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07/05/2015

Où va l’école ?

                           

 

 L’école française va mal. Etablissements délabrés et surpeuplés, enseignants débordés ou trop peu formés, programmes allégés, intrusion de plus en plus critique de la société civile dans ses murs, présence perturbante des parents d’élèves à tout propos. Sans même parler de la violence qui s’y invite régulièrement. C’est tout cela qui fait chuter, année après année, notre enseignement. Que sont devenues ce qu’on appelait autrefois les « humanités », ces disciplines (comme la philosophie et l’étude des langues anciennes) sans débouchés à court terme mais capitales  pour former l’esprit humain ? Elles régressent de plus en plus au profit des savoirs factuels et utilitaires (comme l’informatique). En cela l’école moderne manque à sa mission fondamentale : l’éveil et l’arrachement du jeune humain aux forces de la nature. Ce n’est pas une mince affaire que d’amener de jeunes esprits, brouillons, rebelles, polarisés sur le paraître, jusqu’à la libre réflexion. Ce n’est pas facile de leur donner le goût de la culture, donc de l’intérêt pour des formes de vie et de pensée inactuelles. Encore faut-il continuer à partager un socle commun de connaissances, des repères et des dates qui font l’identité française.

On pouvait jusqu’à présent compter sur l’histoire pour cela ; même si on riait en douce de ses « mythes » comme « nos ancêtres les Gaulois » popularisé par Ernest Lavisse en son temps. Mais est-ce que le relativisme culturel vaut mieux que l’approche fédératrice et républicaine ? C’est en tous les cas l’option prise par Najat Vallaud-Belkacem. Sous prétexte de faire la part de la diversité culturelle, la ministre de l’éducation va, dès la rentrée prochaine, mettre au nombre des modules obligatoires un enseignement de l’Islam dans le secondaire. Tandis que le Moyen-Âge chrétien, la Renaissance et les Lumières seront laissés au choix des élèves. Certes il est justifié, à l’heure où les ténèbres intégristes étendent leur chape de plomb sur les esprits incultes, de donner aux élèves français une vision plus rationnelle et plus apaisée de l’Islam. Mais cette religion est quand même un épiphénomène dans l’histoire du monde occidental. N’est-ce pas son enseignement qui devrait être mis en option, contrairement à d’autres périodes plus fondatrices de notre sensibilité ? On sent trop, dans cette réforme, une complaisance politique vis-à-vis d’une minorité soucieuse de faire entendre sa vision de l’histoire. Au grand dam d’une idée universaliste de notre  civilisation. Communément, cela s’appelle déshabiller Paul pour habiller Jean. Nous n’en avons pas encore fini avec l’esprit de repentance vis-à-vis de notre passé colonial.

 

                        Bruno DA CAPO     

13/09/2012

La morale selon Peillon

 

               

 

 

 Si l’école n’était que ce lieu d’apprentissage des savoirs fondamentaux, ce serait déjà beaucoup pour occuper, tant les élèves que les enseignants. Mais elle est aussi – ou surtout ? – ce creuset institutionnel où l’on prépare nos enfants à la vie en société. Tâche immense, capitale, décisive pour le renouvellement d’une nation et peut-être l’amélioration du niveau et des conditions de vie de ses membres. La vie moderne implique, bien sûr, la maitrise de ces savoirs basiques (sans eux rien ne serait possible), mais elle les excède de beaucoup et sa complexité est, à bien des égards, déroutante. Dans ces conditions, ménager une place pour la morale dans le programme scolaire, comme le propose Vincent Peillon, peut s’avérer pertinent : encore faut-il savoir de quelle morale on parle. Si cette morale n’était qu’un retour au vieux catéchisme républicain, avec ses poncifs sur le bien et le mal, son patriotisme bêlant et sa croyance en la supériorité de la civilisation occidentale, elle serait évidemment malvenue et inefficace. Mais si elle intègre les changements et la diversité culturelle qui caractérisent notre époque, si elle donne des moyens intellectuels pour se décider librement en face de situations qui peuvent surgir dans la vie quotidienne, si elle rappelle enfin le caractère consubstantiellement républicain de la laïcité et de la tolérance, alors elle peut constituer une discipline à part entière qui prouvera tôt ou tard sa nécessité. C’est, je crois, le parti-pris de Vincent Peillon et ses détracteurs – comme Luc Châtel – lui font dans ce cas  un mauvais procès. Non la morale n’est pas  réactionnaire en soi. Non la morale n’est pas de droite.  Elle est au dessus des oppositions partisanes. Sa vocation est l’universel. Dès lors, qu’un ministre de gauche cherche à la réhabiliter peut faire grincer bien des dents,  mais ce n’est pas, pour autant, un paradoxe. Dans un monde où le fric roi et la loi du plus fort franchissent – avec quelle facilité ! – les portes des écoles communales ; dans un monde où les tensions de tous ordres ruinent l’attention qu’exige l’étude, la morale s’impose d’elle-même comme un correctif à toutes ces dérives. Que l’impulsion vienne d’en haut signifie moins une volonté de formatage idéologique que la prise en compte, là aussi, d’un état de crise.  

 

 

                                              Bruno DA CAPO  

22/06/2011

Une pensée pour Carla




Un gamin de quatorze ans tue une camarade du même âge à la sortie de l’école : voilà une nouvelle qui fait froid dans le dos ! L’histoire se passe en France en 2011 à Florensac, dans le collège Voltaire, plutôt tranquille et sans histoires. Le gamin faisait de la boxe comme d’autres font du foot ou du basket. Soit. Mais quand il a cogné, il savait bien ce qu’il faisait. On imagine qu’un entraîneur apprend à ses poulains les coups à éviter et ceux qu’il ne faut pas donner. Il a apparemment « mis le paquet ». En frappant à mort sa petite camarade, il a plongé deux familles dans le drame : la sienne et celle de sa victime. En y allant trop fort, il a stoppé deux vies : celle de Carla à tout jamais, la sienne qui portera ce crime jusqu’à sa mort. Une tragédie qui, lorsqu’on a posé les faits, renvoie à notre société qui est violente et secrète en son sein ces drames qui trop souvent font l’écume des journaux. A qui la faute ? A ce gamin ? A l’apprentissage de la boxe ? Ou au modèle compétitif, montré comme exemplaire, qui veut que nous devons être battants, gagnants, champions de tout et de n’importe quoi ? Nos sociétés reposent sur ces valeurs de va-t-en guerre ; elles exaltent la force, la puissance sur l’autre. Non seulement nous nous devons d’être beaux, séduisants, sans un gramme de graisse, mais il nous faut aussi montrer sa force et gonfler ses biceps pour être sûr d’écraser son prochain. Ce qui se passe à la corbeille de nos Bourses, ou dans nos ministères, ou dans nos grandes entreprises, - à tous les échelons de notre mode de société – c’est le  fameux struggle for life, où l’on s’assure les places de choix et gros bonus, les bonnes tables, les résidences huppées et les escort-girls. Bref, un modèle cynique et édifiant pour la jeunesse ! On me dira : quel est le lien avec ce drame ? Le lien, c’est que tant qu’on décidera de vivre sur le culte de la force, tant que la compétition sans limites nous fascinera à ce point, nous devrons récolter ce qui aura été semé au cœur même de l’enfance : violence, brutalité et crimes.

                                             Yves Carchon

18:59 Publié dans numéro 20 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : carla, ecole, boxe, violence