Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

04/04/2014

Bruissements(34)

 

 

Municipales: elle a fini par déferler sur l’échiquier politique français, cette terrible « vague bleue », si attendue, si commentée. Un tsunami ? Pas vraiment, même si 142 villes (de plus de 10 000 habitants) ont été gagnées par l’UMP sur la Gauche, tandis que le Front National, si redouté, se contentait de 14 villes à l’issue de ce second tour des municipales. Il n’empêche : cela change quand même la donne et les observateurs scruteront avec attention ce qui va se passer, au cours des prochains mois, dans des villes comme Hénin-Beaumont et Béziers. On épluchera aussi la gestion de Stéphane Ravier, dans le 7eme secteur de Marseille (13eme et 14eme arrondissements), lui qui représente quelques 150 000 résidents. Pour le reste, c’est sans surprise que Jean-Claude Gaudin s’est imposé sur la coalition rose-rouge-vert emmenée par Patrick Mennucci. En revanche, Avignon est restée à gauche (malgré les craintes d’Olivier Py, directeur du festival de théâtre bien connu). Tout comme Lyon, Nantes et Strasbourg. Quant à Paris, elle a préféré - avec raison -   Anne Hidalgo à la trop ambitieuse NKM (53% contre 47%). Elle devient ainsi la première femme à occuper la fonction de maire de la capitale française. De toute cette fièvre électorale, il ressort bien des divisions, tant à droite qu’à gauche. Le fameux front républicain, pour barrer la route au FN, n’a que peu fonctionné, chaque candidat en lice songeant surtout à ses propres intérêts – d’où des triangulaires et des quadrangulaires en hausse exponentielle. L’autre point noir de ces élections, c’est bien entendu l’abstention galopante (38%, au total, soit 8% de plus qu’en 2008). Elle a été particulièrement importante chez les électeurs habitués à voter à gauche. Mais comment les en blâmer, au vu des errements gouvernementaux de ces derniers mois ? Les Français se désintéressent moins de la politique que de leurs politiques et aspirent, c’est certain, à un renouvellement. Encore faut-il que ce ne soit pas au détriment de la démocratie elle-même. Et l’on peut s’en inquiéter quand un récent sondage IPSOS fait apparaître que, pour  24% d’entre eux, elle ne serait pas indispensable.

 

Remaniement : conséquence de cette défaite cinglante pour la Gauche (et plus encore pour le gouvernement), François Hollande a accéléré le remaniement ministériel annoncé depuis quelques semaines. C’est Jean-Marc Ayrault, trop impopulaire premier ministre depuis deux ans, qui en d’abord fait les frais. Mais est-ce que le choix de Manuel Valls à la tête de l’exécutif est judicieux ? Certes, l’ex- ministre de l’Intérieur, davantage par sa personnalité que ses résultats, jouissait d’une côte de popularité durable auprès des Français. Néanmoins, il divise beaucoup dans son propre camp - beaucoup voyant en lui un Sarkozy de gauche -  et doit toujours justifier son engagement socialiste. Il confirme, en tous les cas, le virage à droite de François Hollande, même s’il entend nuancer son pacte de responsabilité par un pacte de solidarité qui allègerait la fiscalité des classes populaires. La Gauche, en tant que projet politique, apparaît de plus en plus reléguée dans les marges. Aux écologistes et au Front de Gauche d’en tirer les conséquences.

 

 Gouvernement : un gouvernement ramené à 16 portes-feuilles ministériels (plus quelques secrétaires d’état encore à désigner), une équipe bien paritaire (8 hommes et 8 femmes) : voilà ce que Manuel Valls a proposé au président pour poursuivre sa politique crypto-libérale. Pas de grand changement, comme on pouvait s’y attendre. A l’exception de Ségolène Royal (à l’écologie) et de François Rebsamen (au travail), il n’a fait que recaser, souvent sans les changer de poste, la plupart des ministres du précédent gouvernement. Les Français apprécieront. Evidemment, on n’y trouve aucune personnalité extérieure au parti socialiste – Cécile Duflot ayant, avec raison, refusé d’y participer. « Nous sommes tous des hollandais » a-t’il proclamé fièrement à la presse qui a repris le lapsus en chœur. Dans ce cas, comment doit-on désigner les habitants des Pays-Bas ? Car, évidemment, c’est « hollandiste » qui s’imposait, même à l’heure de la construction européenne. Mais qu’importe le parler juste dans une époque qui s’en soucie comme d’une guigne. L’important est d’occuper le plus possible l’espace médiatique.   

 

Football : gouverner par les passions : l’idée n’est pas nouvelle et plus d’un philosophe – on ne peut que citer ici Charles Fourier – l’a intégré à sa pensée politique. Comment est-elle arrivée jusqu’au club italien ASD Pro Calcio de Fiumicino ? Nous ne l’expliquerons pas. Toujours est-il que son entraineur a décidé de réagir à sa façon contre le décrochage scolaire. Désormais, seuls les jeunes joueurs qui auront des notes satisfaisantes pourront participer à des tournois de football. Quant aux autres, momentanément privés de pelouse, leurs résultats ont tendance à remonter sensiblement. Car le football est, sans conteste, l’une des grandes passions modernes. Et si l’Italie en est l’une des terres d’élection, cette expérience pourrait tout aussi bien s’appliquer à d’autres pays, dont la France. Voilà qui devrait inspirer Benoit Hamon, nouveau ministre de l’Education, dans la dure tâche qui l’attend.

 

 

 

                Erik PANIZZA

28/03/2014

Barbares au Capitole

 

La débandade socialiste, les bons diagnostiqueurs la prévoyait. Mais à ce point ! Il faut parler évidemment de double désaveu pour ce premier tour de scrutin : désaveu de l’équipe au pouvoir qui a beaucoup déçu, mais surtout désaveu de la caste au pouvoir, Gauche comme Droite se renvoyant la balle depuis des lustres. Le ping-pong est fini. Car en votant FN, certains Français ne sachant plus à quel saint s’en remettre, décident « d’essayer » Marine. Et voilà qu’une douzaine de mairies seront bientôt aux mains du Front ! Et pour faire quoi ? La même chose — en pire — que les vaincus. On me dira : voyez Marseille ! Ah, Gaudin connaît bien son fief ! Or celui-ci est talonné de près par un tenant du Front ! Oui, mais c’est Mennucci  qui est l’adversaire de Gaudin ! Ah bon ! Il y aura ainsi un nombre incalculable de triangulaires, ce qui supposera alliances en douce entre certains... Je n’ose imaginer les coups tordus ourdis, les vengeances communales, les Ides de Mars fébriles et intestines !... Qu’éprouver, si ce n’est un effroi sidérant au vu de ce que devient notre démocratie. Avec ces élections municipales, le Front fait une entrée virile et fracassante dans le paysage politique, estampillé bon teint par nos concitoyens. En écoutant Steeve Briois et en tendant l’oreille à la gouaille de Marine, je me disais que les Barbares étaient entrés au Capitole et qu’il faudra s’armer de beaucoup de patience pour extirper cette dérive nationaliste du cœur de notre beau pays.

 

                               Yves CARCHON

 

 

21/03/2014

Bruissements (33)

 

 

Affaires : les « affaires » se succèdent à un rythme accéléré en ce début d’année. Joutes oratoires ou malversations, elles contribuent à décrédibiliser la classe politique dominante aux yeux des Français et à faire le jeu des extrémismes. Copé et Bygmalion, Buisson et ses cassettes, Sarkozy et ses multiples casseroles judiciaires : partout s’étalent le cynisme et la corruption de nos anciens gouvernants - qui crient, naturellement, au complot et à la vengeance des juges. La justice peut-elle faire son travail sereinement dans ce climat délétère ? A cela s’ajoutent maintenant les écoutes de l’ancien président (qui parle de méthodes comparables à celles de  la Stasi, maintenant). Devait-on user de ces basses manœuvres avec lui ? Sûrement pas. Encore que cela n’étonne personne en cette époque d’espionnage mondialisé. Personne sauf quelques ministres qui semblent découvrir ces vieux procédés : quelle hypocrisie ! Malgré tout, les mensonges de Christiane Taubira sont quand même moins graves que les faits reprochés à Sarkozy et à ses sbires. Seul Copé, maître en pirouettes verbales, voudrait faire croire le contraire, histoire de noyer le poisson. Mais il ne parviendra qu’à se rendre un peu plus ridicule à l’opinion publique. Il y a les pourris et les maladroits et chacun sait, dans ce pays, où les uns et les autres se situent. Du reste, on aurait tort de penser qu’il n’y a que des tièdes chez les socialistes. Car on y trouve aussi des idéologues dangereux – et dangereuses – qui visent à changer les bases de la société française. Contre l’avis des Français mêmes.

 

Manifs : des retraités qui protestent contre les menaces pesant sur leurs retraites complémentaires et la baisse de leur pouvoir d’achat, ça peut encore faire sourire. Des intermittents du spectacle dans la rue pour défendre leur régime d’indemnisation face au rouleau compresseur du patronat, c’est mauvais signe. Des organisations syndicales presque toutes unies pour dénoncer le « pacte d’irresponsabilité » du gouvernement, c’est salutaire. Parce qu’enfin, pense-t-on sérieusement que les patrons français vont créer de nouveaux emplois à hauteur du cadeau fiscal (30 milliards d’euros) qui leur a été fait par Hollande ? Notons quand même que ce dernier a réussi à faire changer de cap la notion d’assistanat- des plus pauvres vers les plus riches. Encore un de ses tours de farce…

 

Pollution : le printemps est en avance, cette année, et la plupart des gens s’en réjouissent. Erreur, car la pollution aux particules fines accompagne cette douceur anticyclonique comme son ombre – si j’ose dire. Des pics encore plus hauts que ceux de décembre dernier et qui ont fait placer en état d’alerte pas moins de trente départements français, entre le 8 et le 17 mars derniers. Les véhicules à moteur en sont, bien sûr, la principale cause. Mais que font les pouvoirs publics contre cet état de choses ? Ils encouragent les moins vaillants à rester chez eux, offrent quelques journées de transports en commun gratuits aux Parisiens et instaurent, avec huit jours de retard, une – seule – journée de conduite alternée. A défaut de taxer enfin le diesel à hauteur de l’essence, le gouvernement continue de nous enfumer.

 

Boeing : les recherches se poursuivent pour essayer de retrouver la trace du Boeing 777 de la Malaysia Airlines disparu des écrans radars le 8 mars. Des recherches, à présent internationales, qui passent au crible terre et mer dans un rayon de plusieurs milliers de kilomètres, mais sans pouvoir nous apporter le moindre éclaircissement. La piste d’un acte terroriste ayant été à peu près écartée, que reste t’il comme hypothèses à ce mystère ? Aurait-il été abattu par un missile? Y aurait-il un Triangle des Bermudes bis dans la mer de Chine ? Il ne doit pas manquer, çà et là, d’ufologues pour donner des explications à cette inquiétante disparition. Mais sommes-nous prêts à les entendre ? Un jour prochain, on fera sans doute un film sur ce fameux vol MH370. Pour le moment, silence on cherche.

 

Centrafrique : la Centrafrique va-t’elle devenir, vingt ans après, un nouveau Rwanda ?  Elle en prend, en tous les cas, le chemin depuis quelques mois. Après les exactions des milices musulmanes de la Séléka, c’est au tour des anti-balaka, groupes armés prétendument chrétiens, de faire régner la terreur dans la population - du moins celle qui suit les préceptes du Coran. Les cadavres s’amoncellent dans les villages et les méthodes des tueurs sont toujours aussi cruelles. A ce tableau sanguinolent s’ajoute maintenant la famine qui menace des centaines de milliers de personnes. Sans parler de la criminalité qui croît en toute impunité. Face à l’imminence de la catastrophe, le gouvernement centrafricain s’affole, fait appel à la France qui fait elle-même appel à l’Union Européenne pour renforcer ses effectifs (environ 2000 soldats) qui peinent à maintenir un peu d’ordre dans ce vaste territoire – 623 000 Kms2 - , même avec l’appui des forces de l’Union Africaine. Mais ces renforts – un millier d’hommes – n’arriveront pas avant fin avril. Reste l’ONU qui envisage- mais pour quand ? -  l’envoi d’une force de 10 000 Casques Bleus. On comprend mieux pourquoi l’Afrique demeure, hélas, un vivier privilégié pour le TPI.

 

Crimée : c’était joué d’avance : la Crimée, par la voie des urnes, a dit « oui » - à 97% - pour un retour dans le giron russe, soixante ans après son indépendance. Mais avait-elle vraiment le choix, avec les bataillons et les tanks russes dans son dos ? Une annexion en bonne et due forme qui rappelle des heures sombres de notre histoire récente. Mais qui aurait pu penser que Poutine allait laisser s’échapper sans réagir cette partie si stratégique de l’Ukraine, malgré ses aspirations à l’autonomie ? La question, à présent, est de savoir s’il va en rester là ou poursuivre, avec d’autres états limitrophes de la Russie, sa politique ouvertement impérialiste. Après tout, il aurait presque tort de s’en priver car il n’y a personne, dans cette partie du monde, qui peut, militairement parlant, lui tenir tête. Personne et surtout pas l’U E qui, malgré ses cinq-cents millions d’habitants, reste tragiquement dépendante des USA pour sa défense. Evidemment, ses dirigeants élèvent le ton pour la forme, annoncent – c’est risible - quelques sanctions économiques contre des seconds couteaux du pouvoir russe. Mais, au fond, ils mesurent parfaitement leur impuissance et n’espèrent qu’une chose : continuer à commercer avec Poutine, ce qui est encore la meilleure façon de tempérer ses appétits de conquête territoriale. D’ailleurs, qui voudrait, en Europe de l’Ouest, aller se battre et mourir pour l’Ukraine ou la Moldavie ? « La justice sans la force n’est rien. » Disait déjà notre cher Pascal. Quatre siècles plus tard, rien n’a changé sous le soleil.

 

 

                      Erik PANIZZA

14:09 Publié dans numéro 12 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : stasi, manifs, boeing, crimée