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02/10/2007

Maître es fraude

Il y a, en tout être humain, un besoin de reconnaissance qui cherche tôt ou tard à se manifester. Cela est tout à fait louable lorsque c’est par des actes et des créations qui tendent à améliorer le niveau général. Mais les voies de la notoriété sont de plus en plus tortueuses et force est de constater que les errements, sinon les turpitudes, en sont devenus les principaux moyens. C’est qu’en nôtre époque, on a la plus grande difficulté à garder un secret. Normal, puisque c’est ce dont le peuple raffole, ce avec quoi une certaine presse lui bourre le mou à longueur de semaines. Après les bourreaux, les terroristes repentis et les putes fouetteuses, voici venu le tour des fraudeurs. C’est ainsi qu’un certain Thierry F. – chômeur professionnel depuis 24 ans, comme il aime à se présenter – a décidé de révéler les clés de son succès dans un livre paru, voici quelque mois, chez Albin Michel. Les recettes qu’il propose ne sont pas très originales pour qui a un peu d’intuition. Mais l’impertinence de son sujet lui a valu une certaine publicité et quelques invitations dans des émissions de télé-réalité (où il a d’ailleurs pris soin de ne pas se montrer de face, des fois où un agent de l’ASSEDIC viendrait à le reconnaître). Dans un monde où le travail génère de plus en plus d’accidents professionnels et de suicides, où la rentabilité est devenue son critère principal (à l’exclusion de tous les autres), les esprits lucides se garderont bien de stigmatiser son ingénieuse paresse. En revanche, ils ne peuvent que blâmer l’inconséquence qui consiste à la rendre publique. Outre qu’il scie ainsi la branche sur laquelle il est assis – après tout, c’est son problème -, il ne peut que faire du tort aux nombreux demandeurs d’emploi contraints, comme lui, à vivre d’allocations. Dans le contexte actuel, il donne du grain à moudre à tous les beaufs qui pensent que les chômeurs sont des profiteurs. Ceux-là, on le sait bien, se désolidariseraient volontiers avec cette partie de la population française, d’autant plus que le pouvoir actuel abonde en leur sens. A défaut, ils pourront toujours les désigner comme l’une des causes du déclin national : on a toujours besoin de boucs-émissaires chez soi. Thierry F. peut être fier de lui. Loin de faire des émules, il risque d’accroître, avec ses astuces, des rancoeurs et des divisions sociales déjà sensibles. Mais que ne ferait-on pas pour un quart d’heure de « célébrité » ?


Eric PANIZZA

11:51 Publié dans Numéro 4 | Lien permanent | Commentaires (0)

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