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28/04/2014

Otages : un business qui tourne, tourne

         

 

 Malgré quelques variantes, le scénario d’octobre dernier s’est répété en avril. Pendant plusieurs jours, le retour des quatre  journalistes français enlevés en Syrie a fait l’objet de toutes les attentions médiatiques. Quoi de plus normal puisqu’à travers eux, c’était l’ensemble de la profession qui s’auto-célèbre ! Comme à l’accoutumée, François Hollande est venu sur le tarmac même pour congratuler  les rescapés de l’enfer syrien. Avec une cote de popularité en chute libre, il avait, lui aussi, avait un bénéfice symbolique à retirer de sa présence parmi eux, même à la tête d’un état qui refuse prétendument de payer le moindre euro aux ravisseurs. Nous savons, dans les faits,  qu’il n’en est rien ; sans d’ailleurs pouvoir estimer à combien s’est chiffré cette libération très planifiée.

Car l’enlèvement est devenu un business rentable dans bon nombre de pays. Pas seulement en Afrique subsaharienne, pas seulement au Moyen-Orient, mais aussi en Amérique du Sud (Mexique, Colombie), où les motivations y sont ouvertement crapuleuses. Un business qui avoisinerait le milliard d’euros annuels. Un business qui s’ajoute à la liste, déjà longue, des méfaits de la criminalité organisée, qu’elle se pare ou non, de justifications idéologiques. Pas un  globe-trotter ne doit l’ignorer désormais.

Mais en ce domaine, hélas, la peine succède vite à la joie. Deux jours plus tard, nous apprenions la mort de Gilberto Rodrigues Leal, un retraité de 62 ans enlevé, fin 2012, par un groupe de rebelles maliens, le Mujao. S’il n’a pas été froidement abattu, les conditions de sa détention et le manque de médicaments- il était cardiaque – ont néanmoins précipité son trépas. Quel était son « crime » aux yeux de ses ravisseurs ? Être ressortissant d’une nation tenue pour ennemie ? Ou simplement faire du tourisme et mettre à profit sa retraite pour découvrir les beautés naturelles de l’Afrique ? Jamais le monde n’a été moins hospitalier aux voyageurs. Jamais l’idéal – occidental – du citoyen du monde n’a été plus éloigné, plus menacé, qu’en cette époque. Le Quai d’Orsay, bien sûr, a élevé la voix contre ses assassins : pour la forme. Il aurait dû s’en préoccuper bien avant, comme l’a rappelé la famille du  disparu. Espérons que Serge Lazarevic, le dernier otage français au Sahel (depuis 2011), profitera  de cette repentance diplomatique. Mais qui peut, néanmoins, croire que tous les otages français soient traités sur un pied d’égalité ?

 

 

                     Bruno DA CAPO

16:38 Publié dans numéro 12 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : otages, business, mujao, sahel

22/01/2013

Otages

 

                            

 

 Osons le rappeler : le phénomène des prises d’otages n’est pas nouveau dans l’Histoire. L’Antiquité l’a connu – Jules César lui-même fut capturé par des pirates qu’il fit, à peine libéré, pourchasser et exterminer-, de même que le Moyen-Âge et l’époque moderne, avec les combats opposant chrétiens et barbaresques en Méditerranée. Quand ils n’étaient pas échangés ou libérés contre rançon, les prisonniers – pour la plupart des combattants – étaient tout simplement réduits à l’esclavage. Sans remonter bien loin dans le passé, on constate que la recrudescence des prises d’otages va de pair, dans les années 70, avec la montée des mouvements terroristes, de quelque idéologie qu’ils se réclament. Ce parallèle caractérise les guerres dites « asymétriques », non pas entre deux états souverains mais entre un état et des groupes armés poursuivant des visées politiques. Dans ce cas, tous les moyens sont bons pour faire pression sur celui qui apparaît – parfois à tort - comme le plus fort, dont l’enlèvement et la séquestration de civils ou de ressortissants d’un pays allié. L’otage apparaît ainsi comme une monnaie d’échange vivante que ses ravisseurs chercheront à négocier au meilleur prix avec l’état concerné. Cela peut prendre la forme d’une grosse somme d’argent (comme pour l’anthropologue Françoise Claustre, enlevée par des rebelles tchadiens en 1974) ou la libération d’un nombre important de partisans emprisonnés, ce qui fut le cas, en 2011, pour le soldat franco-israélien Gilad Shalit. Même si cette expérience est sans doute l’une des pires que puisse connaître un être humain (séquestration dans un lieu inconnu, mauvais traitements, incertitude totale sur son avenir), elle se termine souvent bien et chacun soupire – rare moment d’empathie généralisée – avec les otages libérés. Ce ne sera pas, hélas, le cas, à In Amenas où l’on dénombre déjà – le bilan est encore provisoire –  38 otages tués, c'est-à-dire davantage que leurs ravisseurs (29, pour le moment). Pour ne pas céder au chantage des terroristes et alimenter ainsi leur capacité de nuisance, l’armée algérienne a donné l’assaut, samedi 19 janvier,  au site gazier où ils étaient retenus sans chercher à temporiser. Même si cette attaque a permis de libérer 685 employés algériens et 107 otages étrangers, on imagine sans peine la colère, tant des états concernés et non informés (le Japon, la Grande Bretagne, entre autres) que celle des familles qui ont ainsi perdu un proche dans cette riposte sans concession. Ce bilan est lourd, trop lourd pour ne pas mettre en cause la méthode choisie par l’état algérien. On frémit d’avance pour tous ceux qu’un groupe de fanatiques retient loin de chez eux si elle venait à être généralisée. De façon toute diplomatique, François Hollande a salué cette initiative musclée. Aurait-il été aussi satisfait de ce dénouement sanglant si, parmi les otages, il y avait eu l’un de ses fils ? Ce n’est pas sûr. La raison d’état ne peut pas tout justifier en démocratie. Mais il est vrai que l’Algérie de Bouteflika n’est pas exactement une nation démocratique.

 

                                       Bruno DA CAPO