Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

19/04/2010

A propos du DARD


Dans l’effervescence politique de ce printemps 2010, la création du DARD par l’animateur-vedette Patrick Sébastien n’est pas passé inaperçue. Qu’est-ce que le DARD ? Sous cet acronyme « scorpionesque » se cache le projet d’un mouvement pour le Droit Au Respect et à la Dignité. Noble et juste cause dans la France d’aujourd’hui : celle des licenciés économiques, des mal-logés et des victimes de gardes à vue abusives. Pas un nouveau parti politique – à l’instar de celui fondé, à peu près dans le même temps, par Dominique de Villepin -, mais un mouvement de conscience qui, de l’aveu même de son fondateur, ne brigue aucun pouvoir, sinon celui d’être un correctif dans le jeu politique actuel. Il s’agit pour lui, en toute neutralité, de rappeler aux uns et aux autres élus ce qu’ils doivent à leurs électeurs – le citoyen français lambda – et, peut-être, d’ inciter nos dirigeants à respecter davantage leurs promesses électorales. Bref, d’être un aiguillon vers l’idéal républicain : qui s’en plaindra ?

Des questions, cependant, surgissent rapidement. D’abord, on peut à bon droit se demander pourquoi des personnalités du show-business éprouvent, à un moment donné, le désir de sortir de leur pré carré et d’intervenir dans le champ politique. Est-ce la popularité acquise sur les plateaux de télévision qui leur fait s’imaginer un destin de leader au plan national ? Est-ce le sentiment – ou le dépit – de ne pas être suffisamment dans la réalité qui les pousse vers l’arène politique ? Dans ce cas, on pourrait pointer leur propre demande à être davantage prises au sérieux. S’interroger ensuite sur le devenir de pareilles initiatives est également pertinent. Quelle forme, au-delà de l’effet d’annonce, pourrait prendre le DARD dans la configuration socio-politique actuelle ? Donnera t’il, ou pas, des consignes de vote quand ses adhérents seront appelés aux urnes ? Pourra-t’il vraiment rester impartial lorsque les pressions et autres sollicitations s’exerceront sur lui ? Car il y en aura, surtout s’il prend de l’ampleur.

La presse, évidemment, n’a pas manqué de rapprocher le projet de Patrick Sébastien avec celui – canularesque – de Coluche, lors des élections présidentielles de 1981. Entre eux, pourtant, la différence est considérable. Le « programme » du candidat Coluche s’adressait, avant tout, aux hommes politiques eux-mêmes, par l’expression d’un ras-le-bol généralisé. Pour cela, Coluche comptait sur tous les marginaux de la société française d’alors (« les fainéants, les drogués, les pédés », etc). Il se présentait comme leur porte-parole, réinventant à sa manière l’esprit de l’ancien carnaval. On sait comment sa farce s’est terminée : par son soutien à la Gauche puis par ce geste, véritablement éthique, que fut la création, quelques années plus tard, des Restos du cœur. Plus prudent que son aîné, Patrick Sébastien n’entend pas, avec le DARD, faire rire une fois de plus, et surtout pas à ses dépens. L’époque a changé. Lui ne s’adresse pas aux exclus de tout poil mais bien à la majorité silencieuse –ces abstentionnistes dont le silence réprobateur résonne encore dans nos bureaux de vote. Il se situe d’emblée dans la sphère éthique, croyant avoir compris les raisons de leur lassitude. En cela, il reflète l’air du temps et l’aspiration supposée des Français à un retour aux vraies valeurs ; ces valeurs que Coluche n’a pas cessé de railler… Reste à savoir si tous ceux qui ne votent plus verront dans son projet sans perspective électorale une raison de croire encore au sérieux de la politique et de ses acteurs.

Bruno DA CAPO

18/03/2010

Jean Ferrat: l'hommage de la France à un homme de coeur






Jean Ferrat lui-même ne l’aurait pas cru : communiqués en boucle annonçant son décès, samedi 13 mars, rediffusions d’émissions de télévision et d’enregistrements radiophoniques, montage d’archives en prime time. Quant aux hommes politiques – à commencer par Nicolas Sarkozy -, chacun y est allé de son hommage au chanteur disparu à 79 ans. Pour peu, on lui aurait fait des funérailles nationales. Bref, c’est une avalanche d’éloges, comme on n’en avait pas vu depuis longtemps pour une personnalité artistique française. Est-ce à dire que tout cela n’est pas mérité ? Certes non. Jean Ferrat fut et restera l’un de nos grands chanteurs populaires, à l’instar de Trenet, Brel, Brassens, Ferré, Bécaud et Nougaro. Il a écrit et interprété quelques chansons admirables - comme « Nuit et brouillard » ou « Ma France » - qui sont encore dans bien des mémoires. Il y aussi sa voix, grave, limpide, mélodieuse, aux accents colorés par la colère, l’ironie ou l’émotion amoureuse. Autant de qualités qui font l’unanimité, alors même que l’homme n’a jamais cherché, sa vie durant, le consensus, affichant dès le début de sa carrière ses convictions politiques, attaquant dans ses chansons des personnalités (comme Jean d’Ormesson) et, d’une façon générale, les travers de la société moderne. La censure des médias ne l’a pas épargné ; quant aux paillettes du show-biz, on sait qu’il leur a rapidement préféré la vie paisible de l’Ardèche. Tout cela aurait dû lui garantir une discrétion post-mortem certaine. Point du tout, et c’est bien là le paradoxe. A y réfléchir, cependant, une explication se dégage. Dans cette France essoufflée et frileuse, dans ce pays déboussolé, avec ses valeurs morales, politiques et esthétiques anesthésiées par les valeurs économiques, Jean Ferrat représentait l’exception, celle de l’artiste sincère et de l’homme resté fidèle à ses engagements. Si le succès l’a troublé, ce fut pour le pousser à une longue retraite ; retraite qui n’excluait ni les plaisirs de la vie ni l’observation attentive du monde. Et c’est aujourd’hui cette intégrité jamais prise en défaut que l’on salue, tout autant que son talent de poète et de chanteur. Peut-être d’une manière trop ostentatoire, plus que Ferrat le modeste, l’intransigeant, le sage, ne l’aurait sans doute souhaité.


Jacques LUCCHESI

17/03/2010

la gauche toutou





Les électeurs français qui se sont, comme moi, intéressé à ces Régionales - malgré ce sacré soleil printanier qui a empêché les autres d’aller voter- ont peut-être remarqué, sur les bulletins de l’UMP, les petites formations (en encadré) qui soutenaient, si j’ose dire, leur champion. Parmi elles, on trouve notamment la discrète Gauche Moderne. Si, si, vous avez bien lu : un parti de gauche qui soutient ouvertement le parti présidentiel. Voilà de quoi ajouter à la confusion des valeurs, au brouillage des frontières politiques - exercice dans lequel Nicolas Sarkozy est passé maître. Ce rejeton de sa fameuse politique d’ouverture est d’ailleurs né en 2007, fondé par Jean-Marie Bockel (un ex-socialiste, lui aussi). A l’heure actuelle, il compterait 1500 adhérents, un sénateur (d’outre-mer, mais quand même) et deux députés européens : ce n’est pas si mal, en seulement trois années d’existence. La Gauche Moderne se revendique ouvertement du « blairisme » et se targue d’être sociale-libérale. Ici, on se veut à l’écoute des résultats politiques et de la demande sociale ; on défend une approche pragmatiste et une économie de marché solidaire. Bref, comme disait ma grand-mère, on cherche à ménager la chèvre et le chou. Misère du centrisme.
Tout cela pourrait prêter à sourire si ce petit parti, prétendument de gauche, n’avait reçu, en 2008, la modique somme de 100 000 euros. Un joli cadeau de baptême dont le parrain n’est autre – vous l’avez deviné – que l’UMP. Evidemment, on comprend mieux, après cela, que la Gauche Moderne roule pour « Sarko ». C’est aussi une belle leçon d’anti-indépendance politique qui nous est donné avec elle. Ah ! Comme la vie serait plus facile, pour notre cher Super-Président, si l’ensemble des forces de gauche était aussi manipulable, aussi docile que celle-là. Si la gauche – la vraie - cessait d’aboyer chaque fois qu’il avance une petite réforme pour la France, si elle voulait bien se rénover et convenir qu’il faut, à présent, dépasser les vieux schémas oppositionnels en politique. Pour travailler, tous unis sous sa royale férule, à l’avenir du pays, de l’Europe, de la planète… Si tel était le cas, la Gauche Moderne pourrait être un grand parti avant-gardiste. Au lieu de n’être que ce qu’elle est aujourd’hui : une illusion de pluralisme, une officine de l’UMP. Comme le disait, naguère, une publicité bien connue : «ça ressemble à de l’alcool mais ce n’est pas de l’alcool. »
(«Allez, ça suffit ! A la niche, maintenant ! »)


Erik PANIZZA