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07/05/2019

Les journalistes dans la tourmente

                  

 

 

 Les chiffres de Reporters sans frontières sont alarmants: journaliste est un métier à risque dans de nombreux pays, surtout quand on enquête sur des sujets sensibles, c’est dire liés à l’économie et la politique. En 2018, année particulièrement violente, ce sont quatre-vingt journalistes  qui ont perdu la vie au cours de leurs missions, dont soixante-trois délibérément éliminés – ce qui représente une hausse de 8% par rapport à 2017. A quoi il faut ajouter trois-cent quarante huit détentions arbitraires et soixante otages pour compléter ce sinistre tableau. Certes, la plupart de ces crimes et exactions se sont déroulés dans des pays minés par la guerre ou peu enclins à la démocratie, comme L’Afghanistan, la Syrie, l’Iran, l’Arabie Saoudite, le Mexique, la Turquie et la Chine. Mais l’assassinat de la journaliste nord-irlandaise Lyra Mac Kee, à Londonderry, jeudi 18 avril, vient nous rappeler qu’en Europe occidentale, aussi, les travailleurs de l’information ne sont pas à l’abri d’actes vindicatifs.

 

Et la France dans tout ça ? Deux récentes affaires nous démontrent, si besoin était, que la liberté de la presse a aussi du plomb dans l’aile au pays des Droits de l’Homme.

 

Il y a eu tout d’abord l’arrestation de Gaspard Glanz à Paris, lors du 23eme samedi de manifestation des Gilets jaunes. Qui est Gaspard Glanz ? Un journaliste indépendant de 32 ans, spécialisé depuis 2012 dans le suivi des mouvements sociaux. Ses prises de position – car il est aussi un citoyen engagé – lui ont déjà valu plusieurs interpellations et même une fiche S. Cependant, samedi 19 avril, lorsqu’il s’est querellé avec les policiers qui l’entouraient, c’était d’abord pour protester d’avoir été la cible – ratée – d’un tir de grenade lacrymogène. Et comme ceux-ci voulaient l’empêcher de filmer, il leur a adressé un doigt d’honneur – ce qui, dans ce contexte explosif, n’est pas un geste particulièrement menaçant. Il lui a néanmoins valu une garde à vue de quarante huit heures et une interdiction de participer aux prochains défilés publics, autrement dit un empêchement à exercer son métier. En outre, Gaspard Glanz devra comparaître devant un tribunal en octobre prochain, pour répondre de son attitude frondeuse. Quelle disproportion entre son geste et ses conséquences ! On peut dire, dans son cas, que le juge n’y est pas allé de main morte.

C’est une affaire bien plus grave – les ventes d’armes de la France  au Yémen -  qui va conduire Mathias Destal, Geoffrey Livolsi et Benoît Collombat devant la direction de la DGSI, le 14 mai prochain. Il leur est reproché d’avoir publié, après enquête, un rapport classé secret défense sur le site d’investigation Disclose. Les trois journalistes n’ont pourtant fait que leur travail dans cette affaire qui confirme le peu de scrupules des dirigeants français quand il s’agit de réaliser de gros contrats internationaux. Car malgré les explications embarrassées de Florence Parly – ministre des armées -, qui ne sait que des armes prétendument défensives peuvent être tout aussi bien utilisées à des fins offensives et donc meurtrières ? Et c’est sans même parler de l’instruction militaire apportée par la France aux troupes gouvernementales yéménites en charge de mater la rébellion qui sévit dans ce pays.

 Face à cette dérive autoritaire, de nombreuses associations – dont Amnesty International – ont apporté leur soutien aux trois journalistes incriminés, rappelant que la protection des données – le fameux secret des sources – est la condition sine qua non d’une presse libre en démocratie. Il n’en reste pas moins qu’entre les journalistes et les politiques, le contentieux ne date pas d’hier et que le pouvoir se méfie de leur influence sur l’opinion publique. Au nom de la sécurité, les libertés publiques sont de plus en plus rognées et soumises à conditions. C’est un peu la leçon des dictatures aux démocraties.

 

Jacques LUCCHESI 

24/08/2018

       C’est beau le progrès…

                 

 

 

 

Il fut un temps, pas si lointain, où les imprimantes ne servaient qu’à imprimer des documents sur papier à partir d’un ordinateur. Leurs cartouches d’encre s’épuisaient rapidement et coûtaient plus cher que le ruban d’une bonne vieille machine à écrire, mais c’est un autre problème. Ce degré zéro de l’impression a été depuis rapidement distancé par d’autres modèles d’imprimantes ; ceux-là peuvent, à partir d’un programme informatique, réaliser des objets en trois dimensions, de la paire de chaussures aux murs de votre maison.

 

Dans ces conditions, pourquoi ne pas imprimer des armes ? C’est ce que s’est dit, aux Etats-Unis, un petit malin  du nom de Cody Wilson. Le projet de ce bienfaiteur de l’humanité : permettre à n’importe qui de fabriquer sa propre arme de poing, sans aucun numéro de série, à la barbe de l’état fédéral et des lois américaines. Il suffit pour cela d’acheter le programme édité par sa société Defense Distributed et d’avoir chez soi une imprimante 3D. Après quoi, vous pourrez vous fabriquer un magnifique petit pistolet en plastique, indétectable sous les portiques de sécurité. Un petit pistolet qui ressemble à un jouet, sauf que son chargeur accueille de vraies balles bien perforantes et mortelles. Un modèle léger et ludique, idéal pour les ménagères et les écoliers soucieux de se défendre contre les multiples dangers qui les menacent quotidiennement.

 

Malheureusement pour Cody Wilson, son invention à peine commercialisée a soulevé la colère des associations de victimes d’attentats et de meurtres de masse – lesquelles se comptent par centaines, chaque année, aux USA. Même Trump a trouvé douteuse cette entreprise de « home gun ».  Alertée, la justice américaine est intervenue et a rapidement suspendu la vente de ces plans d’impression d’armes à domicile. Une décision avalisée par le porte-parole de la Maison Blanche ; lequel ne peut pourtant être suspecté de sympathie pour tous ceux qui luttent, dans ce pays, contre l’interdiction des armes en vente libre. Naturellement, l’inventeur débouté a annoncé sa décision de poursuivre son combat devant les tribunaux, estimant que « les Américains ont le droit de partager cette information. ».Autrement dit, le vieux débat de la liberté contre la sécurité.

Quelque soit le jugement final dans cette affaire, il est à craindre, hélas, que son programme ne s’arrête pas là. Des milliers d’Américains l’ont déjà téléchargé et il se pourrait bien qu’il continue à se négocier sous le manteau, plus-value à l’appui. Sommes-nous entrés, selon la prédiction de Cody Wilson « dans l’âge des armes téléchargeables » ? Dans ce cas, nous avons bien du souci à nous faire. Car après les pistolets viendront des armes de plus gros calibres et, pourquoi pas, des bombes chimiques ou atomiques fabriquées à partir de ce procédé. « On n’arrête pas le progrès ». Clament les imbéciles heureux. On voit bien, à partir de cet exemple pervers, qu’on aurait tout intérêt à ne pas lui lâcher la bride.

            Jacques LUCCHESI

13/07/2017

    Les bonnes intentions de la sécurité routière

   

 

Parmi les changements de barème et autres taxations qui arrivent opportunément chaque été, il y a, depuis le 1er juillet, plusieurs mesures concernant la conduite routière et ses nombreuses infractions. En France, comme on le sait sans doute, la mortalité sur les routes est repartie à la hausse depuis trois années consécutives. Elle atteint les 3700 tués annuels et la volonté des pouvoirs publics de la ramener autour de 2000 décès est mise à rude épreuve. A l’alcool, traditionnelle cause d’accident au volant, s’ajoutent désormais d’autres addictions, d’autres négligences, qui sont de plus en plus dans le collimateur de l’état. D’où sa volonté de frapper un peu plus les contrevenants au porte-monnaie :    

Stop à la gourmandise et aux casse-croûtes express. Manger en conduisant sera passible désormais d’une amende de 35 euros. Fumer – cet autre pêché de bouche – sera encore plus réprimé, puisque c’est une amende de 68 euros qui  sanctionne la conduite à une main, surtout s’il y a un enfant à bord. Les amateurs de vins et de pastis ne sont pas oubliés par le législateur ; d’autant que le taux d’alcool toléré (par litre de sang)  est ramené de 0,5 gramme à 0,2 gramme. Pas plus de deux verres avant de conduire ou 135 euros d’amende.

Haro, également, sur la coquetterie : se maquiller en roulant peut coûter maintenant 35 euros.  Pensez-y, mesdames, quand vous prendrez la voiture pour aller à un rendez-vous. Quant à l’écoute musicale en voiture, dérangeante voire stressante au-delà d’un certain volume, elle sera sanctionnée à hauteur de 75 euros.

Téléphoner en conduisant, même avec un kit mains libres, vaut toujours 135 euros d’amende et un retrait de trois points sur le permis.

Mais ce sont les amateurs de jeux en ligne et les épistoliers numériques qui remportent le gros lot: consulter un écran ou rédiger un message en conduisant vaut désormais 1500 euros d’amende et trois points en moins sur le permis pour ceux et celles qui s’y adonnent un peu trop machinalement.

Tout cela, n’en déplaise aux automobilistes, va dans le bons sens. Car lorsqu’il s’agit de la sécurité physique de soi et des autres, on ne doit pas être laxiste. Et les actions susnommées affaiblissent toutes, à des degrés divers, la lucidité nécessaire à une sûre conduite. Mais la question est de savoir comment ces amendes vont pouvoir s’appliquer. Car il n’est pas facile de prendre sur le fait un conducteur délictueux. Qui peut d’ailleurs le faire, hormis les gendarmes et les policiers ? Quant au particulier lambda qui se sentirait des velléités de justicier, sa parole n’a aucun poids s’il n’est pas un agent assermenté.

J’en ai fait l’amère expérience, voici quelques années, en voulant porter plainte contre un conducteur qui m’avait ostensiblement grillé la priorité sur un passage piéton. (Le montant de l’amende est, là aussi, de 135 euros). Mais c’est parole contre parole et, dans ce système-là, vous êtes à peu près certain de n’obtenir jamais gain de cause. C’est ainsi qu’on encourage les chauffards dans leur incivisme criminel. Quand on sait, à Marseille, le nombre impressionnant d’automobilistes qui ignorent allègrement les passages protégés, on mesure la fortune que perd chaque jour la municipalité.

Car en l’absence de radars et de caméras, le flagrant-délit est quasiment improuvable. Ainsi ces amendes, nouvelles ou anciennes, ont de fortes chances de ne jamais trouver leurs destinataires et d’enrayer ainsi la désinvolture routière. C’est ce que l’on appelle communément un coup d’épée dans l’eau.

 

Jacques LUCCHESI