17/01/2017
Persona non grata
La nouvelle n’a pas fait grand bruit, voici deux semaines. Pourtant, elle est hautement significative des accointances douteuses et des dérives qui gangrènent la vie politique française à l’approche d’une élection capitale. Marine Le Pen est désormais tenue pour indésirable par le gouvernement (pro-occidental) de Kiev et, à ce titre là, interdite d’accès au territoire ukrainien. Motif : elle aurait publiquement estimé que la Crimée est une zone russe et que son annexion par Poutine, à l’issue d’un pseudo référendum en 2014, est somme toute légitime. Ce n’est pas la première fois que la patronne du FN est rejetée par un pays étranger : on se souvient encore avec quelle véhémence les québécois l’avaient accueillie, l’an dernier, à Montréal. Peu importe, me rétorquera-t’on : l’important c’est toujours d’être maître chez soi. Mais est-ce encore si sûr ? Car si Marine Le Pen est aussi ouvertement russophile, c’est parce qu’elle a un intérêt à l’être. Voici deux ans, elle a bénéficié, pour financer sa campagne, d’un prêt de neuf millions d’euros par la banque russe FRCB. Le problème c’est que, depuis, la banque en question a fait faillite et que son principal créancier se retrouve être, à présent, le maître du Kremlin. Mieux vaut, dans ce cas, ne pas trop l’irriter par des subtilités géopolitiques si elle veut espérer l’annulation de sa considérable dette. Voilà comment on se rend dépendant d’une puissance étrangère et qu’on l’introduit dans le jeu politique hexagonal. Un comble pour celle qui s’est faite la championne de l’indépendance nationale !
Bruno DA CAPO
16:05 Publié dans numéro 17 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ukraine, le pen, dette, banque
18/02/2015
Le casse-tête ukraino-russe
Comme tous les Russes, Poutine est un jouer d’échecs. A moins qu’il n’ait un faible pour le poker, mais pas le strip-poker, car ce serait se dévoiler imprudemment... Il n’en demeure pas moins qu’il a deux cartes dans son jeu : l’une militaire et l’autre diplomatique. Angela et François ont moins d’atouts en mains. Ils veulent garder la main grâce à leur seule carte dont ils disposent : la carte diplomatique. Est-ce suffisant ? Non, proclament les Américains, convaincus que Poutine ne connaît qu’un langage : celui des armes. Donc en armant l’Ukraine, ils pensent contrer Poutine. La Chancelière et notre Président — petits télégraphistes, aurait-on dit en d’autres temps — s’accrochent à cette idée que la seule voie demeure diplomatique. Quoiqu’on attende un cessez-le-feu promis pour samedi 14 février à minuit, les combattants pro-Russes gagnent du terrain. Sur place, personne ne croit qu’on en restera là (on en a désormais la preuve, ndlr). Autrement dit, il semblerait que notre diplomatie bicéphale ait pris du plomb dans l’aile. Doit-on embraser la région pour autant ? Le doute ne peut manquer de marquer nos esprits quand on connaît combien toutes nos interventions en Irak, en Lybie, en Syrie, sans parler de l’Afghanistan, ont semé troubles, crimes, désordres et anarchie après notre passage. Que faire ? En matière de casse-tête, on pourrait s’inspirer des Chinois mais on serait mal inspirés : eux-mêmes en sont à une sévère épuration toute intérieure, ce qui se traduira bientôt par un durcissement inéluctable vers l’international... Certes un casse-tête dit bien se qu’il veut dire. Reste à savoir si les têtes qu’on casse sont bien pleines ou bien faites !
Yves CARCHON
14:29 Publié dans numéro 15 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poutine, strip-poker, ukraine, diplomatie
21/04/2014
Bruissements (35)
PS : afin de récompenser Harlem Désir de son passage – nullissime – à la tête du PS, Manuel Valls lui a trouvé un emploi sur mesure dans sa nouvelle équipe gouvernementale : secrétaire d’état aux affaires européennes (à 9400 euros par mois, tout de même). Si quelqu’un sait en quoi consiste cette fonction, qu’il me le fasse savoir. Il fallait malgré tout un nouveau premier secrétaire au PS. Le choix s’est vite porté sur Jean-Christophe Cambadélis - rival malheureux de Désir lors de la précédente élection. Pour la circonstance, on a préféré en haut lieu un vote à huis-clos du conseil national du PS à celui, habituel, des militants. Une nomination à peine déguisée en somme. Et un nouvel « oubli » des promesses de campagne de François Hollande.
Gattaz : s’il en est un à qui l’annonce du pacte de responsabilité a donné des ailes, c’est bien Pierre Gattaz. Parfaitement décomplexé, le patron des patrons a ainsi proposé un SMIC allégé pour les jeunes afin, censément, de faciliter leur entrée sur le marché du travail. Même à titre provisoire, ce projet a, bien entendu, hérissé unanimement les syndicats contre lui. Mais la critique la plus pertinente est venue de Laurence Parisot elle-même, laquelle a dénoncé, dans le projet de son successeur, « une logique esclavagiste ». Tout est dit.
Euro : les critiques vis-à-vis d’un euro jugé responsable des problèmes économiques de l’UE ne sont pas nouvelles. Mais jusqu’à présent, elles venaient des opposants à la politique de Bruxelles, pas du président de la Banque Centrale Européenne lui-même. C’est ce qu’a pourtant osé dire, non sans nuances, Mario Draghi, samedi 12 avril à Washington. Selon lui, un euro trop fort (rappelons que notre monnaie équivaut actuellement à 1,39 dollar) freinerait les exportations européennes. Même en maintenant – c’est le but – un taux d’inflation en dessous de 2%, cet euro fort joue contre les prix (pas assez élevés) et complique le désendettement des secteurs public et privés. D’où une possible action monétaire de l’UE pour débloquer cette situation. Voilà de quoi faire plaisir à Michel Sapin qui tient ainsi la meilleure des excuses pour justifier la croissance française en berne.
Algérie : « le meilleur des princes est celui que l’on ne voit jamais. ». Disait Lao Tseu. Abdelaziz Bouteflika a-t’il lu le vieux philosophe chinois ? Toujours est-il qu’il semble avoir mis en application son précepte durant cette récente campagne présidentielle. Et ça lui a réussi puisque, malgré une opposition virulente, malgré l’âge et la maladie, il a été réélu – pour la 4eme fois – à la tête de l’état algérien. Reste que si 81% de suffrages se sont portés sur son nom, ça ne représente jamais que 8 millions d’électeurs sur 22 millions inscrits. Autrement dit, une majorité d’Algériens, découragés par l’immobilisme et le manque de transparence du régime, ne sont pas allés aux urnes, vendredi 17 avril. Quant aux autres, ils ont fait le choix de la prudence, ne voulant pas vivre l’aventure politique de la Tunisie voisine. C’est dire que la démocratie ne sort pas gagnante de cette élection. Même si les marchés occidentaux en sont plutôt satisfaits…
Syrie : notez bien qu’il y a pire, en matière d’élections. La candidature annoncée de Bachar El Assad à sa propre succession, par exemple. Son programme : du sang, des larmes et du désespoir, le tout agrémenté par quelques petites bouffées de gaz Sarin. Qu’un tel homme, après trois années de guerre civile et de massacres perpétrés sur son peuple, puisse vouloir inscrire son pouvoir absolu dans un cadre démocratique, voilà qui laisse songeur. On voudrait en rire si ce n’était aussi sinistre. Imagine-t’on Hitler organisant des élections libres en Allemagne, en juillet 1944 ? Oui, le pouvoir rend fous ceux qui l’exercent sans contrôle.
Ukraine : les affrontements se poursuivent entre partisans pro-russes et représentants du nouveau régime dans l’est du pays. L’annexion de la Crimée par Poutine ne pouvait pas faire tâche d’huile dans cette zone encore instable de l’Europe post-soviétique. Pour tenter d’enrayer l’escalade militaire, une conférence réunissant les quatre représentants des états concernés (Ukraine, Russie, UE, USA) a été organisée à Genève le 17 avril dernier. Mais malgré un semblant de bonne volonté russe, elle n’a pas fait taire les armes et pourrait bien accélérer le processus de fédéralisation souhaité par Moscou. Peut-être qu’une partie de poker menteur ?
Air : Une bonne nouvelle, malgré tout, dans ce concert démoralisant ; une nouvelle drôle et insolite comme on aimerait en entendre plus souvent. C’est de Forcalquier, dans les Alpes de Haute Provence, qu’elle vient. Un artiste chinois, Liang Kegang, séduit par la pureté de l’air alpin, a ni plus ni moins décidé de l’enfermer dans des bocaux à destination de son pays d’origine. Il faut dire que la Chine, où la pollution atteint des niveaux record, n’a que faire des recommandations du GIEC et du protocole de Kyoto. Un premier bocal d’air pur a ainsi été vendu aux enchères à Pékin pour la somme – non négligeable – de 610 euros. De là que ce canular d’artiste ne tourne pas à l’industrialisation, il n’y a pas loin. Mais depuis le temps que les politiques nous vendent du vent, il n‘est pas mauvais que les artistes viennent leur faire des appels d’air.
Erik PANIZZA
17:05 Publié dans numéro 12 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gattaz, algérie, ukraine, air