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12/03/2019

La parcimonieuse parole des femmes

                 

 

 

 Si, dans la vie courante, les femmes passent pour parler davantage que les hommes, il n’en va pas de même dans l’espace public et les médias. Des appareils hautement sophistiqués d’enregistrement, d’analyse et de restitution des sons permettent à présent des échantillonnages dont le but est, évidemment, d’apporter de l’eau au moulin de la parité. Après, l’an dernier, une étude sur le temps de parole des député(e)s à l’Assemblée Nationale (au détriment des femmes), c’est une nouvelle enquête qui alimente le débat : celle dirigée par David Doukhan, chercheur au département Recherches et Innovations numériques de l’INA.

Celui-ci, grâce aux moyens fournis par l’intelligence artificielle, a donc passé au crible 700 000 heures de programmes radiophoniques et télévisés. Au total ce sont 43 médias qui ont été analysés et classés en fonction du taux de parole qu’ils offrent aux femmes. Il en ressort que, toutes chaînes confondues, le temps de parole des hommes est de deux tiers pour un  tiers seulement aux femmes. Ce pourcentage varie, évidemment, selon les types de programmes. Et nul ne sera étonné d’apprendre  qu’à Eurosport France, il descend à 7, 4%. Tandis qu’en revanche, il monte à 47,9% sur Téva et même jusqu’à 51% sur une radio comme Chérie FM. Si l’on situe le problème au niveau des plages temporelles, on constate que la parole masculine est prépondérante dans les périodes de forte audience – de 6 H à 9 h pour les radios et de 19H à 22 H pour les télés.  

Néanmoins, le chercheur conclue son enquête en affirmant que la parole féminine – on s’en était un peu douté - est en constante augmentation dans les médias. Ainsi les hommes, en 2001, parlaient trois fois plus que les femmes ; en 2018, ils ne parlent que deux fois plus qu’elles. Donc tout va bien, la parité est en marche, même si les féministes trouveront, bien sûr, qu’elle ne va pas assez vite.

Au-delà des chiffres que permettent des logiciels de plus en plus performants, force est de constater qu’on ne sort pas du quantitatif. Et que la parole, tant des femmes que des hommes, devrait être aussi décortiquée sous l’angle du qualitatif : degré de scientificité des contenus verbaux, érudition personnelle des intervenants, pertinence et intérêt général des propositions politiques. Car pour les auditeurs et les citoyens que nous sommes, ce n’est pas le sexe des chroniqueurs – ni, d’ailleurs le nombre de mots qu’ils prononcent à la minute – qui est vraiment important, mais bien la portée intellectuelle de leurs émissions verbales. Mais voilà, il n’y a pas encore d’outil suffisamment élaboré pour en rendre compte.                                                              

 Jacques Lucchesi     

01/03/2019

Les pensionnés du IIIeme Reich

                   

 

Quand on songe aux anciens combattants, on se représente de vieux messieurs portant béret et décorés de la Croix de Lorraine plutôt que des supplétifs de la Wehrmacht, voire de la Waffen SS, qu’ils aient été ou non engagés volontaires. Ce sont pourtant ces derniers qui font l’actualité aujourd’hui, depuis qu’un député belge a pointé cette particularité de l’administration allemande. Ils seraient en effet près de 2000 en Europe – dont 54 en France -  à percevoir encore une pension (allant de 600 à 1200 euros) pour services rendus au régime hitlérien. C’est d’ailleurs Hitler lui-même qui avait promis d’octroyer une prime « pour fidélité, loyauté et obéissance » à ces tacherons anonymes qu’il avait entraînés dans son projet terrifiant. Après lui, l’Allemagne redevenue démocratie n’en a pas moins mis en œuvre sa généreuse promesse pour ces inconnus de l’Histoire qui se sont bien gardés de contester ce prébende, d’autant plus qu’il était transmissible à leurs descendants.

Hélas pour eux, les choses risquent de changer sous peu, maintenant que l’administration fiscale a braqué ses projecteurs sur cette aberration historique. La vérité finit toujours par sortir du puits, même si ça peut prendre très longtemps. Il va y avoir des vieillards plus pauvres en Europe. La faute à qui ? A des Belges dénonçant le laxisme de l’Allemagne contemporaine. Quel moderne Courteline aurait pu imaginer ça ?

 

Jacques Lucchesi

25/02/2019

         Antisémitisme ou antisionisme ?

 

 

 

  Le problème était déjà sensible depuis quelques temps, avec des tags calomniateurs sur des vitrines de commerces parisiens, voire sur le portrait de Simone Veil. Mais l’agression verbale qu’a subi par Alain Finkielkraut, samedi dernier à Paris, en marge d’un défilé des Gilets jaunes, a précipité les choses. L’antisémitisme est réapparu dans toute sa virulence sur la place publique. On ne reviendra pas ici sur les mots odieux de ce salafiste –depuis interpellé – affublé d’un gilet jaune. Cela montre, si besoin était, la complexité de ce mouvement qui rassemble en son nom des personnalités et des revendications complètement hétérogènes. Cela montre aussi les moyens de contrôle, de plus en plus étendus, dont disposent les instances de pouvoir pour refaçonner la société actuelle. Du reste, on peut honnêtement se demander si ces injures, adressées à un citoyen ordinaire et anonyme, auraient déclenchées les mêmes poursuites pénales. Je n’en suis pas du tout certain ; mais il est juste que tous ceux qui ont l’insulte facile à l’encontre des Juifs comme des non-Juifs, sachent qu’ils peuvent écoper d’une amende conséquente, pour peu que la police prenne les plaignants au sérieux.

Un mot, cependant, fait débat depuis cet incident : c’est l’antisionisme. C’est d’ailleurs le mot « sioniste » que l’imprécateur a lancé, parmi d’autres amabilités, à la face de l’académicien consterné. Alain Finkielkraut est-il sioniste dans le sens historique du terme ? Je ne sais pas, mais il est certain qu’il a beaucoup écrit sur l’identité juive, la Shoah et l’attachement à Israël, non sans une bonne dose de sens critique. Néanmoins, je doute fort que ce soit dans le sens premier du mot « sioniste » - c'est-à-dire un partisan d’un état juif en Palestine -  que son agresseur l’ait employé. Je crois bien plutôt que c’était, dans sa bouche, un substitut du mot « juif », lequel est devenu interdit dans l’espace public surtout s’il est accompagné par l’adjectif « sale ». 

Dans son discours face aux représentants du CRIF, mercredi soir, Emmanuel Macron ne s’est pas trompé en présentant l’antisionisme « comme une des formes modernes de l’antisémitisme ». Les deux termes, pourtant, ne sont pas équivalents mais l’usage évolutif de la langue, la pression du contexte social, les ont fait, comme tant d’autres, dériver jusqu’à fusionner et faire ainsi de tout Juif un partisan de la politique – répressive et hyper militariste – d’Israël aujourd’hui sous la férule du Likoud. C’est évidemment réducteur car il existe, tant en France qu’en Israël, des Juifs farouchement opposés à l’orientation qu’a donné à son pays Benjamin Netanyahou. Tout comme il existe des Juifs pauvres, sans commune mesure avec ces financiers prétendument maîtres du monde, bêtes noires des antisémites de tout bord depuis deux siècles.

Faut-il cependant aller traquer la haine partout où elle est susceptible de s’exprimer ? Faut-il une loi de plus pour imposer l’éthique et la tolérance, quitte à réduire toujours plus la liberté d’expression en France? Les poncifs ont la vie dure et les interdits qui les frappent ne font souvent que les renforcer. Ceux qui veulent légiférer sur l’antisionisme ont beau jeu de dire que cette loi ne s’appliquera pas à une critique avisée de l’actuelle politique israélienne. Mais le partage ne sera pas toujours facile à faire entre une exigence de libre parole et un antisémitisme camouflé.

 

Jacques LUCCHESI