10/12/2013
Mandala pour Mandela
C’était au temps de l’apartheid, un régime ségrégationniste qui pourchassait les Noirs parce qu’il les regardait comme des sous-hommes, un système ayant fait florès dans les démocratiques USA... C’était au temps où Nelson Mandela, premier Noir à devenir avocat en Afrique du Sud, avait été jeté en prison pour de longues années. De sa prison, il poursuivait la lutte. Il avait foi en ses idées qui devaient triompher et qui ont triomphé. Le colosse magnifique, du fond de sa cellule, livra ce qui resta le combat de sa vie : la lutte pour les Droits des Noirs à devenir des citoyens à part entière. Ce qu’ils devinrent grâce à son opiniâtre volonté et sa ténacité sans faille. C’était au temps où je lisais les grands romans de Brink qui nous donnaient le pouls de la patrie de Mandela. Puissants romans, violents et courageux, mais qui restituaient l’insoutenable vérité. Brink fut de ces éveilleurs Blancs qui dénoncèrent l’inqualifiable et qui durent s’exiler pour leurs écrits. Breyten Breytenbach fut de ceux-ci aussi. D’autres encore partagèrent ce combat en y laissant la vie. Des femmes, des hommes, Blancs, Noirs, sans distinction de peau. Tout nous paraît si loin et pourtant combien proche ! C’était au temps où tous ces écrivains faisaient une halte chez Pivot, qu’on écoutait religieusement parce qu’ils disaient la vérité d’Afrique du Sud. Brink, c’est un peu le Soljenitsyne du Cap qui nous aida à ouvrir grand les yeux et à combattre les racistes. Pour revenir à lui, il est une anecdote qui, à elle seule, résume le grand combat que menèrent Blancs et Noirs contre ce satané système. C’est celle de Mandela qui dit avoir gardé espoir dans le plus noir de sa geôle en lisant qui, je vous le donne en mille : André Brink lui-même !
Yves CARCHON
19:27 Publié dans numéro 12 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mandela, apartheid, prison, brink
05/12/2013
La pénalisation du pénis
Ah ! Elles ont fini par la faire adopter à l’Assemblée Nationale, leur loi scélérate et liberticide ! Elles, c'est-à-dire les associations féministes dont Maud Olivier et Najat Vallaud-Belkacem sont actuellement les porte-paroles les plus notoires. Malgré une courageuse pétition sur « Causeur », malgré une kyrielle d’opinions avisées s’inscrivant en faux contre ce projet, malgré son rejet par une majorité de Français, elles l’ont imposée à notre pays, notre culture, notre société, pourtant aux antipodes d’un tel puritanisme. La moralisation par la force publique: belle leçon d’anti-démocratie ! Au motif de combattre la prostitution et de redonner de la dignité aux personnes prostituées, elles se sont assises sur la responsabilité individuelle de chacun et ont créé une nouvelle catégorie de délinquants : leurs clients. Elles ont transformé arbitrairement un rapport sexuel entre adultes consentants en un acte de violence faite aux femmes dans leur ensemble. Car pour ces nouvelles pourfendeuses du vice, un homme est toujours un violeur, un violent, un dominant et un exploiteur en puissance des femmes, fut-il un déclassé à mille lieues du pouvoir dont elles bénéficient aujourd’hui. Quelle stupidité ! Quel refus obstiné de voir et d’entendre la vérité dans la bouche même de tous ceux et celles qui sont concernés par cette loi partisane ! Et cependant, qui peut gober de pareilles couleuvres ? Qui, ayant deux sous de raison, ne peut comprendre qu’à travers le candidat à un spasme tarifié, c’est chaque représentant du sexe masculin qui est suspecté et incriminé. Voilà leur véritable motivation derrière leur discours progressiste et humaniste; voilà le travail de division sociale qu’elles ont mis en œuvre et qui les rend si fières, ces braves petites guerrières. Les hommes, hélas, on ne les a que trop peu entendus sur ce sujet pourtant bien plus grave qu’il ne parait. Il est vrai qu’il est plus facile et moins humiliant d’aller défiler contre – ou pour – le mariage pour tous que de défendre publiquement une activité qui a toujours été plus ou moins clandestine. Clients ou pas, ils ont une nouvelle fois brillé par leur silence, ne comprenant pas que l’enjeu était autrement plus important que de pouvoir tirer tranquillement sa crampe entre deux portes. L’enjeu, c’est la préservation du droit fondamental des individus à disposer librement de leurs corps. Et c’est ce droit que cette loi, aussi absurde qu’injuste, menace à présent. Oui, peu à peu, à pas feutrés, nous nous rapprochons de la société infernale « imaginée » par Orwell dans « 1984 ».
Il y a plus. Car cette loi on ne peut plus répressive émane, paradoxalement, d’un gouvernement de gauche. Venant de la droite, elle aurait été tout aussi critiquable mais presque dans une logique séculaire de bien-pensance. Venant de la gauche, par tradition libératrice des mœurs, elle est à proprement parler intolérable. D’autant plus, qu’à l’évidence, ses premières victimes ne seront pas des riches qui peuvent recourir discrètement à des escort-girls par le Net. Ce seront des pauvres, veufs, chômeurs, handicapés et autres solitaires qui composent essentiellement la clientèle des prostituées de rue, à 30, 40 ou 50 euros la passe. Ce sont ceux-là que les flics, quand ils n’auront rien de plus sérieux à faire, pourront prendre en flagrant délit dans les rues et les axes routiers de nos villes. Imagine-t’on ce que peut représenter une amende de 1500 euros quand on doit vivre, chaque mois, avec seulement les deux tiers, voire la moitié, de cette somme ? Bonjour l’angoisse ! Eh bien ce traitement de choc, ils le devront à un pouvoir qui aurait dû logiquement les défendre et améliorer leur condition. Un pouvoir qui a vidé de sa substance le beau mot de « socialisme ».
Erik PANIZZA
Pour compléter cet article, on pourra lire le pamphlet argumenté de Jacques Lucchesi, « Féminisme et prostitution », publié dans son recueil d’essais, « La fabrique de la féminité » (chez Edilivre)
14:29 Publié dans numéro 12 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : clients, amende, moralisation, passe
28/11/2013
La chanson des vieux amants
Agés chacun de 86 ans, Bernard et Georgette ont été retrouvés morts, couchés dans un lit, main dans la main, dans une chambre du Lutetia à Paris. Apparemment, ils se seraient donné la mort par asphyxie. Ils s’étaient rencontrés à Bordeaux après la guerre. Un couple d’intellectuels : lui, haut fonctionnaire, économiste et philosophe, elle, prof de lettres et de latin et auteur de livres scolaires. Ils vivaient en région parisienne. Le geste – ou la geste – de nos deux octogénaires est bien sûr à replacer dans l’immense et difficile débat sur le droit à mourir dans la dignité. Bernard et Georgette ont laissé deux courriers pour expliquer leur geste : un au Procureur de la République et un à leur famille. Dans un des courriers de Georgette, elle dit sa fureur de « n’avoir pu partir sereinement, la loi ne permettant pas d’accéder à une mort douce ». Tout est dit dans ces quelques mots, simples et terribles. Nos autorités compétentes devraient bien s’inspirer de la tranquille détermination de nos deux octogénaires. Cette mort, on le voit bien, ne saurait être assimilée à un suicide. Cela semble s’apparenter à une ultime protestation. On pense à la paisible sérénité d’un Socrate, à la superbe des Stoïciens. Cela n’aura sans doute pas échappé à Bernard et Georgette. Et puis, surtout, il y a l’amour démesuré de ces deux là, qui ne suscite qu’une splendide sidération mêlée d’admiration, qu’élévation dans la beauté face à l’immense chagrin qui nous accable : le malheur d’être né. Gageons que nos amants gambadent désormais dans les verts pâturages avec des livres sous les bras et une fleur aux lèvres.
Yves CARCHON
14:17 Publié dans numéro 12 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : octogénaires, amour, suicide, stoïciens