10/10/2009
la carotte et le bâton
Pour gouverner les peuples, les dirigeants de toutes les époques ont toujours joué sur deux ressorts psychologiques universels : la crainte et la récompense, le bâton et la carotte. Certains usaient (et usent encore) beaucoup du bâton, d’autres un peu moins – démocratie oblige -. Mais tous continuent d’agiter la carotte pour séduire et faire avancer le bétail humain. Pour républicain qu’il soit, notre actuel gouvernement emploie les mêmes procédés. La nouveauté est qu’il les applique maintenant dès l’école. Les nouvelles générations d’élèves sont, manifestement, peu entrainées à l’effort. La faute en incombe, pour beaucoup, au marché et à ses gadgets qui détournent une grande partie de leur attention. La quête de l’excellence, avec les marques académiques du succès, ne les motive plus guère. Dans le contexte actuel, faire de brillantes études n’est plus l’assurance d’une vie professionnelle réussie, tant la concurrence est rude. C’est, au mieux, un acquis pour une meilleure insertion, d’ailleurs pas forcément dans la filière choisie. A l’inverse, rater sa scolarité n’est pas vécu comme un drame, vu que c’est dur pour tout le monde. Dans ce cas, l’esprit de débrouillardise viendra suppléer à l’instruction écourtée. On sait à quelles impasses ces raccourcis peuvent mener…Bref, les élèves ont tous de bonnes raisons de ne pas se prendre la tête, pour employer une expression de leur cru. Dans ces conditions, pourquoi ne pas leur faire miroiter de petits bonus qui stimuleraient leur assiduité? C’est ce que Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives, a proposé d’expérimenter dans le secondaire. Certes, ce n’est pas très moral, ça en dit même long sur l’abaissement général, mais là aussi, la fin justifie les moyens. Après tout, bien des familles, par le passé, pratiquaient cette tactique, offrant un cyclomoteur ou une voiture à leurs rejetons lorsqu’ils étaient reçus bacheliers. Pour les uns, la carotte prendrait ainsi l’allure d’une cagnotte collective, pour d’autres des places gratuites à des matches de foot (les possibilités de gratifications ne sont pas closes). La proposition de Martin Hirsch vient même à point nommé. Car après toute une série de mesures répressives pour faire régner l’ordre dans les collèges et leurs abords, on ne pouvait pas encore donner du bâton dans les chaumières. Imagine t’on quelles protestations et quelle impopularité aurait entrainé, dans tout le pays, l’imposition de pénalités financières frappant les élèves – et donc leurs parents – les plus indisciplinés ? La recherche du bien public a quand même ses limites.
Notez bien qu’il y a encore mieux que l’argent ou le foot pour inciter des adolescents turbulents à venir en classe et à suivre plus attentivement le programme. Pourquoi ne pas aller au bout de cette logique hédoniste et leur offrir, en cas de bons résultats, quelques délicieux moments avec des créatures féminines de leur choix ? Le « deal » n’est pas nouveau : rappelons-nous, voici un siècle, qu’il n’était pas rare que les pères emmènent leurs fils au bordel lorsqu’ils arrivaient à l’âge de ces jeux intimes. Je veux bien parier que cette proposition, dûment transformée en loi effective, ferait rapidement monter le niveau scolaire général. Sommes-nous devenus si puritains en France pour ne pas y penser un peu ? Ce serait, dans ce cas, vraiment un signe de rupture avec nos vieilles frilosités.
Austin Power
10:33 Publié dans Numéro 4 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : carotte, bâton, assiduité, hirsch
11/08/2009
la Redoute se met à la page
Naguère la Redoute éditait un catalogue de ventes par correspondance qui était une véritable institution pour les familles françaises. De l'habillement à l'électro-ménager, tout vantait dans ces pages un idéal de bien-être corporel et de confort domestique, sans que le bon goût et la sacro-sainte morale puissent y trouver à redire. Certes, il y avait bien quelques jolies filles qui posaient en sous-vêtements; mais c'était à des fins promotionnelles et de manière tellement sage qu'il fallait avoir vraiment l'esprit mal tourné pour y voir une quelconque incitation à la débauche.
Las! Les temps ont changé. Les temps ou plutôt les demandes des consommateurs, plus libres vis à vis de certaines pratiques. J'en veux pour preuve le catalogue d'automne-hiver 2009-2010 qui vient juste d'arriver dans nos boites à lettres.Oh! Ne vous attendez pas à y trouver de grands bouleversements. On y retrouve même toutes les composantes, toutes les catégories d'articles ménagers qui font son succès depuis des décennies. Toutes plus une, précisément, qui donne une saveur particulière à cette nouvelle édition. C'est ainsi que, page 405, dans la mince partie consacrée aux soins du corps, on trouve, entre le bain à bulles, le sauna facial et le solarium, un encart pudiquement intitulé "massage et intimité". Sans qu'aucun des gadgets présentés ne soit nommé explicitement, c'est néanmoins toute une gamme de sex-toys qui est proposée au bonheur des dames. Si l'on excepte les traditionnelles boules japonaises (rebaptisées "smartballs"), ce sont des vibro-masseurs de différentes tailles et couleurs qui affichent ici leur image délicatement phallique. Notez bien que les libéllés qui les accompagnent sont des modèles de neutralité commerciale. Ainsi le fameux "Cry baby" -tout un programme!- :
"Audacieux, Cry Baby, le petit masseur sans fil qui se pilote à distance, en toute discrétion. 59,99 euros".
Une invitation à peine voilée à la masturbation dans ce bottin du goût familial! Un godemiché - n'ayons pas peur des mots - dans le paquet de la mènagère! A défaut de nous choquer, cela a de quoi nous faire sourire. Et de nous interroger aussi. Y aurait-il tant de femmes sexuellement en manque dans ce pays? A moins que la masturbation ne soit plus désormais un succédané du coït mais un complément érotique, pratique banalisée, enfin déculpabilisée à laquelle toute femme pourrait s'adonner seule ou avec un partenaire? Dans ce cas, on pourrait penser que les leçons de Georg Groddeck et de Wilhem Reich ont fini par faire leur chemin dans les esprits. Sous un autre angle, on peut y voir l'ultime avancée de l'individualisme contemporain, le sex-toy offrant à qui l'utilise une meilleure adaptation à la solitude, donc un degré supplémentaire d'autarcie. En l'occurence, le problème est aussi d'ordre économique. Alors que se développent un peu partout les boutique de porno chic et les réunions à domicile pour plaçer ces modernes instruments du plaisir, un groupe comme la Redoute aurait bien tort de ne pas prendre le train en marche et d'essayer de profiter de cette manne (qui n'est peut-être, comme toutes les modes, que passagère). D'où cet encart discret mais significatif.
Une remarque pour terminer: pourquoi les hommes sont-ils les oubliés de ce marché? La Redoute n'a t'elle rien à leur proposer pour pimenter leurs soirées? Elle qui, avec ses sylphides en culottes et en soutien-gorges, a alimenté leurs fantasmes depuis un demi-siècle, pourrait peut-être innover en ce domaine? Et leur proposer - pourquoi pas? - dans un prochain catalogue des poupées grandeur nature parées de lingerie maison; des poupées à l'effigie des filles de la Redoute.
Austin Power
13:44 Publié dans Numéro 4 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : redoute, sous-vêtements, sex-toys, sylphides
08/08/2009
Bonnes vacances
Ah, cette soirée du 14 juillet sur France 2! Pour la circonstance, Michel Drucker avait décidé de faire parler "la grande
muette". Un sacré coup de pub pour notre défense nationale. Allons enfants...Entouré de quelques "pipoles", comme il se
doit, dont l'ineffable Arielle qui poussa, pleine d'aise, quelques arias pour les beaux militaires invités. De temps à autre, il
faut bien redorer le blason de nos héros fatigués. Fatigués un peu comme cet adjudant de Carpiane qui entreprit, huit jours
plus tard, de faire des exercices de tir par grand vent. Mais ceci est une autre histoire. Bref, on aura au moins appris le
maniement nocturne du fusil infra-rouge, dernier-né de notre technologie militaire. ça peut servir, certaines nuits, contre les
chats en rut de la voisine.
Mais le clou du spectacle, c'était bien sûr l'interview finale du Président, chef des armées selon notre Constitution, par
l'indéracinable présentateur. Je veux bien croire que Drucker, sous ses dehors policés de gendre idéal, est parfois un
pince-sans-rire. Presque malgré lui. J'en veux pour preuve les trois questions qu'il posa successivement à sa Sommité
républicaine:
" Monsieur le Président, que diriez-vous aux Français qui prennent des vacances?"
"Profitez-en bien, mes chers concitoyens. Vous les avez largement mérité, ces vacances, avec la crise que nous
subissons depuis neuf mois, mais que nous allons bientôt surmonter, etc..."
" Monsieur le Président, que diriez-vous aux Français qui ne partent pas en vacances?"
(là, l'expression de Sarkozy devient soudain perplexe)
" Euh...Nous avons créé le RSA et nous mettons tout en oeuvre pour lutter contre le chômage..."
( On lui parle vacances, il répond travail: pas mal dans le genre "décalé". Mais le bon Drucker, loin d'enfoncer le clou,
passe vite à une question plus plaisante)
" Et vous, monsieur le Président, où allez-vous, cet été, passer vos vacances?"
( Décrispation et grand sourire de Sarkozy, visiblement heureux d'être ramené sur un terrain qu'il connait bien mieux)
" Eh bien, avec Carla, mon épouse, nous allons passer deux semaines dans la résidence de mes beaux-parents, au
Lavandou..."
On imagine facilement ce tableau idyllique. Comme ça, tous ceux qui ne peuvent pas partir en vacances pourront toujours
rêver sur les siennes par la médiation de "Voici" ou de "Gala". Français, encore un effort...pour devenir châtelains.
Erik PANIZZA
11:06 Publié dans Numéro 4 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : drucker, armée, président, vacances