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05/11/2012

Pour Obama

 

                              

 

 

 A bien des égards les Etats-Unis demeurent un pays déroutant pour les Français. Et plus d’un d’entre nous, s’il le visitait en 2012, risquerait d’éprouver ce sentiment de déshumanisation qui avait accablé Georges Duhamel dès 1930 (in «Scènes de la vie future »). Car l’Amérique d’aujourd’hui reste pétrie de paradoxes. Les aspirations les plus généreuses y côtoient les attitudes les plus rétrogrades et les plus cyniques. Des milliardaires y créent des fondations caritatives après avoir fait fortune par les moyens les plus déloyaux (1% d’Américains détiennent  autant d’avoir que 90%  de la population). Pour financer leurs études, des légions d’étudiants s’endettent pour le restant de leurs vies. Et de nombreux vieillards sont obligés, pour survivre, de travailler jusqu’à la fin de leurs jours, vu la maigreur de leurs pensions-retraites. Dans ce pays qui s’est souvent vanté d’être la première démocratie du monde, la peine de mort se porte plutôt bien et la liberté de pensée est sujette à caution : se déclarer publiquement athée peut encore faire de vous un paria. Si au moins la foi chrétienne de ses dignitaires les inclinait à plus de solidarité  avec les plus démunis (ils se comptent présentement en dizaines de millions). Mais ce sont ceux-là qui, le plus souvent, reprochent à l’Etat d’intervenir en faveur des  pauvres. Car ici l’opinion dominante veut que chacun, riche ou pauvre, n’a que ce qu’il mérite en ce monde et il est, dès lors, vain de s’en prendre au système. C’est pourtant ce système qui a produit la crise des sub-primes en faisant miroiter, à des millions de malheureux, la possibilité d’accéder à la propriété individuelle. Et il n’est nul besoin de s’attarder ici sur la ségrégation raciale qui a caractérisé la société américaine jusqu’à ces récentes décennies.

Cet état de choses profondément injuste et inégalitaire, un homme s’est donné pour mission de l’améliorer et le peuple américain, dans sa grande diversité, l’a porté à a présidence en 2008. Quatre ans plus tard, Barack Obama est de nouveau candidat à sa propre succession. Certes, son bilan est mitigé et il est loin d’avoir tenu toutes ses promesses. Il n’a pas ainsi pu faire plier les grands financiers de Wall-Street ni mettre un terme à la guerre en Afghanistan, malgré l’élimination de Ben Laden en 2011. Et Guantanamo, ce symbole des années Bush, n’a pas été fermé, quoiqu’il ait pu dire. Mais il a néanmoins entrepris des  réformes sociales dont la couverture santé pour 32 millions d’Américains  défavorisés reste la plus emblématique de ses quatre années passées à la Maison Blanche. Face à lui, il a Mitt Romney, un homme issu de l’Establishment, ex-évêque mormon, ex-homme d’affaires enrichi et gouverneur en titre du Massachusets. Un homme qui ne fait pas figure d’extrémistes chez les Républicains mais qui reste quand même opposé à l’intervention de l’Etat dans le marché ainsi qu’à la recherche biologique de pointe. S’il venait à être élu, mardi  6 novembre, c’est une Amérique arrogante et idéaliste qui réapparaitrait sur la scène internationale. Quant aux pauvres et autres assistés, ils n’auraient plus, pour se soigner, qu’à s’en remettre à la charité des églises de toute obédience.  Gageons que la majorité des 100 millions d’électeurs américains optera demain pour le programme, autrement plus rationnel et plus moderne, du président démocrate. C’est la condition nécessaire pour qu’il puisse terminer  son travail de réajustement, tant social que diplomatique, d’un pays encore puissant mais qui n’est plus le centre absolu du monde. Il sera toujours temps de dresser, en 2016, son bilan définitif.

 

 

                                             Bruno DA CAPO 

What else ?

 

                       

La campagne d’Obama qu’on croyait en perte de vitesse a repris du poil de la bête. Et ce, grâce à Sandy. Merci Sandy ! Enfin, non pour la catastrophe, les morts et sinistrés du New Jersey, ça va de soi ! Ni même pour les dégâts nombreux et toutes les misères qui en découlent. Merci d’avoir remis Barack en selle ! En quelques heures, on a vu le Grand Capitaine mener de main de maître la crise provoquée par la tempête. On l’a vu compatir, écouter, parler à ses concitoyens comme il sait seul le faire. C’est bien sûr du grand art, une technique éprouvée. Mais on ne peut que saluer le professionnalisme de Barack. Voilà un gars qui sans ambages monte au créneau et prend les choses en mains ! Il y a en lui tant d’empathie pour les gens sinistrés qu’on ne peut s’empêcher de penser qu’il tient là le rôle de sa vie. Clooney, l’un des soutiens du clan Barack et qui n’est pas franchement mauvais en qualité d’acteur, est enfoncé. What else ? Vas-y Barack ! Ne te laisse pas semer dans les sondages par le « représentant de commerce » Romney ! Joue-la mimique Actor’s studio ! Fais-nous ton show ! N’oublie pas que ta compassion est passée au laser par des millions de spectateurs ! J’arrête là, car dire que l’élection à la présidentielle dans un pays comme les Etats-Unis tient trop souvent du cirque médiatique est un truisme. Où se niche donc la démocratie dans cet étrange barnum qui n’existerait pas sans des tonnes d’argent ? Et qui l’emportera : les programmes des deux candidats ou les images qu’ils laisseront sur les rétines ? Je vous le donne en mille ! Il y a huit jours, Obama était encore au plus bas, talonné par Romney... Voilà qu’une tempête lui sauve mise ! Tant mieux ! Car pour moi il est clair que si j’étais américain, j’irais voter avec en tête la scène où le héros Barack enlace une mamie défaite par la tempête et qu’on le voit – en gros plan sur l’écran – réellement affecté et en état total compassionnel. Nul doute, plus j’y pense, plus je me dis qu’il sera réélu. Comme quoi une élection parfois ne tient à rien...J’en suis pourtant ravi, même si Barack l’emporte grâce à Borée et Neptune !

 

                                                    Yves CARCHON

29/10/2012

Quelle culture pour Marseille ?

 

               

 

 Marseille, ville européenne de la culture en 2013 : depuis deux ans, la communication autour de cette année évènementielle n’a cessé de s’amplifier. Les conférences de presse annonçant l’évolution des projets et des budgets se succèdent à un rythme régulier. Relayées par les affichages officiels et une partie de la presse locale (qui ne fait en cela que servir de porte-voix aux ambitions municipales).

Or, que voyons-nous lorsque nous déambulons dans le centre-ville ? Des chantiers. Des chantiers tous azimuts qui visent à l’embellissement rapide de la vieille cité, quitte à la bouleverser de fond en comble. Parmi ces chantiers, il y a bien sûr ceux des grands musées publics, comme le MUCEM et le musée des beaux-arts, à Longchamp. Nous savons d’ores et déjà qu’ils ne seront terminés qu’au printemps 2013, en retard sur le calendrier initialement prévu. Mais il y a aussi beaucoup de chantiers privés qui ne visent qu’à profiter de la manne touristique annoncée,  multiplication insensée des hôtels, restaurants et boutiques de mode.

La culture – la vraie culture – fait, la première, les frais de cette fièvre mercantiliste. Jamais depuis deux ans les Marseillais n’ont eu si peu d’expositions à voir dans leurs musées. Quoi de moins surprenant puisque la moitié d’entre eux sont fermés et que les budgets de fonctionnement sont suspendus, dans l’attente de la grande année. C’est ainsi que lors des récentes journées du Patrimoine, les 15 et 16 septembre derniers, on a enregistré 20 000 entrées (gratuites) dans les lieux institutionnels. 20 000 entrées, ce n’est pas 20 000 personnes, mais tout au plus la moitié. Le moindre match de l’OM  en fait le double au stade Vélodrome. Des chiffres qui en disent long sur l’état de la culture à Marseille.

Et ce n’est pas mieux pour les galeries privées dont l’ambition est de montrer autre chose que des scènes de genre et des marines de l’école provençale. Leur durée de vie est, en général, assez brève car, plus que jamais, les acheteurs potentiels hésitent à investir dans une oeuvre de tel ou tel artiste contemporain. On a besoin de valeurs sûres par temps de crise.

Le livre n’est pas à la fête, non plus. Ces cinq dernières années, plusieurs librairies réputés – dont Brahic, rue Paradis – ont déposé leur bilan. Même les Arcenaulx, que dirige depuis des lustres l’inamovible Jeanne Laffitte, annonce sa fermeture prochaine. Un indice pour le moins inquiétant. Et que dire de la bibliothèque de l’Alcazar qui, en pleine rentrée d’automne, ferme ses portes durant deux mois pour des travaux de réfection, sinon que l’on ne se soucie pas beaucoup des gens qui aiment les livres dans cette ville ?

Il y a, certes, l’Opéra et quelques grands théâtres (comme la Criée) qui gardent encore la tête haute dans ce marasme général. Mais seulement parce qu’ils captent  à eux-seuls la quasi-totalité des subventions publiques – par ailleurs de plus mesurées. Sans cela, il y a gros à parier qu’ils connaitraient le même effondrement que les autres secteurs culturels, ici.

Que Marseille ne soit pas historiquement une ville culturelle, nous le savons depuis longtemps. Car Marseille fut et reste  une ville fondamentalement populaire. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas chercher  à l’améliorer. Mais ce ne sont pas les flots de pommade que nos chers édiles s’apprêtent à lui déverser sur la gueule qui vont changer sa réalité profonde. Tout au plus cela créera de nouvelles infrastructures qui rapporteront peut-être moins que l’entretien qu’elles vont coûter à la ville. Du reste, la majorité des évènements annoncés ne se déroulera pas dans les musées mais dans la rue. Ah ! Les Marseillais vont être gâtés en cortèges bariolés, jeux de piste et happenings de toutes sortes en 2013. Dans cette ambiance de liesse générale, qu’ils restent néanmoins attentifs à  leurs colliers et leurs portefeuilles. Car les pickpockets et autres petits délinquants pourraient bien être aussi de la partie.

Mais revenons à nos moutons. Quiconque n’étant pas tout à fait un idiot attend plus de la culture qu’un simple divertissement. C’est pourtant sur cette approche-là que l’on a massivement investi. La tonalité politique et économique de toute cette agitation est  suffisamment éloquente pour que l’on ne s’y attarde pas. Une fois de plus la culture va servir de mobile et de masque à des visées autrement plus pragmatiques. Elle ne sera jamais une fin en soi. Mais n’est-ce pas le but poursuivi par la commission des capitales européennes de la culture que de fouetter l’économie des villes particulièrement sinistrées en les faisant reines pour un an? Ce fut le cas pour Glasgow en 1990 ; ce sera aussi le cas pour Marseille en 2013. 

 

 

                               Bruno DA CAPO