. Hélas, ils sont bien seuls ! Pas question pour les Turcs d’intervenir, Erdogan refusant de susciter dans son propre pays des velléités irrédentistes kurdes... Mieux vaut laisser assassiner un peuple et s’en remettre à la real politique. Apparemment, la compassion n’est pas dans ses priorités ! Certes les Américains sont là avec leur force et la finesse diplomatique qu’on leur connaît... Sans eux, ce serait sans doute pire. Et engager des troupes serait ajouter à la confusion pour un résultat, on le sait, contre-productif (voir interventions en Irak, Lybie...). Alors, sans pour autant intervenir directement sur le terrain, peut-on au moins armer les Kurdes. Qu’attend-on ? La victoire de Daesh, en laissant s’installer un fascisme religieux intraitable, prêt à persécuter qui s’oppose à sa barbarie ? Il n’est pas loin le temps où on laissa mourir l’Espagne républicaine sans même lever le petit doigt. Je crains que Kobani ne soit le Madrid de 36, mais cette fois-là avec la honte d’avoir laissé se perpétrer cette infamie alors que nous avions encore en tête les lâchetés d’hier.

 

                                                             Yves CARCHON

15/10/2014

De l’écologie punitive

                       

 

  C’est une évidence: l’écologie passe mal en France. Contrairement à l’Allemagne qui l’a depuis longtemps intégrée à son mode de gouvernance, elle reste, pour beaucoup de nos concitoyens, synonyme de rigueur, de contrainte et de décroissance. Plus personne ici, ou presque, ne conteste le bien-fondé de ses affirmations. Mais lorsqu’il s’agit de quitter la théorie pour la pratique et de modifier un peu nos comportements, c’est, en général, la conjuration des égos contre les mesures qu’elle inspire. Dans le contexte de précarité sociale qui est le nôtre, l’économie, aussi délétère soit-elle, finit toujours par imposer ses solutions à court terme sur le temps plus long de l’écologie. Une opposition d’autant plus regrettable que l’écologie est, elle aussi, un  facteur économique important, pour peu qu’on s’engage à faire les réorientations industrielles nécessaires.    

Le fiasco de l’écotaxe abandonnée, la semaine dernière, par Ségolène Royal ne fait que confirmer cette frilosité générale. Voilà un droit de péage qui ne devait s’appliquer qu’aux poids lourds, véhicules de 3,5 tonnes et plus dont on sait  quel impact destructeur ils ont sur l’environnement. Il s’inscrivait parfaitement dans le principe du pollueur-payeur, dispositif européen qui transcende les partis et qui contribue à financer des actions dépolluantes. Or, il a suffi qu’une corporation – celle des transporteurs-routiers – montre les dents et menace le pays de grèves massives pour que le gouvernement, par la voix de sa ministre de l’écologie, fasse marche arrière et renonce ainsi à une rentrée fiscale de 600 millions d’euros annuels. Bel exemple de pusillanimité politique pour les uns, d’indifférence au monde pour les autres. Tout était pourtant prêt pour faire appliquer l’écotaxe sur nos autoroutes, à commencer par les portiques de contrôle commandés à la société Ecomouv’ dans le cadre d’un partenariat public-privé. Pour l’état, il va falloir rembourser les travaux engagés à hauteur d’un milliard d’euros. Une perspective qui ne semble guère inquiéter Ségolène Royal («On verra bien. » A-t’elle lâché à la presse). Car elle a un plan B avec la taxation supplémentaire des sociétés autoroutières (qui ne sont pas à plaindre, non plus) et du diesel, grand émetteur de particules fines dont le prix avantageux n’incite guère les conducteurs à mettre de l’essence dans leurs moteurs. Reste que ce sont les automobilistes lambda qui feront, d’une façon ou d’une autre, les frais de la débandade gouvernementale face à nos routiers sympas. Ségolène pourra tranquillement se consacrer à d’autres dossiers sensibles – comme la pollution des sacs en plastique, l’important étant, pour elle, de ne pas faire de « l’écologie punitive ». Tandis que François Hollande continuera, lui, à s’afficher sur le perron de l’Elysée avec des stars hollywoodiennes en quête d’un second souffle. De quoi faire de l’écologie un spectacle à défaut d’une cause nationale particulièrement urgente.

 

                            Bruno DA CAPO