31/01/2008
Les tendances politiques à l'aune des neurosciences
Se peut-il que nos choix politiques résultent, au moins en partie, de nos différentes formes de fonctionnement cérébral ? C’est ce que David Amodio, professeur de psychologie sociale à la très sérieuse Université de New-York, a tenté de démontrer, le 29 octobre dernier. Pour cela, il a demandé à un panel d’étudiants, choisis pour leurs tendances politiques opposées, de se placer devant un écran d’ordinateur et de taper sur le clavier chaque fois que la lettre « M » apparaissait. En revanche, ils devaient s’en abstenir lorsque c’était un « W » - dont la graphie est, évidemment, celle du M mais à l’envers- qui s’affichait. Au final, ce test a fait ressortir la plus grande réactivité des étudiants de sensibilité démocrate (la gauche, aux USA) par rapport à leurs collègues républicains. Peut-on déduire, à partir de là, que les enfants vifs et extravertis deviendront plus tard des électeurs démocrates, tandis que ceux, plus lents ou franchement introvertis, iront rejoindre les rangs républicains ? Rien n’est moins certain, tellement les influences sociales sont nombreuses en cours de vie. Et c’est sans même parler des croisements possibles, comme des hommes de droite ayant un comportement de gauche. Aussi stimulante soit-elle, cette approche a, manifestement, un caractère réducteur, sinon partisan. Elle pose toutefois les conditions scientifiques d’un débat citoyen sur ce sujet sensible et c’est encore son plus grand mérite.
Jacques Lucchesi
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06/12/2007
La justice selon Rachida Dati
Le 23 septembre dernier, Rachida Dati était l'invitée de l'émission "Zone interdite" (sur M6) qui consacrait son dossier aux prisons françaises. C'est, nous le savons, un chantier particulièrement urgent auquel l'actuelle Garde des Sceaux entend apporter des réponses concrètes. Interrogée par la présentatrice sur sa conception des réformes juridictionnelles, la ministre lacha tout de go"La justice est là pour protéger.". Voilà, à priori, une affirmation qui a de quoi surprendre. La médecine et les services sociaux ont, indéniablement, pour mission de protéger la vie humaine. Même la police, du moins dans son aspect diurne, a pour tâche assignée la protection des citoyens. Mais la justice? N'a-t'elle pas pour vocation de juger des crimes et des délits? De déterminer et de faire appliquer des peines proportionnelles aux dommages causés? Certes et pourtant, à bien y réfléchir, il y a une vérité dans l'assertion ministérielle. Oui, la justice a pour but, également, de protéger le citoyen contre les abus du politique. Encore faut-il qu'elle puisse exercer sa mission en toute indépendance ! Qu'elle ne soit pas incitée secrètement à protéger le pouvoir en place. Ce qui est, aprés tout, une autre conception protectrice de la justice.
Erik PANIZZA
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02/10/2007
Maître es fraude
Il y a, en tout être humain, un besoin de reconnaissance qui cherche tôt ou tard à se manifester. Cela est tout à fait louable lorsque c’est par des actes et des créations qui tendent à améliorer le niveau général. Mais les voies de la notoriété sont de plus en plus tortueuses et force est de constater que les errements, sinon les turpitudes, en sont devenus les principaux moyens. C’est qu’en nôtre époque, on a la plus grande difficulté à garder un secret. Normal, puisque c’est ce dont le peuple raffole, ce avec quoi une certaine presse lui bourre le mou à longueur de semaines. Après les bourreaux, les terroristes repentis et les putes fouetteuses, voici venu le tour des fraudeurs. C’est ainsi qu’un certain Thierry F. – chômeur professionnel depuis 24 ans, comme il aime à se présenter – a décidé de révéler les clés de son succès dans un livre paru, voici quelque mois, chez Albin Michel. Les recettes qu’il propose ne sont pas très originales pour qui a un peu d’intuition. Mais l’impertinence de son sujet lui a valu une certaine publicité et quelques invitations dans des émissions de télé-réalité (où il a d’ailleurs pris soin de ne pas se montrer de face, des fois où un agent de l’ASSEDIC viendrait à le reconnaître). Dans un monde où le travail génère de plus en plus d’accidents professionnels et de suicides, où la rentabilité est devenue son critère principal (à l’exclusion de tous les autres), les esprits lucides se garderont bien de stigmatiser son ingénieuse paresse. En revanche, ils ne peuvent que blâmer l’inconséquence qui consiste à la rendre publique. Outre qu’il scie ainsi la branche sur laquelle il est assis – après tout, c’est son problème -, il ne peut que faire du tort aux nombreux demandeurs d’emploi contraints, comme lui, à vivre d’allocations. Dans le contexte actuel, il donne du grain à moudre à tous les beaufs qui pensent que les chômeurs sont des profiteurs. Ceux-là, on le sait bien, se désolidariseraient volontiers avec cette partie de la population française, d’autant plus que le pouvoir actuel abonde en leur sens. A défaut, ils pourront toujours les désigner comme l’une des causes du déclin national : on a toujours besoin de boucs-émissaires chez soi. Thierry F. peut être fier de lui. Loin de faire des émules, il risque d’accroître, avec ses astuces, des rancoeurs et des divisions sociales déjà sensibles. Mais que ne ferait-on pas pour un quart d’heure de « célébrité » ?
Eric PANIZZA
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