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07/07/2017

Bruissements (73)

 

 

 

Congrès : le show était bien préparé. L’une de ces grandes machineries républicaines qui affectionnent les fastes de l’Ancien Régime. A Versailles, dans ce qui fut la résidence de Louis XIV, Emmanuel Macron, solitaire à la tribune, est apparu plus jupitérien que jamais. Face à une armée de parlementaires et de membres du gouvernement, il a rappelé qu’il était le seul maître du temps républicain ; l’architecte, aussi,  d’un nouveau projet politique où le premier ministre et son équipe n’ont que des rôles d’exécutants. Son discours volait haut, assurément ; les mots et les idées appartenaient davantage au champ des sciences humaines que de la politique politicienne. Dans les grandes lignes, c’était toujours la même recherche d’une synthèse des contraires. Mais il a fait aussi quelques annonces fortes et précises : réduction d’un tiers des parlementaires aux prochaines législatives, introduction d’un peu de proportionnelle pour une plus grande diversité politique à l’Assemblée Nationale, suppression de la Cour de Justice de la République (projet avorté de Hollande), levée de l’état d’urgence à l’automne prochain. D’autres propositions vont dans le sens d’une plus grande participation citoyenne à la vie de la nation, comme la prise en compte du droit de pétition et le recours au référendum pour accélérer la réforme des institutions. En revanche, il est resté discret sur la question du travail. Mais il est vrai que c’est le pré carré des députés – Mélenchon le premier - qui ont boudé sa prestation pour manifester leur refus hors de l’enceinte royale. Sans-culottes d’hier ou insoumis d’aujourd’hui : en 2017, la rue s’oppose toujours à la convention.

 Députés : ils sont arrivés au Palais Bourbon chemise ouverte et sans cravate (certains étaient même chaussés de baskets). Faut dire qu’il faisait chaud, ce mardi 27 juin, à Paris. Ils arboraient leur badge de député à la boutonnière, histoire de ne pas être confondus avec leurs assistants. 424 nouveaux entrants sur un total de 577 parlementaires : du jamais vu sous la 5eme république ! Voilà les nouveaux députés qui vont siéger pendant cinq ans dans ce haut lieu républicain. Certains ont l’âge d’être encore des étudiants, d’autres sont des créateurs de start-up ou des militants associatifs reconvertis (il y a aussi des enseignants). Pour la plupart, ils appartiennent à la République en Marche qui les a adoubés pour relayer les propositions gouvernementales à l’Assemblée Nationale. Les risques de contestation sont à peu près nuls, vu qu’ils doivent tout à Emmanuel Macron. En avant, marche, le doigt bien sur la couture. Heureusement qu’il y a, dans l’opposition, quelques grandes gueules qui vont se charger de taquiner ces petits nouveaux trop dociles. Histoire de réintroduire un peu de dissensus démocratique dans cette nouvelle donne parlementaire.

 Poutine : la langue de bois, cette façon de  discourir avec des formules creuses et convenues, afin de ne jamais rien dire de compromettant, est une spécialité des politiques de tous bords et de tous pays. En l’occurrence, Vladimir Poutine est passé maître en la matière. On a encore pu le constater en regardant, sur France Télévision, les quatre entretiens filmés que lui a consacrés le cinéaste américain Oliver Stone. Des échanges pleins de courtoisie entre les deux hommes, ponctués de petites blagues qui rendaient presque sympathique l’actuel maître du Kremlin. Voici, par exemple, l’une des maximes, parmi d’autres réflexions, qu’on a pu entendre de sa bouche : « Ce n’est pas d’avoir beaucoup de pouvoir qui est important, c’est ce qu’on fait avec celui qu’on a. ». En soi ce n’est pas faux, mais on aurait voulu davantage l’entendre sur le sort des opposants qui sont en prison ou qui ont été assassinés opportunément (comme Anna Politovskaïa ou Boris Nemtsov), sur la persécution des homosexuels en Tchétchénie (pays satellite de la Russie) et sur les bombardements outranciers en Syrie. C’est sur ces questions qu’on mesure le degré de démocratie d’un état et de ses dirigeants.

 Grégory : le meurtre d’un enfant - acte abominable s’il en est -   provoque toujours un séisme dans la sensibilité collective. En octobre 1984, celui du petit Grégory Villemin fut le catalyseur d’un règlement de comptes familial puis d’un feuilleton médiatico-judiciaire qui devait s’achever, neuf ans plus tard, par un non-lieu pour sa mère Christine et une condamnation pour son père Jean-Marie, suite à l’assassinat de son cousin Bernard Laroche. Les choses ne devaient pourtant pas en rester là. En 2008, l’enquête est reprise par la cour d’appel de Dijon. Et, en 1993, de nouveaux tests d’ADN sont effectués : en vain. L’affaire rebondit en juin dernier avec l’arrestation, dans les Vosges, des époux Jacob – oncle et tante de Jean-Marie Villemin -, suspectés de complicité d’enlèvement. Puis c’est au tour de Murielle Bolle – 15 ans à l’époque des faits – d’être mise en examen pour le même motif. Seulement, le temps a fait son œuvre de lassitude et, en 2017, l’affaire Grégory ne passionne plus l’opinion – qui a vu pire depuis. Au journal télévisé, on écoute distraitement cette interminable chronique d’une mort annoncée entre une déclaration martiale de Donald Trump à l’encontre de la Corée du nord et le compte-rendu quotidien de la bataille de Mossoul. Et pourtant, il faudra bien, là aussi, que la vérité sorte du puits…

 

 

Erik PANIZZA

 

30/06/2017

Un 2-Décembre mou

NDLR: Dans le contexte politique actuel, nous avons trouvé judicieux de re-publier , sur le blog du Franc-Tireur marseillais, cet article d'André Bellon transmis par Alain  Sagault

 

 

Le 2 décembre 1851, Louis Napoléon Bonaparte, Président de la République, organisait un coup d’Etat contre la République qu’il était censé défendre et devenait l’empereur Napoléon III. Peu de temps auparavant, l’Assemblée avait refusé de modifier la Constitution pour lui permettre de briguer un second mandat.

Un parallèle avec la situation actuelle semble pour le moins exagéré ; on remarquera cependant que plusieurs des premiers ralliés au Président Macron militent depuis des années pour la réhabilitation de Napoléon III. Ainsi Christian Estrosi qui avait été jusqu’à écrire « Je suis bonapartiste » sur la jaquette de son livre « le Roman de Napoléon III ».

Certes, Emmanuel Macron n’est pas responsable de tous les errements de quelques personnalités, errements que répercutait par exemple Bernard Accoyer, alors Président de l’Assemblée nationale[i], et dont s’accommodait alors d’ailleurs même « l’opposition socialiste ». Mais il est clair que le nouveau pouvoir qui vient de s’établir en France semble vouloir officialiser encore davantage le renforcement du pouvoir exécutif au détriment du législatif. Qu’il s’agisse des symboles comme l’idée d’un discours initial du Président devant le congrès à Versailles ou du gouvernement par ordonnances, des formes de moins en moins républicaines émergent petit à petit.

Cette dérive n’est évidemment pas le seul fait du nouveau Président. Les atteintes aux restes de la démocratie se développent depuis des années. Ce fut le coup d’Etat contre le vote émis par les français au référendum de 2005. Ce furent les atteintes sourdes, mais continues contre le pouvoir parlementaire, caractérisées en particulier par les réformes Jospin inversant le calendrier électoral et rendant, de ce fait, l’Assemblée vassale du Président. 

L’idée s’est peu à peu distillée que les parlementaires n’étaient que les commis de l’Elysée. Bien pis, les députés eux-mêmes, dans leur grande majorité, ont intériorisé cette thèse, considérant qu’il fallait se contenter d’obéir au gouvernement. Même les « frondes » sont demeurées dans des limites pudiques et toutes les oppositions s’accommodent des institutions qui les massacrent.

On arrive, de ce fait, à la fin d’un cycle. Un Président représentant environ 18% des électeurs inscrits obtient une majorité sans précédent dans une assemblée élue par 38% de ces électeurs. L’époque n’est plus aux coups d’Etat violents d’antan. Le système politique permet d’officialiser en douceur le même résultat, c’est-à-dire de conférer les pleins pouvoirs à un pouvoir très minoritaire. 

Au-delà de toute critique, remarquons que les institutions de la 5ème République avaient été imaginées pour bâtir un pouvoir fort permettant d’affirmer la souveraineté. 

Nous voguons vers un pouvoir utilisant une force légale pour un projet faible éloigné de toute souveraineté. Quant aux députés, censés représenter la souveraineté populaire, leur crédibilité se dégrade au fil d’années de renoncements. Quelle est leur image après des années d’abdication ? Peut-on penser que le peuple va se dresser pour les défendre, se lever pour soutenir ceux qui, maintes fois, ont trahi leurs engagements au profit de politiques de régression démocratique et sociale ?

Au lendemain du coup d’état du 2 décembre 1851, des députés tentant de manifester pour la République virent des ouvriers leur crier leur mépris en hurlant « Croyez-vous que nous allons nous faire tuer pour vous conserver vos vingt-cinq francs par jour ! »

Il se trouva, cela étant, au cœur des manifestations, un député républicain de l’Ain, Alphonse Baudin, qui cria : « Vous allez voir comment on meurt pour vingt-cinq francs ». Dans la minute qui suivit, il fut abattu par les fusils des soldats de Napoléon III. Quel est aujourd’hui le prix de la conscience républicaine? 

 

                                    André Bellon

(Ancien Président de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée Nationale)

 

12/11/2010

Pitié pour nos députés




                         


 La nouvelle est arrivée avec les  premiers jours de novembre : l’indemnité retraite de nos députés va être réduite de 8% dès janvier 2011, réduction qui atteindra les 30% en 2012. Temps funestes, vous n’épargnerez donc rien ni personne ? Passe encore que la crise touche les retraites des ouvriers et des fonctionnaires : ça s’est toujours fait sous tous les régimes. Les classes moyennes, c’est entendu, ne doivent rien emporter au paradis. Il faut les ponctionner jusqu’à la moelle, ne laisser à leurs héritiers que la portion congrue - et encore. Quant aux pauvres, les vraiment pauvres, n’en parlons même pas. De toutes les façons, comme dit ma concierge, ils sont aidés de tous côtés. Mais les députés, l’élite politique de notre nation…Méritaient-ils une coupe aussi drastique dans leurs pensions retraites ? Certes non ! Se dévouer une vie durant pour le peuple français (qui est, comme on le sait, le plus ingouvernable au monde) ; passer ses jours ouvrables à parcourir des dossiers arides et à inaugurer des crèches ou des équipements sportifs; s’ennuyer à mourir sur les bancs de l’Assemblée Nationale avec, pour seules détentes, de faire des bons mots sur ses collègues de l’autre bord et – bienheureuse parité ! - de lorgner les jambes de sa voisine; faire la tournée des marchés en période électorale, manger n’importe quoi, serrer des mains sales et faire semblant d’être intelligent, généreux, soucieux de ses concitoyens (dont on n’a rien à foutre le reste de l’année). Bref, passer sa vie à des futilités, mêmes publiques, quand on aurait pu être médecin, enseignant, chercheur, artiste et se voir, sur le tard, amputer d’une partie de ses revenus au motif galvaudé d’équité sociale, il y a vraiment de quoi descendre dans la rue et crier sa rage au législateur.
Mais voilà, nos députés sont des sages. Contrairement aux autres corporations, ils acceptent stoïquement les coups du sort. Ils ne veulent rien réclamer pour eux-mêmes. Qu’importe, semblent-ils nous dire, ce que l’Etat nous versera à la retraite. Nous avons fait notre devoir jusqu’au bout. Nous avons servi la nation et partons la tête haute. Au fait, quel est le montant moyen d’une retraite de député ? 
Une fois déduites les contributions sociales et les diverses cotisations (20% de leur indemnité mensuelle sont affectés à leur retraite), un député français en exercice perçoit environ 5500 euros mensuels – et je passe sous silence tous les privilèges afférant à leur charge. Or, pour bénéficier de cette somme à la retraite, il lui faut seulement vingt années de versement - car les années passées à l’Assemblée Nationale comptent double. Quatre mandats de cinq années suffisent donc pour cela. Quand bien même il ne serait élu qu’une fois, il percevrait quand même le quart de cette somme, soit environ 1400 euros par mois. Précisons que cette retraite est cumulable avec d’autres pensions, qu’elles proviennent d’un emploi dans le secteur civil ou d’une autre charge politique (maire, voire ministre). Alors, même si le régime de retraite des parlementaires doit être aligné sur celui du régime général, il y a gros à parier que ce n’est pas demain que l’on verra un ancien député aller frapper à la porte des Restos du Cœur pour subsister. N’est-ce pas au moins, par ces temps incertains, une bonne nouvelle ?



                                          Erik PANIZZA