21/07/2017
Des commémorations sous haute tension
S’il faut à tout nouveau chef d’état affirmer publiquement son pouvoir, Emmanuel Macron l’aura fait sans demi-mesure le week-end dernier. Il y eût tout d’abord cette invitation lancée à Donald Trump pour le défilé du 14 juillet sur les Champs Elysées – invitation très décriée dans l’opposition. La raison officielle était l’entrée en guerre des Américains, aux côtés de la France et de l’Angleterre voici un siècle ; ce qui nous a au moins permis de comparer les différences entres les véhicules blindés d’hier et d’aujourd’hui. Quant à la raison officieuse, c’était peut-être de chercher à ramener « l’ours » Trump dans le giron des pays signataires de la COP 21 sur le réchauffement climatique. Peine perdue ? Sur le court terme certainement, mais c’était quand même bien joué. Au passage, on notera avec quelle fermeté Macron a recadré Pierre De Villiers, le chef d’état- major des armées, pour sa critique des restrictions du budget militaire : depuis, il a été poussé à la démission.
Dimanche matin, bis répétita. Cette fois, c’était le premier ministre israélien, le non moins contesté Benjamin Netanyahu, qui était l’invité d’honneur des commémorations de la rafle du Vel d’hiv, en juillet 1942. On ne reviendra pas sur ce tragique épisode de notre histoire ni sur le mea culpa prononcé par Jacques Chirac en 1995 vis-à-vis des juifs français. Car c’était plutôt la présence ici du leader de la droite israélienne la plus dure qui faisait débat. Beaucoup, y compris en Israël, ne le tiennent pas pour un interlocuteur respectable – du moins sous l’angle démocratique – depuis qu’il a ordonné la re-colonisation des territoires palestiniens de Gaza et du Sinaï. Pas Emmanuel Macron qui a décidé manifestement de lever le frein moral empêchant le rapprochement avec les chefs d’état les plus discutables de la planète. Qui sera le prochain de ses invités à l’Elysée ? Recep Tayyip Erdogan, le dictateur—président turc, voire Bachar Al Assad, pour peu qu’il s’engage une nouvelle fois à ne plus gazer le peuple syrien ? A ce stade de confusion générale des valeurs, il n’y a plus grand-chose qui pourrait encore nous étonner.
Jacques LUCCHESI
17:32 Publié dans numéro 17 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : champs elysées, commémorations, macron, trump
13/07/2017
Les bonnes intentions de la sécurité routière
Parmi les changements de barème et autres taxations qui arrivent opportunément chaque été, il y a, depuis le 1er juillet, plusieurs mesures concernant la conduite routière et ses nombreuses infractions. En France, comme on le sait sans doute, la mortalité sur les routes est repartie à la hausse depuis trois années consécutives. Elle atteint les 3700 tués annuels et la volonté des pouvoirs publics de la ramener autour de 2000 décès est mise à rude épreuve. A l’alcool, traditionnelle cause d’accident au volant, s’ajoutent désormais d’autres addictions, d’autres négligences, qui sont de plus en plus dans le collimateur de l’état. D’où sa volonté de frapper un peu plus les contrevenants au porte-monnaie :
Stop à la gourmandise et aux casse-croûtes express. Manger en conduisant sera passible désormais d’une amende de 35 euros. Fumer – cet autre pêché de bouche – sera encore plus réprimé, puisque c’est une amende de 68 euros qui sanctionne la conduite à une main, surtout s’il y a un enfant à bord. Les amateurs de vins et de pastis ne sont pas oubliés par le législateur ; d’autant que le taux d’alcool toléré (par litre de sang) est ramené de 0,5 gramme à 0,2 gramme. Pas plus de deux verres avant de conduire ou 135 euros d’amende.
Haro, également, sur la coquetterie : se maquiller en roulant peut coûter maintenant 35 euros. Pensez-y, mesdames, quand vous prendrez la voiture pour aller à un rendez-vous. Quant à l’écoute musicale en voiture, dérangeante voire stressante au-delà d’un certain volume, elle sera sanctionnée à hauteur de 75 euros.
Téléphoner en conduisant, même avec un kit mains libres, vaut toujours 135 euros d’amende et un retrait de trois points sur le permis.
Mais ce sont les amateurs de jeux en ligne et les épistoliers numériques qui remportent le gros lot: consulter un écran ou rédiger un message en conduisant vaut désormais 1500 euros d’amende et trois points en moins sur le permis pour ceux et celles qui s’y adonnent un peu trop machinalement.
Tout cela, n’en déplaise aux automobilistes, va dans le bons sens. Car lorsqu’il s’agit de la sécurité physique de soi et des autres, on ne doit pas être laxiste. Et les actions susnommées affaiblissent toutes, à des degrés divers, la lucidité nécessaire à une sûre conduite. Mais la question est de savoir comment ces amendes vont pouvoir s’appliquer. Car il n’est pas facile de prendre sur le fait un conducteur délictueux. Qui peut d’ailleurs le faire, hormis les gendarmes et les policiers ? Quant au particulier lambda qui se sentirait des velléités de justicier, sa parole n’a aucun poids s’il n’est pas un agent assermenté.
J’en ai fait l’amère expérience, voici quelques années, en voulant porter plainte contre un conducteur qui m’avait ostensiblement grillé la priorité sur un passage piéton. (Le montant de l’amende est, là aussi, de 135 euros). Mais c’est parole contre parole et, dans ce système-là, vous êtes à peu près certain de n’obtenir jamais gain de cause. C’est ainsi qu’on encourage les chauffards dans leur incivisme criminel. Quand on sait, à Marseille, le nombre impressionnant d’automobilistes qui ignorent allègrement les passages protégés, on mesure la fortune que perd chaque jour la municipalité.
Car en l’absence de radars et de caméras, le flagrant-délit est quasiment improuvable. Ainsi ces amendes, nouvelles ou anciennes, ont de fortes chances de ne jamais trouver leurs destinataires et d’enrayer ainsi la désinvolture routière. C’est ce que l’on appelle communément un coup d’épée dans l’eau.
Jacques LUCCHESI
13:29 Publié dans numéro 17 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : conduite, infractions, sécurité, amendes
07/07/2017
Bruissements (73)
Congrès : le show était bien préparé. L’une de ces grandes machineries républicaines qui affectionnent les fastes de l’Ancien Régime. A Versailles, dans ce qui fut la résidence de Louis XIV, Emmanuel Macron, solitaire à la tribune, est apparu plus jupitérien que jamais. Face à une armée de parlementaires et de membres du gouvernement, il a rappelé qu’il était le seul maître du temps républicain ; l’architecte, aussi, d’un nouveau projet politique où le premier ministre et son équipe n’ont que des rôles d’exécutants. Son discours volait haut, assurément ; les mots et les idées appartenaient davantage au champ des sciences humaines que de la politique politicienne. Dans les grandes lignes, c’était toujours la même recherche d’une synthèse des contraires. Mais il a fait aussi quelques annonces fortes et précises : réduction d’un tiers des parlementaires aux prochaines législatives, introduction d’un peu de proportionnelle pour une plus grande diversité politique à l’Assemblée Nationale, suppression de la Cour de Justice de la République (projet avorté de Hollande), levée de l’état d’urgence à l’automne prochain. D’autres propositions vont dans le sens d’une plus grande participation citoyenne à la vie de la nation, comme la prise en compte du droit de pétition et le recours au référendum pour accélérer la réforme des institutions. En revanche, il est resté discret sur la question du travail. Mais il est vrai que c’est le pré carré des députés – Mélenchon le premier - qui ont boudé sa prestation pour manifester leur refus hors de l’enceinte royale. Sans-culottes d’hier ou insoumis d’aujourd’hui : en 2017, la rue s’oppose toujours à la convention.
Députés : ils sont arrivés au Palais Bourbon chemise ouverte et sans cravate (certains étaient même chaussés de baskets). Faut dire qu’il faisait chaud, ce mardi 27 juin, à Paris. Ils arboraient leur badge de député à la boutonnière, histoire de ne pas être confondus avec leurs assistants. 424 nouveaux entrants sur un total de 577 parlementaires : du jamais vu sous la 5eme république ! Voilà les nouveaux députés qui vont siéger pendant cinq ans dans ce haut lieu républicain. Certains ont l’âge d’être encore des étudiants, d’autres sont des créateurs de start-up ou des militants associatifs reconvertis (il y a aussi des enseignants). Pour la plupart, ils appartiennent à la République en Marche qui les a adoubés pour relayer les propositions gouvernementales à l’Assemblée Nationale. Les risques de contestation sont à peu près nuls, vu qu’ils doivent tout à Emmanuel Macron. En avant, marche, le doigt bien sur la couture. Heureusement qu’il y a, dans l’opposition, quelques grandes gueules qui vont se charger de taquiner ces petits nouveaux trop dociles. Histoire de réintroduire un peu de dissensus démocratique dans cette nouvelle donne parlementaire.
Poutine : la langue de bois, cette façon de discourir avec des formules creuses et convenues, afin de ne jamais rien dire de compromettant, est une spécialité des politiques de tous bords et de tous pays. En l’occurrence, Vladimir Poutine est passé maître en la matière. On a encore pu le constater en regardant, sur France Télévision, les quatre entretiens filmés que lui a consacrés le cinéaste américain Oliver Stone. Des échanges pleins de courtoisie entre les deux hommes, ponctués de petites blagues qui rendaient presque sympathique l’actuel maître du Kremlin. Voici, par exemple, l’une des maximes, parmi d’autres réflexions, qu’on a pu entendre de sa bouche : « Ce n’est pas d’avoir beaucoup de pouvoir qui est important, c’est ce qu’on fait avec celui qu’on a. ». En soi ce n’est pas faux, mais on aurait voulu davantage l’entendre sur le sort des opposants qui sont en prison ou qui ont été assassinés opportunément (comme Anna Politovskaïa ou Boris Nemtsov), sur la persécution des homosexuels en Tchétchénie (pays satellite de la Russie) et sur les bombardements outranciers en Syrie. C’est sur ces questions qu’on mesure le degré de démocratie d’un état et de ses dirigeants.
Grégory : le meurtre d’un enfant - acte abominable s’il en est - provoque toujours un séisme dans la sensibilité collective. En octobre 1984, celui du petit Grégory Villemin fut le catalyseur d’un règlement de comptes familial puis d’un feuilleton médiatico-judiciaire qui devait s’achever, neuf ans plus tard, par un non-lieu pour sa mère Christine et une condamnation pour son père Jean-Marie, suite à l’assassinat de son cousin Bernard Laroche. Les choses ne devaient pourtant pas en rester là. En 2008, l’enquête est reprise par la cour d’appel de Dijon. Et, en 1993, de nouveaux tests d’ADN sont effectués : en vain. L’affaire rebondit en juin dernier avec l’arrestation, dans les Vosges, des époux Jacob – oncle et tante de Jean-Marie Villemin -, suspectés de complicité d’enlèvement. Puis c’est au tour de Murielle Bolle – 15 ans à l’époque des faits – d’être mise en examen pour le même motif. Seulement, le temps a fait son œuvre de lassitude et, en 2017, l’affaire Grégory ne passionne plus l’opinion – qui a vu pire depuis. Au journal télévisé, on écoute distraitement cette interminable chronique d’une mort annoncée entre une déclaration martiale de Donald Trump à l’encontre de la Corée du nord et le compte-rendu quotidien de la bataille de Mossoul. Et pourtant, il faudra bien, là aussi, que la vérité sorte du puits…
Erik PANIZZA
16:58 Publié dans numéro 17 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : congrès, députés, poutine, grégory