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25/02/2019

         Antisémitisme ou antisionisme ?

 

 

 

  Le problème était déjà sensible depuis quelques temps, avec des tags calomniateurs sur des vitrines de commerces parisiens, voire sur le portrait de Simone Veil. Mais l’agression verbale qu’a subi par Alain Finkielkraut, samedi dernier à Paris, en marge d’un défilé des Gilets jaunes, a précipité les choses. L’antisémitisme est réapparu dans toute sa virulence sur la place publique. On ne reviendra pas ici sur les mots odieux de ce salafiste –depuis interpellé – affublé d’un gilet jaune. Cela montre, si besoin était, la complexité de ce mouvement qui rassemble en son nom des personnalités et des revendications complètement hétérogènes. Cela montre aussi les moyens de contrôle, de plus en plus étendus, dont disposent les instances de pouvoir pour refaçonner la société actuelle. Du reste, on peut honnêtement se demander si ces injures, adressées à un citoyen ordinaire et anonyme, auraient déclenchées les mêmes poursuites pénales. Je n’en suis pas du tout certain ; mais il est juste que tous ceux qui ont l’insulte facile à l’encontre des Juifs comme des non-Juifs, sachent qu’ils peuvent écoper d’une amende conséquente, pour peu que la police prenne les plaignants au sérieux.

Un mot, cependant, fait débat depuis cet incident : c’est l’antisionisme. C’est d’ailleurs le mot « sioniste » que l’imprécateur a lancé, parmi d’autres amabilités, à la face de l’académicien consterné. Alain Finkielkraut est-il sioniste dans le sens historique du terme ? Je ne sais pas, mais il est certain qu’il a beaucoup écrit sur l’identité juive, la Shoah et l’attachement à Israël, non sans une bonne dose de sens critique. Néanmoins, je doute fort que ce soit dans le sens premier du mot « sioniste » - c'est-à-dire un partisan d’un état juif en Palestine -  que son agresseur l’ait employé. Je crois bien plutôt que c’était, dans sa bouche, un substitut du mot « juif », lequel est devenu interdit dans l’espace public surtout s’il est accompagné par l’adjectif « sale ». 

Dans son discours face aux représentants du CRIF, mercredi soir, Emmanuel Macron ne s’est pas trompé en présentant l’antisionisme « comme une des formes modernes de l’antisémitisme ». Les deux termes, pourtant, ne sont pas équivalents mais l’usage évolutif de la langue, la pression du contexte social, les ont fait, comme tant d’autres, dériver jusqu’à fusionner et faire ainsi de tout Juif un partisan de la politique – répressive et hyper militariste – d’Israël aujourd’hui sous la férule du Likoud. C’est évidemment réducteur car il existe, tant en France qu’en Israël, des Juifs farouchement opposés à l’orientation qu’a donné à son pays Benjamin Netanyahou. Tout comme il existe des Juifs pauvres, sans commune mesure avec ces financiers prétendument maîtres du monde, bêtes noires des antisémites de tout bord depuis deux siècles.

Faut-il cependant aller traquer la haine partout où elle est susceptible de s’exprimer ? Faut-il une loi de plus pour imposer l’éthique et la tolérance, quitte à réduire toujours plus la liberté d’expression en France? Les poncifs ont la vie dure et les interdits qui les frappent ne font souvent que les renforcer. Ceux qui veulent légiférer sur l’antisionisme ont beau jeu de dire que cette loi ne s’appliquera pas à une critique avisée de l’actuelle politique israélienne. Mais le partage ne sera pas toujours facile à faire entre une exigence de libre parole et un antisémitisme camouflé.

 

Jacques LUCCHESI   

19/01/2016

Bruissements (56)

 

Valls : parmi les nombreux hommages rendus, un an après, aux victimes des attentats de janvier 2015, on aura sans doute relevé un nouveau raccourci de Manuel Valls : « expliquer, c’est excuser. ». L’homme, nous le savons, s’est fait une spécialité des formules lapidaires, mais tout de même. Car, enfin, expliquer n’a jamais été synonyme d’excuser. Il faut, évidemment, éclairer en amont le contexte social et la genèse des crimes terroristes, ne serait-ce que pour mieux les prévenir. Mais une fois accomplis, il ne s’agit en rien d’excuser leurs auteurs – du moins ceux qui sont encore vivants -, tout au contraire. Reste à savoir exactement à qui s’adresse cette incise. A y regarder de plus près, on pourrait retrouver, parmi ses destinataires, les tenants d’une gauche laxiste, occultant volontiers la responsabilité individuelle derrière la responsabilité collective. A ceux-là, il faut rappeler que certains, parmi les victimes d’hier, sont devenus les bourreaux d’aujourd’hui et que, dans le présent merdier, on ne peut plus transiger. Sur ce point on peut compter sur Valls pour s’en charger. Mais de là à envoyer toute analyse à la poubelle…

Antisémitisme : on en sait un peu plus sur l’adolescent qui a agressé, avec une machette, un enseignant israélite, mercredi 12 janvier dans un lycée professionnel de Marseille. Il serait d’origine turco-kurde et vivrait avec sa famille depuis cinq ans en France. Paisible et bon élève jusqu’ici, il semble s’être radicalisé en visionnant des vidéos de Daesh sur Internet – c’est de cette organisation qu’il s’est froidement réclamé. Depuis, il a été déferré devant le juge anti-terroriste de Levallois-Perret et l’enquête suit son cours. On voit, avec ce triste exemple fourni par l’actualité, toute la nécessité d’une explication rationnelle. Cette nouvelle agression antisémite, qui fait suite à celle qui avait frappé un autre enseignant juif en novembre dernier, a mis la communauté israélite de Marseille en émoi. Svi Ammar, le président du Consistoire, a même conseillé à ses coreligionnaires de ne plus porter la kippa dans la rue. Attitude aussitôt dénoncée comme pusillanime par le Grand Rabbin de France et d’autres associations juives. Nous ne pouvons que leur donner raison. L’antisémitisme est, plus que jamais, un condensé de bêtise et d’intolérance et il ne faut rien céder aux quelques ignares qui s’en glorifient. Les combattre par tous les moyens est le devoir de tout Français, juif ou non.

Goodyear : neuf mois de prison ferme pour huit ex-salariés de Goodyear qui avaient, en janvier 2014, séquestré pendant trente heures deux dirigeants de l’usine de pneumatiques au bord de la fermeture. C’est le jugement particulièrement sévère qu’a rendu, mardi 12 janvier, le tribunal correctionnel d’Amiens – et cela malgré que les deux dirigeants aient retiré leurs plaintes. L’annonce de cette sanction a mis le monde syndical en ébullition ; car ces salariés ne voulaient que négocier une prime de départ pour eux et leurs collègues qui soit un peu plus élevée que celle proposée par la direction de l’usine. Depuis les proscrits ont fait appel de leur condamnation et la fédération PS du Nord a demandé à la Garde des Sceaux d’intervenir personnellement pour assouplir cette sanction. D’autre part, une pétition demandant sa révision circule sur le Net. Nous sommes nombreux à l’avoir déjà signée, mais ce n’est pas encore assez.

Calais : les juges ont été plus cléments avec Rob Lawrie, ce bénévole anglais « coupable » d’avoir fait passer en Angleterre une petite Afghane de 4 ans reléguée avec sa famille dans un campement de la « jungle de Calais ». Il risquait pour son acte imprudent cinq ans de prison et n’a écopé, au final, que d’une amende de 1000 euros avec sursis. A l’annonce du verdict, l’ancien militaire de 49 ans reconverti dans l’humanitaire s’est confondu en remerciements pour ses juges. Ceux-ci ont dû être sensibles à la beauté morale de son geste. Lui aussi a bénéficié d’une pétition de soutien qui a recueilli plus de 150 000 signatures.

Cologne : Réfugiés ou pas, de quelque religion qu’ils soient, les hommes restent des hommes – hélas, voudrait-on ajouter. Et certains, en situation de privation sexuelle, cèdent facilement à l’agression. C’est ce que l’on a vu, durant les fêtes de fin d’année, à Cologne où plusieurs centaines de femmes ont porté plainte pour des violences sexuelles diverses (viols, attouchements, insultes). Parmi les suspects interpellés par la police, on trouve vingt-deux réfugiés récemment entrés sur le territoire allemand. Voilà qui n’est pas bon pour l’immense majorité d’entre eux qui se tient tranquille. Ni pour Angela Merkel et sa politique d’accueil, elle qui doit faire face à la protestation de plus en plus forte des groupements xénophobes comme Pegida. A tel point que certains, dans la classe politique allemande, voient dans ces agressions sans précédent une forme de manipulation. Il est vrai qu’on n’est plus à l’époque des sabines et que les agresseurs sexuels agissent rarement de façon aussi massive. Comme si ce n’était pas assez, le Danemark a annoncé que des agressions sexuelles commises par des réfugiés durant les deux dernières années, avaient été cachées jusqu’ici par sa police. Il y a du scandale dans l’air…

Foie gras : Une qui aurait pu subir le même sort si elle n’avait pas été aussi bien escortée, c’est Pamela Anderson en visite, mardi 19 janvier, à l’Assemblée Nationale. La pulpeuse actrice canadienne, ex-icône de la série « Alerte à Malibu », était venue soutenir la proposition de loi contre le foie-gras de la députée écologiste Laurence Abeille. Sa brève apparition – une dizaine de minutes - a suscité une émeute chez les journalistes venus couvrir l’évènement : un peu comme à la grande époque de Brigitte Bardot, son idole. Quant aux députés, exceptionnellement nombreux ce jour-là, leurs réactions allèrent de l’indifférence feinte ou amusée à des remarques pleines de finesse comme « Pas de silicone dans mon foie-gras » ou « une oie pour défendre les oies ». Ce qui est certain à présent, c’est qu’on sait comment rendre l’écologie passionnante en France. Merci Pamela.


    

                         Erik PANIZZA

03/01/2014

Dieudonné antisémite

 


 

Ya-t’il, à l’heure actuelle, une réelle menace antisémite en France ? Autrement dit, est-ce que les propos grossièrement provocateurs de Dieudonné sur les Juifs pourraient générer des violences physiques sur des représentants de cette communauté ? Un naturel réflexe d’auto-défense la pousse à s’insurger contre toute parole qui pourrait remettre en cause le consensus républicain sur les horreurs du nazisme. Au risque de tomber à son tour dans des attitudes extrémistes et de donner ainsi gain de cause à ses contempteurs. S’il y a un homme en France qui prend à cœur ces questions, c’est bien Manuel Valls, lui qui a décidé de mettre tout en œuvre pour stopper la dynamique Dieudonné. Mais jusqu’où le ministre de l’intérieur peut-il aller trop loin ? Car s’il est juste de réclamer à « l’humoriste » le montant – plusieurs dizaines de milliers d’euros - des huit amendes infligées pour ses propos injurieux en vertu des lois qui condamnent l’expression du racisme et de l’antisémitisme, il est plus douteux, en revanche, de chercher à interdire la tenue de tous ses spectacles - en partie par crainte des réactions de ses adversaires. N’est-ce pas s’enfermer dans l’attitude paradoxale qui consiste à lui demander de payer ses dettes tout en l’empêchant de travailler ? N’est-ce pas encore la meilleure façon de le rendre sympathique aux yeux de tous ceux qu’agace de plus en plus l’idéologie dominante du politiquement correct et de la moralité imposée à coups de décrets ? Ceux-là ne partagent pas les idées nauséeuses de son infime public de base, mais s’inquiètent à juste titre des limitations, de plus en plus fréquentes, à la liberté d’expression dans ce pays. Ils sont encore les plus nombreux, heureusement, et ce sont bien eux que Dieudonné cherche à séduire, notamment en prenant la pose du martyr, habile retournement de l’agresseur en agressé. Au-delà de sa haine proclamée des Juifs et des tristes pitreries qu’elle lui inspire, c’est l’ensemble du système démocratique actuel qu’il cherche à atteindre, quitte à assumer d’en être la « bête noire ». Même nourri par des rancoeurs personnelles, son antisémitisme n’a rien à voir avec celui de ses célèbres aînés – à commencer par Hitler lui-même. Le Juif, pour Dieudonné, n’est pas tant un sous-homme que celui qui façonne le discours officiel sur l’Histoire; celui qui empêche, par le rappel incessant du génocide subi, les autres minorités opprimées de faire reconnaître leurs propres souffrances. Cette situation, parfaitement moderne, s’appelle la concurrence victimaire. Et Dieudonné M’bala M’bala, Français d’origine camérounaise donc descendant de colonisés, en est présentement le plus remuant produit, par là le leader désigné de tous ceux qui ruminent dans l’ombre.

 

 

                       Jacques LUCCHESI