09/06/2017
Thomas Pesquet, envoyé spatial
Sept ans de préparation pour vivre six mois dans l’espace : c’est l’épreuve à laquelle s’est soumis Thomas Pesquet pour faire progresser la connaissance scientifique. Pendant ces six mois passés à bord de la station spatiale internationale, à 450 kilomètres au dessus de la Terre, il a multiplié les expériences sur les conditions de vie dans ce milieu clos et observé les modifications climatiques de notre planète comme très peu d’hommes avant lui. Il a dû aussi lutter, par un entrainement quotidien rigoureux, contre les risques physiques (pertes osseuses et musculaire, vieillissement accéléré du système cardiaque, troubles de la vision) qu’entraîne la vie dans l’espace, soustrait à la pesanteur. Vendredi dernier, lorsque sa capsule (freinée par un parachute) a enfin atterri dans une plaine du Kazakstan, il semblait groggy mais heureux de respirer à nouveau l’air de cette vieille planète. Le choc fut rude, à l’instar de la gravité retrouvée. Et c’est soutenu par deux soignants que cet athlète de 38 ans a refait ses premiers pas sur la terre ferme. Troublante image qui nous rappelle quelles contraintes physiques pèsent sur l’humanité ordinaire.
Et pourtant cette aventure est l’une des plus belles que puisse vivre un être humain. Elle a sa logique et sa nécessité, n’en déplaise à tous ceux qui pensent qu’il y a des tâches plus urgentes à accomplir. Elle prouve aussi combien la science peut être fédératrice entre des hommes et des femmes de différentes nationalités (Thomas Pesquet avait pour équipiers un Russe et une Américaine). Dans l’espace il n’y a plus de frontières, plus de croyances coercitives, et chacun appartient à la même espèce. Sur terre, c’est hélas différent. L’humanité semble plus que jamais divisée et travaillée par des pulsions autodestructrices. Cette incapacité à pouvoir envisager un avenir global et partagé est en soi désespérante. Alors, dans le flux lancinant des mauvaises nouvelles (attentats à répétition, obstination d’un potentat américain à ignorer les dangers du réchauffement climatique), on remercie Thomas Pesquet pour l’espérance rationnelle qu’il a, malgré tout, insufflé à notre monde défaillant. Et on se prend à rêver d’échapper, comme lui, à la pesanteur terrestre. Un peu comme on partirait en vacances.
Jacques LUCCHESI
17:11 Publié dans numéro 17 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pesquet, espace, pesanteur, humanité
01/06/2017
Draguer sur les marchés
Tout comme les élections municipales, les législatives ont la particularité de faire sortir nos mollusques politiques de leurs coquilles. C’est une des rares occasions où ils vont avec jovialité à la rencontre du bon peuple français. Il faut les voir faire assaut de politesses et de sourires mielleux, chercher les mains qui ne se tendent pas spontanément vers eux ou faire distribuer des tracts vantant leurs mérites par des subalternes pleins de bonne volonté. Car il faut quand même avoir à l’esprit que chaque vote pour un candidat rapporte 1,80 euro à son parti. Oui, c’est bien nous, citoyens lambdas, qui nourrissons ces nouveaux seigneurs avec nos voix.
Si encore, une fois élus, ils demeuraient ouverts et accessibles à nos doléances ! Mais non ! Jusqu’à la prochaine élection, ils auront toujours un bon prétexte pour ne pas vous recevoir ou vous répondre. Et quand on sait ce qu’ils perçoivent pour censément représenter les citoyens, il y a de quoi les vouer aux gémonies. Au diable ces politiciens qui, la main sur le cœur, disent devant les caméras qu’ils ne pensent qu’à servir leur pays ! Car dans ce pays, l’activité politique n’est rien d’autre qu’une lutte des places. Et les places, à l’Assemblée Nationale, elles sont limitées à 577. Là aussi, il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus.
Rien que dans les Bouches du Rhône, il y a, pour ces prochaines législatives, 265 candidats de toute obédience qui sont en campagne – dont 23 dans la seule 5eme circonscription. De vieux renards locaux, quelques célébrités nationales parachutées çà et là et beaucoup de jeunes ambitieux parfaitement inconnus, aussi. On comprend qu’ils se poussent du coude sur les marchés. Ou que certains essaient de surfer sur la vague macroniste. Qu’on vienne de la gauche ou de la droite, qu’on prêche pour sa seule paroisse, rien ne compte plus, à présent, que de se faire estampiller « majorité présidentielle ». Qu’on observe un peu les panneaux d’affichages : c’est fou le nombre de ralliés, officiels ou officieux, à la République En Marche. On est « in » ou on est « out ». C’est la tactique du coucou. Pour l’heure tout est permis ou presque, on fera ensuite le tri entre le bon grain et l’ivraie. Serge Perottino, maire de Cadolive : il est « in ». Maurice Di Nocera, dinosaure de la politique marseillaise : il est « in ». Et toute cette duplicité fait pas mal grincer des dents, surtout dans leur propre camp.
On voudrait rire de cette frénésie électoraliste si on pouvait oublier que nous sommes tous concernés par les résultats qui vont se dégager des urnes dans un peu plus de quinze jours. Il ne suffit pas de vouloir moraliser la vie publique ; il faut aussi redonner du sens aux différents mandats ouverts par la république. Afin que le dialogue entre les élus et les électeurs ne se réduise pas à quelques bons mots autour d’un pastis tous les cinq ou six ans.
Jacques LUCCHESI
17:17 Publié dans numéro 17 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : législatives, mollusques, doléances, majorité présidentielle
18/05/2017
Du sacre à la gouvernance
Cela a commencé dimanche 14 mai, dès 9 heures. On avait oublié à quel point la République peut imiter l’Ancien Régime quand elle renouvelle son président. La cour de l’Elysée était barrée d’un long rectangle rouge. Bientôt des hommes et des femmes, connus ou inconnus, le foulèrent entre les haies humaines formée par la Garde d’Honneur. A chaque époque ses courtisans. Puis ce fut la reine, en ensemble bleu, qui arriva seule, un peu avant 10 heures, précédant de peu son royal époux. Celui-ci arriva seul, lui aussi, au son des fanfares républicaines. Sur le perron du palais l’attendait, débonnaire et matois, le vieux monarque corrézien. On ne le plaindra pas : avec 15 000 euros nets de retraite mensuelle, il peut affronter sereinement l’avenir. On appelle ça une passation de pouvoir : « le roi est mort, vive le roi ». Puis, pour le jeune souverain, se succédèrent allocutions, accolades et poignées de mains distribuées, comme on offre des bonbons, au peuple avide de le voir et de le toucher. Celui-là même qui a fait roi cet heureux jeune homme favorisé par la fortune.
Le lendemain était, sous l’angle politique, une journée encore plus attendue, puisque c’était celle du premier ministre, autrement dit celui qui conduit officiellement l’action présidentielle, le chef du gouvernement. Et, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’Elysée fit durer le suspense, ne le révélant aux médias qu’à 14H30 – au lieu de midi. La France entière découvrit, avec le nom d’Edouard Philippe, le visage lisse d’un homme encore jeune – 46 ans -, malgré une calvitie avancée. Un homme à la silhouette dégingandée, façon Giscard. Un tenant de la droite modérée, pur produit de la méritocratie française, jusqu’ici dans l’ombre d’Alain Juppé, quoique maire dune ville comme Le Havre. Les critiques fusèrent vite de tout côté ; les uns parlant de stratégie pour mieux diviser la droite, les autres de droitisation, tout simplement, d’un programme censément au dessus des partis, et tout le monde ayant raison.
La nomination, au poste de ministre de l’économie, d’un Bruno Le Maire, deux jours plus tard, n’a fait que confirmer cette orientation ; même si on peut apprécier, par ailleurs, l’entrée au gouvernement de personnalités de la vie civile, comme Françoise Nyssen à la culture, Laura Flessel aux sports et Nicolas Hulot à la transition écologique. Les cases de l’échiquier gouvernemental sont désormais toutes remplies. Mais résisteront-elles à la contre-offensive des prochaines élections législatives ? Cela est la grande question du moment.
Jacques LUCCHESI
16:16 Publié dans numéro 17 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sacre, courtisans, monarque, méritocratie