02/10/2007
cinéma: "Sicko" de Michael Moore
Un jour ou l’autre, c’est certain, on regardera les films de Michael Moore comme autant d’essais de philosophie morale. De ce point de vue, « Sicko », son dernier documentaire, ne fait pas exception à sa méthode. Après avoir brocardé le lobby des armes à feu (« Goodbye for Colombine ») et la propagande belliqueuse du gouvernement Bush (« September Nine Eleven », Palme d’or à Cannes en 2005), il dénonce avec « Sicko » - plausible clin d’œil au « Psycho » d’Hitchcock – les lacunes du système de santé américain. Et le portrait qu’il nous en dresse, à travers une succession de rencontres, est à proprement parler effrayant. C’est, en effet, le seul pays occidental où l’on peut mourir devant un hôpital s’il n’est pas homologué par votre société d’assurance ; le seul pays qui refuse à des patients gravement atteints des opérations chirurgicales au motif qu’elles excèdent leur participation d’assuré ; le seul où l’on peut refuser de vous assurer parce que vous avez omis de signaler, dans vos antécédents médicaux, une mycose… Ici, la santé a un prix exorbitant et des fortunes colossales se bâtissent ainsi sur la misère du plus grand nombre. Encore faut-il noter que ces mesures sordides concernent les 250 millions d’Américains qui ont souscrit à une assurance santé. Car 50 millions d’entre eux en sont exclus, faute de moyens, et mieux vaut, dans leur cas, ne pas avoir un accident du travail : ils pourraient bien devoir choisir de sauver tel doigt plutôt que tel autre si son remplacement est meilleur marché. Evidemment, la politique a une responsabilité majeure dans ce sinistre tableau. Face aux Républicains favorables à la non-intervention de l’Etat dans les affaires de la santé, des Démocrates, comme Hilary Clinton, ont tenté de promouvoir une approche plus solidaire : en vain jusqu’à présent…Alors quelle solution reste-t’il aux Américains pauvres ? Aller se faire soigner au Canada où – comme en Angleterre et en France – la gratuité des soins est totale. Ou, pourquoi pas, dans cette île du Diable qu’est Cuba mais où les gens – économie socialiste oblige – n’ont quasiment rien à débourser pour leur santé. Un comble pour ces pompiers héroïques qui ont perdu la leur après les attentats du 11 septembre ! Surtout lorsqu’on sait qu’à Guantanamo, les prisonniers politiques, aussi humiliés soient-ils, ont quand même droit à une prise en charge médicale totale. Si l’Amérique fait encore rêver, ce ne sont certainement pas ceux qui vivent sur son territoire. Avec son humour habituel Moore s’attache à critiquer le système violemment injuste qui est celui de son pays. Oui, la solidarité sociale est possible et, comme il le dit dans les derniers plans de son film, « Si ça marche en France, pourquoi ça ne marcherait pas aux USA ? » Bel exemple d’interpénétration culturelle ! Mais la réciproque est-elle vraie ? Tous ceux qui, aujourd’hui, pensent que ce qui marche aux USA pourrait aussi marcher en France risquent fort d’importer le pire et de déconstruire un système de protection sociale parmi les plus élaborés au monde.
Rob WOODWARD
11:47 Publié dans Numéro 4 | Lien permanent | Commentaires (0)
dernières nouvelles du front
Jusqu’où ira Nicolas Sarkozy ? Après avoir clairement affiché ses accointances avec le monde de l’argent ; après avoir, au motif d’ouverture, dévoyé quelques-unes des plus importantes personnalités socialistes et chloroformé toute opposition ; après être intervenu à peu près sur tout en lieu et place de ses ministres, voilà qu’il cherche à appliquer ce même mode de fonctionnement à l’Europe. Par ses visites répétées aux différents chefs d’état étrangers, on sent bien qu’il cherche à se positionner comme le leader tacite de la communauté européenne. « Tout passera par moi, là aussi. » Semble-t’il dire aux médias d’ores et déjà à sa botte. Ce volontarisme – ou cette agitation – est loin, cependant, de faire l’unanimité. A commencer par l’Allemagne où sa préférence nationale et son jeu de cavalier seul agace plus d’un responsable politique. Il faut lire le dossier que lui consacrait, voici quelques semaines, « Le Courrier International » pour comprendre comment notre nouveau Bonaparte est perçu par la presse européenne. Ainsi, selon Michael Kläsgen, du Süddeutsche Zeitung : « La politique de Sarkozy n’est ni prévoyante ni judicieuse. C’est une politique de l’esbrouffe. ». Pour le Financial Time : « La France a besoin d’un président actif, pas d’un agité. » Quant aux caricatures dont il fait l’objet, elles ne sont pas moins édifiantes. Voilà qui nous change un peu des couvertures obséquieuses de «L’Express » et du « Point ».
Un gamin est enlevé par un pervers, Sarkozy reçoit sa famille à l’Elysée. Un marin-pêcheur décède accidentellement, Sarkozy assiste à ses funérailles. Mais quelle inquiétude profonde le pousse à s’afficher avec des gens du peuple à la moindre occasion, comme pourrait le faire un maire de quartier ? Devenu président de la République, il continue à se comporter comme un candidat en campagne. Pense-t’il renouveler sa fonction, alors qu’il la dévalorise, du moins aux regards des institutions ? Qu’importe tant que la télé assure le relais dans les chaumières ! Sarkozy ou la séduction permanente.
En matière de rodomontade, le nec plus ultra reste quand même sa déclaration belliqueuse vis-à-vis de l’Iran, lors de son discours de politique générale, lundi 27 août dernier. Il fallait quand même oser menacer de bombardement un état indépendant pour peu qu’il poursuive ses recherches nucléaires. Notons au passage que cet effet de dissuasion ne fut que très discrètement commenté dans la presse des jours suivants. En outre, il s’accommodait très bien du « je », cette première personne du singulier qui semble être désormais le seul mode de conjugaison employé par Sarkozy lorsqu’il parle au nom de la France. Cette particularité est d’ailleurs plus révélatrice – ou plus problématique – que son parti-pris affirmé en faveur des USA et d’Israël. On sait qu’il a été l’un des rares hommes politiques français à approuver l’attaque américaine contre l’Irak en 2003. Et qu’à multiplier les visites amicales à G.W. Bush, il peut se penser comme son émule français, voire européen. Car, pour revenir à sa fameuse déclaration, il faut se demander en quoi le programme atomique iranien constitue une menace pour la France ? L’Iran n’a pas, jusqu’à preuve du contraire, envisagé d’attaquer la France et, par conséquent, les propos de Sarkozy sont excessifs, même dans le cadre d’une alliance géo-politique. Ils trouvent cependant leur justification à un autre niveau : celui, tout personnel encore une fois, de s’affirmer comme le nouvel homme fort sur la scène internationale et de profiter de cet aura auprès des autres nations. Un aura acquis, à vrai dire, par un coup de bluff ; car on voit mal comment notre président-général pourrait mettre sa parole à exécution sans soulever contre lui une levée de boucliers, tant à l’intérieur de la France qu’à l’extérieur de nos frontières, en particulier dans les pays arabes? Certes, il aurait à coup sûr le soutien américain – du moins, celui du gouvernement Bush - : et puis après ? Imagine-t’on les conséquences désastreuses d’un tel acte d’agression pour notre pays et sa politique étrangère (déjà plutôt malmenée par le transfuge Bernard Kouchner) ? Elle engendrerait forcément une riposte terroriste de grande ampleur sur notre territoire. Est-ce que c’est cette abomination que veut susciter Sarkozy par ses propos de matamore ? Evidemment, un attentat sur le sol français lui donnerait encore raison de durcir sa politique sécuritaire. Et s’il venait à être déjoué, il pourrait pavoiser en insistant sur la qualité de ses R.G. et de sa police. Il faut, là aussi, se poser cette sempiternelle question : à qui profite le crime ?
Depuis, la crise s’est accentuée et Kouchner (dont on ne sait plus trop pour qui il parle) a proclamé l’état de guerre imminente, invitant les grandes entreprises françaises à cesser tout échange avec l’Iran. Voilà qui a même fait sourire Mamhoud Ahmadinejad. Le plus drôle dans tout cela, c’est que ce sont les USA qui cherchent, cette fois, à calmer le va-t’en-guerre français, proposant avant toute escalade militaire le recours aux bonnes vieilles sanctions économiques. En quoi ils ont été relayés par François Fillon qui commence à s’affirmer, au moins comme modérateur. Sarkozy au secours de Bush : quelle belle pantomime!
Mais parlons un peu des trois drôles de dames de Sarkozy. Il y a quelque chose de pathétique dans le combat contre les magistrats – sinon contre les lois mêmes de la République - que mène Rachida Dati pour s’affirmer comme Garde des Sceaux. Pathétique et inquiétant : car il y a chez elle un désir de pouvoir sans concession qui la rapproche étonnamment – faut-il le dire ?- du président qui l’a nommée à ce poste important. Qui s’assemble se ressemble. C’est le même besoin de reconnaissance – ou de revanche – qui caractérise Rama Yade dans son rôle de secrétaire d’état à la francophonie. Ce qui l’entraîne à sortir, à la moindre occasion, du cadre de ses (discrètes) attributions. Et cela aboutit à sa ridicule intervention en faveur des clandestins d’Aubervilliers. C’est ce qu’on appelle tirer contre son camp. Qu’importe, puisqu’elle a montré qu’elle savait prendre des initiatives en solo, comme une grande. Des trois, Fadela Amara est certainement la plus indépendante et la plus lucide. Elle l’a montré, voici quelques jours, en se déclarant « heurtée en tant que fille d’immigrés » par le vote des test ADN sur les enfants d’étrangers, dans le cadre du regroupement familial. D’autres aussi devraient, plus fréquemment, se souvenir d’où ils viennent. La question est maintenant de savoir combien de temps encore Fadela Amara restera à son poste.
Il y a, ça et là dans le monde, des nouvelles qui vous revigorent. Comme, par exemple, les protestations des moines bouddhistes birmans contre l’augmentation du coût de la vie dans ce pays toujours aux mains des militaires. Depuis plus d’un mois maintenant, ils défilent au coude à coude avec le peuple et, au besoin, attaquent même des bâtiments de l’administration en place. Quelle belle leçon de justice et d’humanité ! Une attitude que devrait méditer notre clergé catholique, lui qui a si souvent été du côté des puissants contre les miséreux. Qu’on imagine Benoît XVI condamnant en personne les lois « sociales » que Sarkozy est en train de faire voter ? Ce serait, ma foi, une preuve que l’Esprit Saint recommencerait à souffler sur nos contrées. Ah, laissez-moi rêver un peu !
Et que fait, pendant ce temps-là, le père Gaudin à Marseille ? Il continue de mettre en vente, morceau par morceau, cette belle ville qu’il aime tant. Après la grande braderie de l’Hôtel-Dieu, en février dernier, c’est au tour des calanques d’être cédées au plus offrant. La municipalité a, en effet, donné son accord pour la construction, là encore, d’un complexe hôtelier de luxe qui occupera une superficie de 26500 m2. En langage d’initié, on appelle cela une modification. Ce sont la faune et la flore des calanques – et, secondairement, les Marseillais – qui vont en faire les frais. Evidemment, des associations écologistes ont aussitôt réagi, faisant circuler sur le Net une pétition de protestation (à présent caduque). Mais ce ne sont pas quelques centaines de signatures bien intentionnées qui risquent d’arrêter les pelles mécaniques et les bulldozers. Comprend-t’on mieux quelle menace représente le néo-libéralisme, ce cheval de bataille de nos actuels dirigeants ?
Bruno DA CAPO
11:40 Publié dans Numéro 4 | Lien permanent | Commentaires (0)
03/04/2007
Le football selon Jo Blatter
Au cours d’une récente émission télévisée, Jo Blatter, président de la FIFA, déclarait : « le football est une famille. Le comparer à l’Eglise catholique est encore trop réducteur. Le football est bien plus que ça. »
Aussi partisane et immodeste que paraisse cette affirmation, elle recèle pourtant une forme de vérité. En quelques cent cinquante ans d’existence, ce sport se sera élevé – en partie grâce à la bêtise humaine – au rang d’un phénomène culturel qui fait lien et sens un peu partout dans le monde ( même si, souvent, il divise encore plus qu’il ne rassemble). Et si le nombre de ses pratiquants se situe encore loin derrière les deux milliards de fidèles attribués à l’Eglise, il a, tout comme elle, vocation – ou prétention - à l’universalité. Peut-on, pour autant, parler de religion ? Quel est, en effet, son présupposé métaphysique ? Il n’y a pas de Dieu, derrière le football, autre que Celui invoqué par tous les croyants de ce monde, qu’ils soient chrétiens, juifs ou musulmans. Par contre, on pourrait sans trop de peine lui trouver de nombreux « saints » : saint Pelé, saint Beckenbauer, saint Zidane…Car l’humanité est, plus que jamais, une immense machine à fabriquer des mythes.
Sous un autre angle, on peut imaginer, à partir de l’organisation pyramidale de la FIFA, ce que pourrait être un gouvernement mondial d’ici quelques décennies. Il devrait, dans ce cas, avoir une gestion des comptes et du pouvoir personnel autrement plus rigoureuse que celle présentement à l’honneur dans les hautes sphères de la fédération mondiale de football. Ainsi en va-t-il toujours des affaires humaines, quelles que soient leurs intentions.
Max LINDT
11:51 Publié dans Numéro 3 | Lien permanent | Commentaires (0)