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03/07/2012

Bruissements (7)

 

                 

 

Egypte :  au terme d’une transition tumultueuse de 15 mois, les Egyptiens ont donc porté au pouvoir le candidat des Frères Musulmans, Mohamed Morsi, un ingénieur de 60 ans, au passé de militant antisioniste. Il est vrai qu’il avait, pour principal adversaire, Ahmed Chafiq, ex- premier ministre de Moubarak, ce qui ne laissait pas beaucoup de latitude aux électeurs. Une nouvelle fois, l’islamisme triomphe dans un grand pays arabe. Quid de la liberté individuelle et du respect des minorités sociales et religieuses (comme les Coptes) ? Se passera-t’il en Egypte ce qui se produit déjà en Tunisie, à savoir les menaces contre tous ceux et celles qui ne s’inscrivent pas dans une stricte obédience islamique ? On peut, hélas, le craindre malgré les déclarations consensuelles de Mohamed Morsi à l’encontre des pays occidentaux. La Charia ou l’armée (encore très puissante en Egypte) : est-ce donc la seule alternative pour les peuples du Moyen-Orient ? Est-ce ainsi que devait s’achever un printemps arabe porteur d’espoir et de démocratie ? A moins de considérer la révolution sous son angle étymologique, comme un retour à un état initial. Dans ce cas….

 

Mesures : mais revenons en France et à ces mesures annoncées qui arrivent à point nommé dans le contexte des hausses annuelles des prix en juillet. On en connaissait déjà quelques-unes – comme l’augmentation de l’allocation scolaire de rentrée. Pour le reste, pas de grandes surprises et même de petites déceptions, avec un SMIC majoré d’à peine 20  euros ou le retour de la retraite à 60 ans – et encore seulement pour ceux qui totalisent 41 annuités. Quant au projet de plafonner le livret A à 30 600 euros, il sera ramené plus modestement à  20 000 dès l’automne prochain. On sent le gouvernement socialiste passablement gêné aux entournures, obligé de composer avec le contexte économique actuel au grand dam de son aile gauche qui crie déjà à la trahison. Néanmoins, Jean-Marc Ayrault, dans son discours de politique générale à l’Assemblée Nationale, a réaffirmé les principaux engagements du candidat Hollande au cours de sa campagne présidentielle : retour à l’équilibre budgétaire en 2017, taxation à 75% des revenus annuels de plus d’un million d’euros, création de 60 000 postes de fonctionnaires sur 5 ans. Car le changement, selon lui, ne peut se faire que dans la durée et sans précipitation. Le ton était sobre mais vibrant et volontaire aussi, durant les 90 minutes de son allocution – ponctuée, c’est de bonne guerre, par le chahut des députés de l’opposition. Beaucoup d’idées et de propositions généreuses, entre patriotisme économique et refus de l’austérité, mais qui ne prendront vraiment sens qu’à l’épreuve de la réalité.

 

Continuité : Notez bien que les ministres socialistes n’entendent pas détricoter systématiquement toutes les mesures de leurs prédécesseurs de droite. Ainsi, Manuel Valls, à l’Intérieur, ne compte pas revenir sur la circulaire Guéant limitant à 30 000 le nombre des sans-papiers régularisés chaque année. Quant à Najat Vallaud-Belkacem, actuelle ministre des droits de la femme, elle compte tout simplement poursuivre l’entreprise d’éradication de la prostitution et la pénalisation des clients commencée par Roselyne Bachelot. Au-delà même de sa naïveté déconcertante vis-à-vis d’un tel phénomène social, comment ne pas dénoncer cette moralisation dirigiste de la vie sexuelle des Français, prévisible de la part d’une certaine droite, insupportable quand elle émane d’une ministre socialiste, fut-ce au nom de la dignité des femmes ? Du reste, sa critique la plus cinglante est venue d’une ex-ministre de droite, Rachida Dati, qui a simplement dit, de Najat Vallaud-Belkacem, « qu’elle ne connaissait rien à la prostitution ». Difficile, pour une fois, de lui donner tort.

 

Minitel : fin de partie pour le Minitel entré dans nos maisons au début des années 80. Ah ! Elle nous aura fait fantasmer, cette petite boite brune, sorte de super- annuaire électronique géré verticalement par France-Télécom. Pas moins de 25 000 services étaient accessibles par lui, ce qui simplifiait déjà pas mal la vie des usagers les plus branchés. Mais, rapidement, ce fut la frange « rose » du Minitel qui l’emporta sur toutes les autres. Avec la floraison des affiches coquines dans nos villes, le 36 15 devint pendant une dizaine d’années le nouveau code des libertins. L’arrivée d’Internet en France, dans les années 90, prit assez vite le pas sur ce petit bijou de la télématique française. Autant en tirer la conclusion qui s’imposait. Aussi, le 30 juin dernier, le Minitel,  désormais sous respiration artificielle, a été définitivement débranché après trente années de bons et loyaux services. La fin d’une époque mais peut-être, aussi, le début d’un de ces « mythes » chers à Roland Barthes.

 

 

 

                               Erik PANIZZA 

21/06/2012

Piégée

 

      

 

 

« Allo, madame Morano ? C’est Louis Aliot à l’appareil… »

A la voix rondement méridionale fait bientôt écho une voix féminine plus haut perchée : celle de la députée de Meurthe et Moselle, ex-ministre de Sarkozy. Celle-ci semble tout d’abord surprise que son interlocuteur ait pu se procurer son numéro personnel. Mais elle prend le temps d’écouter ses arguments :

« Je voulais savoir si on pouvait trouver un accord…Je pense que nous avons des intérêts communs…N’est-ce pas que Marine Le Pen a beaucoup de talent ? »

A chacune de ses affirmations, Nadine Morano acquiesce poliment. On la sent sur la même ligne politique que le leader lepéniste. A ceci près – car elle finit par réagir – qu’elle a envie d’une France ouverte, même protégée. Elle n’oublie pas, en effet, ses origines italiennes ni la volonté d’intégration républicaine de son grand-père maternel. Alors oui, un échange de points de vues avec le FN dans quelques temps, pourquoi pas ? Ce petit dialogue amical et instructif prend fin au bout de quelques minutes, la députée UMP devant poursuivre sa tournée de campagne : nous sommes à trois jours du second tour des législatives. Le hic, c’est que – Nadine Morano va vite l’apprendre -, ce n’était pas  Louis Aliot qui l’appelait et l’invitait à pactiser avec le FN, mais l’humoriste Gérald Dahan – lequel a plus d’une voix d’homme politique à ses cordes (vocales). Fureur de l’ex-ministre lorsqu’elle réalise qu’elle a été piégée. Certainement, selon elle, un coup des socialistes. Et de déclarer sur le champ porter plainte contre l’habile imitateur. L’affaire ne manque pas de saveur. Elle dit en substance que le vieux proverbe « prêcher le faux pour savoir le vrai » n’a rien perdu de sa pertinence. Mais elle pose aussi des problèmes éthiques : jusqu’où les humoristes peuvent-ils aller pour faire rire ? Peut-on susciter ou capter  une conversation privée pour la diffuser dans les médias ? Car un canular n’est pas innocent ; il peut sérieusement effriter une réputation, surtout quand celle-ci est déjà vacillante. Cette façon de rire aux dépens d’autrui n’est certes pas nouvelle. Les époques passées ne manquaient pas d’imagination en ce domaine. Mais cette drôle d’histoire n’en est pas moins révélatrice de la dérive, de plus en plus accélérée, entre le showbiz et la politique. Laquelle a bien plus à perdre que le premier dans cette tectonique  des talents. Sous cet angle-là, la réaction de Nadine Morano est parfaitement compréhensible et justifiée. Mais il est vrai aussi qu’elle a, par ses outrances verbales passées, fourni elle-même les verges pour se faire battre.

 

                                Erik PANIZZA

17:25 Publié dans numéro 10 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : morano, aliot, dahan, canular

18/06/2012

La vague rose

 

                   

 

 

 

 Ainsi ces élections législatives ont confirmé, malgré un taux d’abstention élevé (41%), la victoire de la gauche dans les urnes. Confirmé et même étonné par l’ampleur de cette déferlante. Avec 314 sièges, le Parti Socialiste se taille la part du lion, laissant loin derrière une UMP passablement sonnée (214 sièges), même si ses principaux ténors (Jean-François Copé, François Fillon, François Baroin, Laurent Wauquiez, Nathalie Kosciusko-Morizet) ont été réélus. Quant aux ministres de l’actuel gouvernement Ayraud, ils n’ont pas failli à leurs défis électoraux puisqu’ils ont été tous élus, certains dans des circonscriptions difficiles comme Marie-Arlette Carlotti face à Renaud Muselier à Marseille. Dans la nouvelle assemblée nationale, il y aura, bien sûr, quelques absents considérables : Ségolène Royal battue à La Rochelle, sans doute à cause d’ambitions trop manifestes, François Bayrou qui n’a pas pu s’imposer chez lui, dans les Pyrénées Atlantiques et qui semble à présent très isolé ou Jack Lang, revenu trop tardivement dans ses Vosges natales. Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, les deux médiatiques adversaires d’Hénin-Beaumont, auront finalement laissé la victoire s’échapper au profit du socialiste Philippe Kemel : de quoi méditer la fable de La Fontaine, « L’âne et les trois voleurs ».  Du reste, avec 12 députés, il est injuste que le Front de Gauche ne puisse bénéficier, à l’instar des écologistes (17 députés) d’un groupe parlementaire à l’Assemblée, surtout si l’on tient compte du travail fait par Mélenchon en faveur des socialistes durant la campagne présidentielle. La proportionnelle est un octroi que réclame aussi le Front National qui devra se contenter de deux députés au Palais Bourbon, dont la plus jeune de l’Assemblée, Marion Maréchal-Le Pen et ses 22 printemps. D’une manière générale la représentation paritaire est en progression chez les députés, même si elles ne seront que 155 femmes sur les 577 fauteuils à pourvoir. Avec désormais tous les pouvoirs dans sa manche (gouvernement, Assemblée Nationale, Sénat, régions), le Parti Socialiste se retrouve dans une situation absolument inédite de domination de la vie politique française. En fera-t’il le meilleur usage ? Répondra-t’il aux attentes des Français ? Ce sont d’autres questions qu’appelle cet état de grâce et c’est peu dire que les premières mesures gouvernementales sont attendues par l’opinion publique. Le balancier politique est naturellement instable. Cinq années de sarkozysme ont fait qu’il favorise aujourd’hui la gauche, mais ça pourrait vite changer si elle n’est pas à la hauteur des responsabilités confiées.

 

 

                             Bruno DA CAPO