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26/09/2012

Bruissements (11)

 

        

 

 

  Droit de vote : c’était, on le sait, une proposition du candidat Hollande. En ce début d’automne, la question du droit de vote des étrangers aux élections locales revient à la table des négociations. Pour la Gauche, cette mesure serait juste et favoriserait l’intégration : s’ils travaillent et paient des impôts en France, qu’ils participent à la vie de la cité. La Droite y demeure, dans son ensemble, résolument hostile. Pour elle, les élections communales ne sont pas à prendre à la légère et cela fausserait le débat républicain. Certes, la première République accordait le droit  de vote aux étrangers, mais ce n’était pas sans conditions. Il fallait, pour cela, qu’ils déclarent choisir les valeurs républicaines, abjurent leurs appartenances passées et acceptent, en cas, de conflit, d’être enrôlés dans les armées révolutionnaires. Au final un droit cher payé quand on sait que l’état de guerre fut permanent entre 1792 et 1815. Du reste, le droit de vote pour les étrangers existe déjà dans la France actuelle, mais pour les seuls ressortissants de l’Union Européenne. Ben quoi, on veut l’Europe ou non…

 

Cumul : une autre proposition « hollandiste » revient avec force dans le débat politique : le non-cumul des mandats. Fortement soutenue par Martine Aubry, elle n’en divise pas moins les élus socialistes, François Rebsamen et Gérard Collomb en tête, qui pensent qu’elle devrait souffrir des exceptions : il est vrai qu’ils sont tous les deux sénateurs-maires, respectivement de Dijon et de Lyon. Faut-il, au nom de l’austérité et de la moralité publique, se passer d’une expérience locale qui peut être répercutée à un niveau national ? C’est la question que posent au président les nombreux cumulards socialistes – 70% du nombre global de leurs élus -, en espérant que sa décision ménage, une fois de plus, la chèvre et le chou. Mais quid de tant d’avantages quand la récession économique menace le pays? En attendant, Claude Bartolone, président de l’Assemblée Nationale, a fait voter une diminution de 10% des indemnités parlementaires. Puisqu’il faut donner l’exemple, allons-y mais à petits pas.

 

Corrida : malgré les protestations des nombreux adversaires de la corrida (dont des personnalités comme Brigitte Bardot, Alain Delon et Jean-Paul Belmondo), le Conseil Constitutionnel n’a pas cru bon de l’interdire « là où cette tradition s’exerce de façon continue ». Cela concerne, évidemment, des villes comme Nîmes et Arles dont les férias font, chaque année, les beaux jours du commerce local. Car la législation française est riche en exceptions, interdisant ici ce qu’elle tolère ailleurs, sur le territoire national ou dans les départements d’outre-mer. Autrement dit, à Lille, on ne préparera la daube qu’avec du bœuf proprement abattu, tandis qu’en Camargue, on continuera à l’accommoder avec de la viande taurine en provenance des arènes. Si vous voyez la différence…


Monsanto : la polémique rebondit autour de Monsanto et son fameux maïs transgénique. Une récente étude a livré les résultats d’une expérience menée sur des rats pendant plusieurs années. Les malheureux rongeurs nourris au bon grain anti-pesticide ont tous développés des tumeurs et des malformations diverses. Faut-il craindre, dès lors, les mêmes pathologies chez les hommes qui consomment le maïs de la firme américaine? Oui, même dans une moindre mesure. Une commission d’experts doit en débattre bientôt et, en principe, geler la diffusion des produits Monsanto dans l’Union Européenne. Du moins si la santé publique prime sur l’économie…

 

Salles de shoot : c’est une autre proposition portée par les écologistes qui fait grincer des dents la plupart des politiques français : l’ouverture de salles de shoot. Celles-ci ne concernent pas les footballeurs en herbe mais les vieux briscards du crack et de l’héroïne. Si le projet de Marisol Touraine, ministre de la santé, venait à être avalisé, ils pourraient trouver là de quoi satisfaire leur addiction, mais avec les risques sanitaires (overdose, contamination à l’hépatite C et au VIH) en moins. A un autre niveau, on espère ainsi réduire leur consommation et leur recours habituel à des dealers – ce qui contrerait un peu le marché de la drogue. Les adversaires de ce projet insistent sur le caractère socialement inadmissible des drogues, dures ou douces, et la dépendance  légalement entretenue des toxicomanes. En ce domaine, la France est loin d’être à l’avant-garde, puisque ce type de protocole existe depuis longtemps en Suisse, en Allemagne et aux Pays-Bas. D’ores et déjà, une salle de shoot est prête à fonctionner à Paris, près de la gare du Nord. D’autres pourraient rapidement être ouvertes dans la capitale, ainsi que dans des villes comme Marseille, Bordeaux et Toulouse. Reste à savoir si la psychologie transgressive de la plupart des toxicomanes s’accommodera de cette prise en charge quasiment hospitalière.

 

 

 

                           Erik PANIZZA

18/09/2012

Le Bacile de la haine

 

                               

 

 Si Sam Bacile, promoteur immobilier et réalisateur israélo-américain, souffrait d’un manque de notoriété, le voici à présent comblé au-delà de ses espérances. Son film, « L’innocence des Musulmans » n’a même pas eu besoin d’une sortie nationale en salles pour devenir le film de l’année. Un extrait de dix minutes sur You Tube  aura suffi pour provoquer le scandale. Il faut dire que son personnage central n’est pas n’importe qui : Mahomet lui-même, Prophète de l’Islam et dont la représentation est interdite par la doxa musulmane. Mais nous vivons à une époque où rien n’échappe à l’emprise de l’image ; ce n’est d’ailleurs pas la première fois que Mahomet est montré à l’écran, dans des productions occidentales. Non, le problème est bien de l’avoir dépeint sous son plus mauvais jour, d’une façon qui ne pouvait que le ridiculiser. Aucune innocence dans ce parti-pris tant éthique qu’esthétique, mais bien la volonté de lancer un pavé dans la mare avec le soutien de financiers juifs et de fondamentalistes chrétiens (comme le pasteur Terry Jones qui s’était fait connaître en brûlant publiquement un Coran, l’an dernier). Tout pour plaire, en somme.    

La réponse à ce brûlot filmique ne s’est pas fait attendre. Les Musulmans sont tellement prévisibles quand on touche aux piliers de leur religion. D’abord dans le Moyen-Orient puis dans tous les pays à dominante islamique : cela fait beaucoup de gens sur cette planète. Partout des cris de haine et des émeutes devant les ambassades américaines, partout des manifestations durement réprimées par les pouvoirs en place, avec des victimes civiles qui s’ajoutent aux quatre morts américains lors de l’attentat de Benghazi, mercredi dernier – attentat où plane l’ombre d’Al Qaida. Et le gouvernement américain de dépêcher une escadre en Méditerranée pour protéger ses ressortissants menacés. La crise diplomatique menace. Avait-on besoin de ce regain de tension dans des pays qui peinent déjà à se reconstruire ? Des pays où la guerre civile est à l’état endémique. Sûrement pas ! Dans ce cas, il faut se poser la bonne vieille question : à qui profite le crime ? L’hypothèse d’une manipulation par l’extrême-droite américaine n’est pas à exclure par ces temps de campagne présidentielle. Tout leur est bon pour tenter d’affaiblir leur adversaire naturel en la personne d’Obama. Tout leur est bon pour accroître l’idée, dans le monde, que le « choc des civilisations » est inévitable. Face à eux, il y a d’autres extrémistes, musulmans ceux-là, qui rêvent aussi de faire triompher leurs valeurs à l’échelon planétaire et qui se posent, à la moindre occasion, en gardiens de la tradition. Pour eux aussi, le « film » de Sam Bacile est une aubaine propre à accroître davantage leur influence sur des populations en quête de repères. Personnellement, j’attends le jour où les Musulmans traiteront simplement par le mépris ce genre de provocations ; ce sera le signe, non pas de leur innocence, mais de leur maturité politique. Pour l’heure, force est hélas de constater que c’est bien la démocratie, de quelque bord qu’on se tourne, qui sort blessée de tout ce tumulte. Son honneur aura été d’avoir permis la création et la diffusion de l’ignoble brûlot de monsieur Bacile.

 

 

                                       Salim Ben Bella

13/09/2012

La morale selon Peillon

 

               

 

 

 Si l’école n’était que ce lieu d’apprentissage des savoirs fondamentaux, ce serait déjà beaucoup pour occuper, tant les élèves que les enseignants. Mais elle est aussi – ou surtout ? – ce creuset institutionnel où l’on prépare nos enfants à la vie en société. Tâche immense, capitale, décisive pour le renouvellement d’une nation et peut-être l’amélioration du niveau et des conditions de vie de ses membres. La vie moderne implique, bien sûr, la maitrise de ces savoirs basiques (sans eux rien ne serait possible), mais elle les excède de beaucoup et sa complexité est, à bien des égards, déroutante. Dans ces conditions, ménager une place pour la morale dans le programme scolaire, comme le propose Vincent Peillon, peut s’avérer pertinent : encore faut-il savoir de quelle morale on parle. Si cette morale n’était qu’un retour au vieux catéchisme républicain, avec ses poncifs sur le bien et le mal, son patriotisme bêlant et sa croyance en la supériorité de la civilisation occidentale, elle serait évidemment malvenue et inefficace. Mais si elle intègre les changements et la diversité culturelle qui caractérisent notre époque, si elle donne des moyens intellectuels pour se décider librement en face de situations qui peuvent surgir dans la vie quotidienne, si elle rappelle enfin le caractère consubstantiellement républicain de la laïcité et de la tolérance, alors elle peut constituer une discipline à part entière qui prouvera tôt ou tard sa nécessité. C’est, je crois, le parti-pris de Vincent Peillon et ses détracteurs – comme Luc Châtel – lui font dans ce cas  un mauvais procès. Non la morale n’est pas  réactionnaire en soi. Non la morale n’est pas de droite.  Elle est au dessus des oppositions partisanes. Sa vocation est l’universel. Dès lors, qu’un ministre de gauche cherche à la réhabiliter peut faire grincer bien des dents,  mais ce n’est pas, pour autant, un paradoxe. Dans un monde où le fric roi et la loi du plus fort franchissent – avec quelle facilité ! – les portes des écoles communales ; dans un monde où les tensions de tous ordres ruinent l’attention qu’exige l’étude, la morale s’impose d’elle-même comme un correctif à toutes ces dérives. Que l’impulsion vienne d’en haut signifie moins une volonté de formatage idéologique que la prise en compte, là aussi, d’un état de crise.  

 

 

                                              Bruno DA CAPO