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08/01/2016

Une exception nommée Le Drian

 


Beaucoup s’en souviennent encore : dans sa longue anaphore (« Moi président de la République…) en mai 2012, face à Nicolas Sarkozy, le candidat Hollande s’était engagé, entre autres promesses, à ce que ses ministres ne puissent pas cumuler leur fonction avec un mandat local. Près de quatre ans plus tard et une loi sur le non-cumul des mandats en 2014, Jean-Yves Le Drian est bien parti pour faire une magistrale exception à la règle. Ce proche du président, âgé de 68 ans, occupe depuis 2012 le poste de ministre de la défense – ce qui est loin d’être une sinécure dans le contexte actuel. Peu de ses anciens homologues ont été autant sur la brèche que lui depuis janvier 2013. Mali, Centrafrique, Syrie : la France est engagée sur plusieurs théâtres d’opérations militaires et cela, on l’imagine aisément, ne lui laisse guère de disponibilité pour exercer un mandat local.

Mais Jean-Yves Le Drian a une affection particulière pour sa Bretagne natale. Déjà président de son Conseil Régional avant qu’il n’entre au gouvernement, il avait de lui-même renoncé à cette charge pour exercer pleinement ses activités ministérielles. Que s’est-il donc passé dans son esprit pour qu’il enfreigne sa propre règle en se représentant, lors des dernières élections régionales, pour un nouveau mandat de président de région ? Songeait-il déjà à l’après 2017, assurant ainsi ses arrières ? Quoiqu’il en soit, il a pu tester sa popularité locale puisqu’il a été réélu haut la main, avec 51,4% des voix. En conséquence, on attendait sa démission de son poste ministériel, mais celle-ci ne vient pas. Après tout François Rebsamen, un temps ministre du travail, a bien quitté ce poste pour retrouver son fauteuil de maire de Dijon. Alors pourquoi pas Jean-Yves Le Drian ?

Récemment, il avançait à la presse que cette décision relevait du Président de la République lui-même et que celui-ci – état d’urgence oblige - avait trop besoin de lui pour le moment. Une façon élégante, presque fataliste, de renoncer à son libre-arbitre sur ce sujet pourtant sensible. Un soldat doit obéir à ses supérieurs, un ministre aussi. On voit d’ici quelles dérives peuvent être justifiées par ce genre de situations. L’état d’urgence doit, cependant, prendre fin en février. Gageons qu’on reparlera alors de l’exception Le Drian.


Bruno DA CAPO

31/01/2014

Bruissements (31)

 

 

 

Rupture : après quinze jours de surenchères médiatiques, François Hollande et Valérie Trierweiler ont officiellement acté leur séparation. Ou plutôt, c’est le chef de l’état qui, le 25 janvier, a annoncé de façon très régalienne à la presse qu’il mettait fin à sa relation avec sa compagne officielle. Qu’en est-il, dans tout cela, de l’égalité hommes-femmes si chère à sa ministre et porte-parole du gouvernement ? Pas grand-chose, assurément. Ou l’on voit que celui qui a le pouvoir  s’exempte facilement des règles qu’il fait édicter. Cette séparation remet aussi en question le statut hautement privilégié de « première dame » (et l’on sait que, par le passé, certaines ont eu leur part d’influence politique). Ce qui, pour un état toujours en recherche d’économie budgétaire, n’est pas une mauvaise chose.

 

Voyages : parfois le lexique nous offre l’occasion de nous réjouir pour pas cher. Après le voyage de Hollande en Hollande – pardon aux Pays-Bas -, nous avons eu droit, dans la même semaine, à la rencontre des deux François les plus en vue du moment. Car même à la tête d’un état censément laïque, il est toujours bon de se ménager les faveurs du pape, voire sa bénédiction. Sarkozy n’en doutait pas un instant, lui qui est revenu du Vatican avec le titre de chanoine. Rien de tel pour Hollande l’incroyant, même s’il confessait au successeur de Saint-Pierre être d’accord avec lui sur la question de la dignité humaine. Il n’est pas aussi certain que leurs avis convergent sur les Roms, l’avortement ou le mariage pour tous. Quant la politique économique, n’en parlons même pas. Au fait, qui est présentement le plus à gauche des deux ?

 

Cumul : au chapitre des – rares – promesses tenues par le chef de l’état, il y aura au moins la loi sur le non cumul des mandats. Celle-ci a été votée, mercredi 22 janvier, à l’Assemblée Nationale par 313 voix pour et 225 contre. Elle laisse quand même trois ans aux nombreux parlementaires cumulards pour s’y préparer, puisqu’elle ne prendra effet qu’en 2017. Il leur sera dès lors interdit d’exercer parallèlement un mandat exécutif local – à l’exception des fonctions de conseillers municipaux et régionaux. La même astreinte s’appliquera, par une loi complémentaire, aux députés européens. Si le but avoué est de favoriser le renouvellement du personnel politique, la cause est à chercher dans l’absentéisme persistant  qu’entraine ce double statut, tant à Paris qu’à Bruxelles. Quand un député perçoit entre 6000 et 9000 euros par mois, la moindre des politesses vis à vis de ses concitoyens – qui sont aussi ses contributeurs – est d’assister aux séances de travail des assemblées où  il est membre. Cette désinvolture scandaleuse a, néanmoins, ses défenseurs tant dans la majorité que dans l’opposition. Ainsi François Rebsamen, maire de Dijon et président du groupe socialiste au Sénat, justifie son opposition à cette loi par la nécessité, pour les parlementaires, d’avoir des attaches locales, situation nécessaire pour porter une parole avisée à l’Assemblée : encore faut-il qu’ils s’y rendent. Quant au tonitruant Christian Jacob, président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale, il promet d’ores et déjà l’abrogation de cette loi si son parti revient au pouvoir en 2017. Paroles, paroles…Des réactions qui en disent long sur la volonté d’immobilisme et la cupidité de beaucoup d’élus de notre nation.

 

Egalitarisme : s’il y en a une au moins qui ne change pas de cap dans ce gouvernement, c’est bien Najat Vallaud Belkacem. Cramponnée à son poste de ministre du droit des femmes, elle poursuit, imperturbable, sa croisade féministe, traquant partout ce qui ressemble, de près ou de loin, à un privilège masculin. Le pack de lois sur l’égalité hommes-femmes qu’elle a fait voter, le 28 janvier, réaffirme la volonté de parité en politique, la lutte contre les violences conjugales, l’avortement parfaitement décomplexé et l’obligation renforcée faite aux maris divorcés de verser sans retard  pension alimentaire à leurs ex-épouses. Rien, en somme qui soit bien nouveau ni particulièrement contestable. Là où les choses deviennent plus  cauteleuses, c’est sans doute avec l’incitation faite aux nouveaux pères de prendre un large congé parental, tout comme les mères jusqu’ici. Car celui-ci serait, selon l’orthodoxie féministe, l’une des causes de la stagnation professionnelle des femmes  dans notre société. Autrement dit, aux hommes d’assumer non seulement les soins du nourrisson à la maison mais aussi les écarts de salaires pendant que leurs conjointes iront travailler. Voit-on mieux l’intention subtilement revancharde ? Mais là où la ministre pousse la partialité jusqu’à la bêtise, c’est lorsqu’elle veut imposer l’enseignement de l’égalité des sexes dans le champ universitaire. Les premiers concernés par cette visée idéologique sont les étudiants des écoles de communication et de journalisme - lesquelles sont fréquentées à 60% par des filles. On imagine mal que beaucoup, parmi elles, s’en plaignent. Un coup d’épée dans l’eau qui n’en suscite pas moins une légitime protestation contre cette nouvelle ingérence du politique dans l’enseignement. Là comme ailleurs, ce sont  les mêmes méthodes de moralisation forcée  auxquelles on assiste depuis quelques temps. Et cela a de quoi inquiéter dans un pays prétendument démocratique comme la France.  

 

 

                      Erik PANIZZA

26/09/2012

Bruissements (11)

 

        

 

 

  Droit de vote : c’était, on le sait, une proposition du candidat Hollande. En ce début d’automne, la question du droit de vote des étrangers aux élections locales revient à la table des négociations. Pour la Gauche, cette mesure serait juste et favoriserait l’intégration : s’ils travaillent et paient des impôts en France, qu’ils participent à la vie de la cité. La Droite y demeure, dans son ensemble, résolument hostile. Pour elle, les élections communales ne sont pas à prendre à la légère et cela fausserait le débat républicain. Certes, la première République accordait le droit  de vote aux étrangers, mais ce n’était pas sans conditions. Il fallait, pour cela, qu’ils déclarent choisir les valeurs républicaines, abjurent leurs appartenances passées et acceptent, en cas, de conflit, d’être enrôlés dans les armées révolutionnaires. Au final un droit cher payé quand on sait que l’état de guerre fut permanent entre 1792 et 1815. Du reste, le droit de vote pour les étrangers existe déjà dans la France actuelle, mais pour les seuls ressortissants de l’Union Européenne. Ben quoi, on veut l’Europe ou non…

 

Cumul : une autre proposition « hollandiste » revient avec force dans le débat politique : le non-cumul des mandats. Fortement soutenue par Martine Aubry, elle n’en divise pas moins les élus socialistes, François Rebsamen et Gérard Collomb en tête, qui pensent qu’elle devrait souffrir des exceptions : il est vrai qu’ils sont tous les deux sénateurs-maires, respectivement de Dijon et de Lyon. Faut-il, au nom de l’austérité et de la moralité publique, se passer d’une expérience locale qui peut être répercutée à un niveau national ? C’est la question que posent au président les nombreux cumulards socialistes – 70% du nombre global de leurs élus -, en espérant que sa décision ménage, une fois de plus, la chèvre et le chou. Mais quid de tant d’avantages quand la récession économique menace le pays? En attendant, Claude Bartolone, président de l’Assemblée Nationale, a fait voter une diminution de 10% des indemnités parlementaires. Puisqu’il faut donner l’exemple, allons-y mais à petits pas.

 

Corrida : malgré les protestations des nombreux adversaires de la corrida (dont des personnalités comme Brigitte Bardot, Alain Delon et Jean-Paul Belmondo), le Conseil Constitutionnel n’a pas cru bon de l’interdire « là où cette tradition s’exerce de façon continue ». Cela concerne, évidemment, des villes comme Nîmes et Arles dont les férias font, chaque année, les beaux jours du commerce local. Car la législation française est riche en exceptions, interdisant ici ce qu’elle tolère ailleurs, sur le territoire national ou dans les départements d’outre-mer. Autrement dit, à Lille, on ne préparera la daube qu’avec du bœuf proprement abattu, tandis qu’en Camargue, on continuera à l’accommoder avec de la viande taurine en provenance des arènes. Si vous voyez la différence…


Monsanto : la polémique rebondit autour de Monsanto et son fameux maïs transgénique. Une récente étude a livré les résultats d’une expérience menée sur des rats pendant plusieurs années. Les malheureux rongeurs nourris au bon grain anti-pesticide ont tous développés des tumeurs et des malformations diverses. Faut-il craindre, dès lors, les mêmes pathologies chez les hommes qui consomment le maïs de la firme américaine? Oui, même dans une moindre mesure. Une commission d’experts doit en débattre bientôt et, en principe, geler la diffusion des produits Monsanto dans l’Union Européenne. Du moins si la santé publique prime sur l’économie…

 

Salles de shoot : c’est une autre proposition portée par les écologistes qui fait grincer des dents la plupart des politiques français : l’ouverture de salles de shoot. Celles-ci ne concernent pas les footballeurs en herbe mais les vieux briscards du crack et de l’héroïne. Si le projet de Marisol Touraine, ministre de la santé, venait à être avalisé, ils pourraient trouver là de quoi satisfaire leur addiction, mais avec les risques sanitaires (overdose, contamination à l’hépatite C et au VIH) en moins. A un autre niveau, on espère ainsi réduire leur consommation et leur recours habituel à des dealers – ce qui contrerait un peu le marché de la drogue. Les adversaires de ce projet insistent sur le caractère socialement inadmissible des drogues, dures ou douces, et la dépendance  légalement entretenue des toxicomanes. En ce domaine, la France est loin d’être à l’avant-garde, puisque ce type de protocole existe depuis longtemps en Suisse, en Allemagne et aux Pays-Bas. D’ores et déjà, une salle de shoot est prête à fonctionner à Paris, près de la gare du Nord. D’autres pourraient rapidement être ouvertes dans la capitale, ainsi que dans des villes comme Marseille, Bordeaux et Toulouse. Reste à savoir si la psychologie transgressive de la plupart des toxicomanes s’accommodera de cette prise en charge quasiment hospitalière.

 

 

 

                           Erik PANIZZA