13/09/2012
La morale selon Peillon
Si l’école n’était que ce lieu d’apprentissage des savoirs fondamentaux, ce serait déjà beaucoup pour occuper, tant les élèves que les enseignants. Mais elle est aussi – ou surtout ? – ce creuset institutionnel où l’on prépare nos enfants à la vie en société. Tâche immense, capitale, décisive pour le renouvellement d’une nation et peut-être l’amélioration du niveau et des conditions de vie de ses membres. La vie moderne implique, bien sûr, la maitrise de ces savoirs basiques (sans eux rien ne serait possible), mais elle les excède de beaucoup et sa complexité est, à bien des égards, déroutante. Dans ces conditions, ménager une place pour la morale dans le programme scolaire, comme le propose Vincent Peillon, peut s’avérer pertinent : encore faut-il savoir de quelle morale on parle. Si cette morale n’était qu’un retour au vieux catéchisme républicain, avec ses poncifs sur le bien et le mal, son patriotisme bêlant et sa croyance en la supériorité de la civilisation occidentale, elle serait évidemment malvenue et inefficace. Mais si elle intègre les changements et la diversité culturelle qui caractérisent notre époque, si elle donne des moyens intellectuels pour se décider librement en face de situations qui peuvent surgir dans la vie quotidienne, si elle rappelle enfin le caractère consubstantiellement républicain de la laïcité et de la tolérance, alors elle peut constituer une discipline à part entière qui prouvera tôt ou tard sa nécessité. C’est, je crois, le parti-pris de Vincent Peillon et ses détracteurs – comme Luc Châtel – lui font dans ce cas un mauvais procès. Non la morale n’est pas réactionnaire en soi. Non la morale n’est pas de droite. Elle est au dessus des oppositions partisanes. Sa vocation est l’universel. Dès lors, qu’un ministre de gauche cherche à la réhabiliter peut faire grincer bien des dents, mais ce n’est pas, pour autant, un paradoxe. Dans un monde où le fric roi et la loi du plus fort franchissent – avec quelle facilité ! – les portes des écoles communales ; dans un monde où les tensions de tous ordres ruinent l’attention qu’exige l’étude, la morale s’impose d’elle-même comme un correctif à toutes ces dérives. Que l’impulsion vienne d’en haut signifie moins une volonté de formatage idéologique que la prise en compte, là aussi, d’un état de crise.
Bruno DA CAPO
16:38 Publié dans numéro 10 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : école, morale, peillon, châtel