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13/10/2017

Bruissements (77)

 

 

 

Bordel : on a souvent reproché à Nicolas Sarkozy ses manières de sale gosse, son arrogance et sa tendance à l’insulte envers les classes populaires. C’était, du moins, le cas au début de son quinquennat. Force est de constater que, malgré un supplément de culture, Emmanuel Macron n’est pas très différent de lui. On l’a encore vu, lors de sa visite à l’usine GM&S de Corrèze, avec sa pique contre « ces ouvriers qui feraient mieux d’aller chercher du travail dans les entreprises de la région plutôt que de manifester et foutre le bordel ». Des propos malvenus qui n’ont pas manqué d’alimenter la polémique. Car si défendre son emploi et refuser de faire quatre heures de route chaque jour pour espérer retravailler, c’est foutre le bordel, alors il faut continuer à manifester, car c’est la seule manière de faire valoir sa dignité. C’est à ce genre de foucades qu’on voit que monsieur Macron n’a pas une expérience politique suffisante pour la fonction qu’il occupe. Il a, certes, une vue d’ensemble de la France mais pas le sens de ses attentes quotidiennes ni du vécu des ouvriers dont il va saluer les patrons. Et pour cause ! C’est un monde qu’il n’a jamais fréquenté jusqu’ici. Pourtant, c’est encore celui qui produit les richesses basiques de notre économie. Cette économie que notre président souhaite justement relancer.  

 

Starterre : s’il y a, au moins, une entreprise en France où les employés sont heureux, c’est bien Starterre, à Saint-Fons dans le Rhône. Cette société spécialisée dans la vente d’automobiles affiche, depuis sa création voici vingt-cinq ans, une progression constante. Aussi son PDG, M. Jean-Louis Brissaud, a décidé de partager les bénéfices réalisés l’an dernier – soit 1,6 million d’euros - entre tous ses salariés. Il a quand même tenu compte de leur ancienneté et de leur niveau de qualification pour déterminer le montant de la prime attribuée à chacun. Elles s’échelonnent de 500 à 30 000 euros et, même pour les plus modestes, c’est un cadeau aussi inespéré qu’appréciable. Voilà de quoi doper la motivation au boulot. Un exemple à méditer pour tous ces patrons qui préfèrent engranger les bénéfices en vue de jours plus difficiles. Car il faut secouer les discours misérabilistes et briser enfin le cercle de l’austérité. 

 

Nouvelle Calédonie : au chapitre des nouvelles guerres picrocolines, on peut certainement verser la récente polémique entre Manuel Valls et Jean-Luc Mélenchon. Tout est parti d’une commission pour la Nouvelle Calédonie que l’ex-premier ministre de François Hollande devait présider et à laquelle le leader de la France Insoumise devait participer. Mais à l’idée d’avoir Valls pour supérieur, Mélenchon a préféré démissionner. D’où un échange d’amabilités entre les deux hommes, l’un parlant de « facho-sphère » et l’autre d’« islamo-gauchisme ». Querelle d’égos et rebondissement tardif d’une guerre des chefs, à gauche ? En tous les cas les antagonismes, au sein de cette famille politique, semblent devenus insurmontables.

 

Monsanto : on supposait depuis longtemps que Monsanto avait des méthodes douteuses, au moins depuis la polémique en Europe sur le maïs aux OGM. On sait maintenant que la firme agro-alimentaire américaine est franchement malhonnête. Pour mieux écouler l’un de ses produits - le Round-up, un désherbant hautement toxique par sa teneur en glyphosate -, elle n’a pas hésité à soudoyer des scientifiques, achetant leurs expertises pour minorer les risques d’utilisation de ce produit à fortes présomptions cancérigènes. Déjà Ségolène Royal avait tenté, mais en vain, de proscrire le Round-up dans l’agriculture de notre pays. Le paradoxe est que ce sont les agriculteurs – soit ses principaux utilisateurs -  qui le plébiscitent, au mépris de leur propre santé et s’opposent à son interdiction. Il faut espérer que, cette fois, la France et l’Union Européenne avec elle, ne renouvelleront pas la licence d’exploitation du produit-phare de Monsanto pour les dix ans à venir.

 

Erik PANIZZA

06/10/2017

Entre guerre et paix

 Nous vivons depuis quelques années une situation assez inédite en occident. Une situation assez ambigüe, qui n’est ni l’état de paix ni l’état de guerre, ou les deux à la fois. La guerre, un ennemi mystérieux nous l’a déclaré. Un ennemi qui n’a pas d’uniforme, pas de visage précis, dont notre seule certitude est qu’il déteste nos valeurs de tolérance et de liberté. Nous l’avons peut-être croisé dans la rue sans jamais le reconnaître. Et puis un jour, poussé par un dérèglement intérieur, il passe soudain à l’attaque, tue, est tué à son tour, justifiant sa barbarie par des motifs moins religieux qu’idéologiques.

Tout cela ne dure que quelques minutes, ponctuées par des cris d’horreur. A la peur et la stupéfaction succède vite la colère. Nous nous indignons, nous ne comprenons pas car, à nos yeux, rien ne peut justifier l’assassinat d’innocents. Après quoi, nous reprenons le fil ordinaire de nos vies, heureux d’être toujours vivants mais minés un peu plus par cette époque qui remet en question nos schémas habituels de pensée. La crainte et la  méfiance s’estompent – c’est normal – au profit du simple plaisir d’exister, avec ses habitudes plus ou moins agréables. Nous n’oublions pas les drames affreux qui ont rythmés l’actualité de ces dernières années, ces derniers mois, ces derniers jours. Mais quelque chose en nous est plus fort que le chagrin et l’angoisse. La vie reprend son cours ; jusqu’à ce qu’un autre crime dément ne vienne, une nouvelle fois, nous surprendre, nous meurtrir, nous endeuiller…

Telle est la forme prise par le terrorisme et ses conséquences sur chacun de nous en ce début du XXIeme siècle. Pas de grande machinerie spectaculaire à la Ben Laden, pas de frappe ciblée et de déclaration intempestive à la Carlos, mais des actions aussi meurtrières qu’imprévisibles, qui se rapprochent par leur mode opératoire des crimes de droit commun. Le monde a changé, mais nous ne parvenons pas à l’admettre. Nous ne pouvons nous résoudre à inscrire le terrorisme au nombre des risques de la vie en société.

Dimanche dernier, à Marseille, le meurtre sauvage de deux jeunes filles par un clandestin tunisien manipulé par Daesh a relancé l’inquiétude collective et les interrogations. Quoique touchée, ces derniers temps, par quelques gestes de folie individuelle (voiture bélier, jet d’acide), la vieille cité phocéenne avait été épargnée jusqu’ici par le terrorisme revendiqué. Grâce à l’efficacité des services de renseignements, pour préciser les choses. Ce sont eux, en effet, qui ont déjoué, comme en mai dernier, d’importants attentats en préparation. Mais dans le cas de l’attentat de la gare Saint-Charles, que pouvaient-ils faire ? Le meurtrier n’était pas un fiché S ; il n’était connu des services de police que pour des actes de petite délinquance. Qui aurait pu imaginer qu’un voleur à l’étalage se transforme, du jour au lendemain, en un monstre sanguinaire ? Cette brutale mutation est précisément la  signature du terrorisme contemporain, ce qui rend si difficile sa prévention.

Le 1er novembre prochain, l’état d’urgence doit prendre fin en France. Il sera vraisemblablement remplacé par des mesures de surveillance et d’intervention policières accrues. Pourtant, il n’est pas besoin de nouvelles lois relevant le niveau de sécurité, car le problème se joue de plus en plus souvent ailleurs que sur le terrain des fichés S, comme l’a montré l’attentat de Marseille. Il faudrait simplement que les lois concernant les criminels de droit commun soient un peu mieux appliquées. Si le tueur de Marseille, ressortissant tunisien en situation irrégulière, avait été placé en centre de rétention comme il se doit, deux jeunes femmes – deux vies riches d’avenir – seraient encore vivantes aujourd’hui.

 

Jacques LUCCHESI

22/09/2017

  Adversaires mais pas trop

                     

 

 Il y a des rendez-vous qu’un président de la république ne saurait laisser à son ministre des affaires étrangères. Des rendez-vous internationaux, devant les caméras du monde entier, où se joue une réputation planétaire. Le prestige d’un leadership mondial est à ce prix – d’où l’importance de bien soigner sa posture. Monsieur Macron sait parfaitement tout cela. En allant, mardi dernier, à l’assemblée générale de l’ONU à New-York, porter la bonne parole de la France dans le monde, il était difficile de ne pas entendre qu’il parlait aussi de son propre rayonnement. Ce faisant, il a opportunément délaissé les problèmes inhérents à sa politique intérieure et les manifestations qu’elle a générées cette semaine.

On le sait : la France, puissance économique et militaire moyenne, est néanmoins dotée d’un capital symbolique important. Elle reste, malgré bien des entorses à son propre credo, le pays de la liberté et des droits de l’homme. Il s’agit périodiquement de le réaffirmer sur la scène internationale et, depuis De Gaulle, les présidents successifs de la Cinquième République ne s’en sortent pas trop mal dans cet exercice. Mais cette rhétorique-là, pour ne pas être purement idéaliste, a besoin d’adversaires idéologiques réels contre lesquels argumenter. Pour Emmanuel Macron, ce fut naturellement Donald Trump, lequel avait ouvert le bal un peu avant avec un discours particulièrement virulent contre la Corée du nord et l’Iran. Cependant, pas question de nommer ouvertement le président des Etats-Unis et de gâcher ainsi les bonnes relations personnelles qu’il entretient avec lui. Aussi a-t’il pris, tout au long, de son discours, le contre-pied de son discours brutal. A sa politique de préférence nationale, il a opposé une vision ouverte et généreuse vis-à-vis des pauvres et des opprimés, particulièrement envers le migrant, « ce symbole de notre époque ». A la stratégie unilatérale et martiale de l’Amérique « trumpienne », une diplomatie multilatérale et une recherche des solutions pacifiques par le dialogue et la main tendue.

Qui, ayant un peu de bon sens, ne serait pas d’accord avec ces arguments ? Reste qu’amener un Kim Jong Un à la table des négociations n’est pas une mince affaire – sauf à compter avec la versatilité de ce type de dictateurs. Si Emmanuel Macron parvenait à lui faire entendre raison ; s’il parvenait à convaincre Trump de respecter les accords de la COP 21, nul doute alors qu’il serait élu homme de l’année et qu’il deviendrait, de fait, le dirigeant politique le plus en vue de la planète. Mais ne rêvons pas trop…

 

Jacques LUCCHESI