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12/02/2014

Valls en majesté

 

Retour du Mexique où j’ai traîné mes guêtres dans le Chiapas, là où le sous-commandant Marcos est honoré comme un héros et après avoir révisé la révolution mexicaine de Zapata et de Villa. J’ai dû atterrir rudement : sur mon petit écran, le petit Valls, qu’on avait invité, jouait les matamores aimables ! J’étais bien loin des figures historiques qui derrière eux avaient laissé l’odeur de poudre mêlée de liberté ! Le petit Valls sur mon petit écran devenait minuscule... De plus, ce garçon bien élevé ne haussait pas le ton. Plus de coups de menton, plus le ton ferme qu’on lui connut il y a peu alors qu’il nous parlait des Roms... Très vite, il fut admis (par mon cerveau pourtant fatigué du voyage) qu’il nous faisait un numéro de com. Un numéro de charme en somme. Il prenait une sorte d’avance sur tous les autres qui tentaient d’exister. Car Valls est de ces bêtes politiques qui caracolent (et pas uniquement dans les sondages). Vous me direz : c’est déjà ça. Ce n’est pas si facile d’être populaire pour un ministre de l’Intérieur. Dans les années 70, Marcellin et Poniatowski étaient voués aux gémonies. Ils étaient proprement haïs. Comme Fouché et bien d’autres, tous ignobles Javert prêts à rogner nos libertés acquises. Les temps changent. Le petit Valls est lisse, sympa, considéré et tout, même s’il n’en fait pas plus que d’autres. Ses résultats ne sont ni pires ni meilleurs que ceux de ses prédécesseurs. Mais il est là, toujours présent, sur les écrans surtout, à l’instar de Sarko qui sut se faire un nom au même poste. Est-ce le pouvoir suprême que vise Valls ? Il semblerait. D’où le ton bienveillant du petit Valls qui sait qu’on ne séduit qu’avec du miel. Le culot, il en a. Je crains que pour autant il lui manque une chose : l’épaisseur. Mais rien ne dit qu’on ne choisisse un jour prochain un président léger, léger, léger.

 

                                Yves CARCHON

 

 

07/02/2014

Djihadistes : retour en France

                   

 

  Depuis quelques mois, les retours forcés de Français partis se battre en Syrie se multiplient. Il y a ceux qui n’ont pas eu de chance et qui reviennent dans un cercueil, comme ces deux demi-frères normands en décembre dernier. D’autres, heureusement, rentrent sains et saufs, rapatriés en France via la Turquie et aussitôt mis en examen, comme les deux adolescents toulousains - 15 et 16 ans- la semaine dernière. Au total, on estime à environ 200 le nombre de jeunes Français qui se sont rendus en Syrie pour prêter main forte aux forces rebelles au régime Assad. Nombre qui s’élève à 500 lorsqu’on englobe les autres ressortissants européens qui sont allés là-bas, défendre la même cause.

Au demeurant ce désir d’aventure militaire, qui pousse un individu à s’engager par conviction dans des guerres extra-nationales,  n’est pas nouveau. On ne saurait que rappeler le souvenir de ces Français qui, tel Malraux, apportèrent leur soutien total aux combattants républicains lors de la guerre civile espagnole (1936-1939). Plus loin dans le temps, il y a Lord Byron, sulfureux poète anglais qui prît le parti des Grecs contre les Turcs : il devait y laisser sa vie en1824. Autant d’attitudes généreuses et idéalistes mais pas nécessairement religieuses. Ce n’est pas exactement le cas en Syrie, puisqu’on sait que ces nouveaux volontaires, souvent convertis de fraîche date à l’Islam, sont pris en charge, dès leur arrivée, par des organisations proches d’Al Qaïda, avec l’endoctrinement que l’on imagine aisément. Et cela inquiète, bien sûr, les autorités de leurs pays d’origine : car, lorsque ce conflit aura enfin trouvé son issue, que feront-ils, de retour en France ou ailleurs, de ces terribles apprentissages ?

Le citoyen lambda regarde avec perplexité ces engagements extrémistes. A juste titre, car on peine à leur trouver des motivations rationnelles. Défendre son pays, quand celui-ci est attaqué, est une attitude noble, voire héroïque. Se rebeller contre un pouvoir tyrannique, aussi. C’est le cas pour tous ces Syriens qui se battent présentement pour un avenir plus libre et plus digne : faut-il dire qu’ils bénéficient toujours d’une importante sympathie de la part des Européens ? S’engager dans un conflit étranger non par conviction mais par intérêt est, certes, bien plus contestable mais relève encore d’une forme de rationalité. Notre époque n’a certes pas inventé les mercenaires, même si elle les a dotés d’une puissance nouvelle - comme pour les hommes de la société américaine Black Water, lors de la deuxième guerre d’Irak.

Rien de tout cela pour les apprentis djihadistes en Syrie. Leur motivation est principalement religieuse : défendre l’Islam – ou plutôt le Sunnisme – contre le clan Assad, de confession Alaouite, donc hérétique à leurs yeux. Est-ce que, cependant, leur foi est leur unique motivation ? Sûrement pas ! Car il faut aussi prendre en compte la pression que le contexte économique actuel fait peser sur bien des jeunes, eux qui ne voient guère de quoi leur avenir sera fait. Comme d’autres, candidats à l’exil professionnel, ils pensent trouver dans la voie guerrière une forme d’accomplissement. Il y a aussi – et surtout – ce goût pour l’épreuve physique qui taraude tant de jeunes mal socialisés. Ils nous reposent, à leur façon, le problème de la guerre, nous qui avons tout fait depuis sept décennies pour la museler en Europe. Cette aspiration au combat, non plus, n’est pas nouvelle. Et toutes les sociétés pré-modernes l’ont prise en compte, cherchant à la canaliser de la façon la plus intégratrice possible. C’est seulement l’appréhension de ce faisceau de causes qui peut éclairer ce juvénile volontariat pour la Syrie.

 

                          Bruno DA CAPO

31/01/2014

Bruissements (31)

 

 

 

Rupture : après quinze jours de surenchères médiatiques, François Hollande et Valérie Trierweiler ont officiellement acté leur séparation. Ou plutôt, c’est le chef de l’état qui, le 25 janvier, a annoncé de façon très régalienne à la presse qu’il mettait fin à sa relation avec sa compagne officielle. Qu’en est-il, dans tout cela, de l’égalité hommes-femmes si chère à sa ministre et porte-parole du gouvernement ? Pas grand-chose, assurément. Ou l’on voit que celui qui a le pouvoir  s’exempte facilement des règles qu’il fait édicter. Cette séparation remet aussi en question le statut hautement privilégié de « première dame » (et l’on sait que, par le passé, certaines ont eu leur part d’influence politique). Ce qui, pour un état toujours en recherche d’économie budgétaire, n’est pas une mauvaise chose.

 

Voyages : parfois le lexique nous offre l’occasion de nous réjouir pour pas cher. Après le voyage de Hollande en Hollande – pardon aux Pays-Bas -, nous avons eu droit, dans la même semaine, à la rencontre des deux François les plus en vue du moment. Car même à la tête d’un état censément laïque, il est toujours bon de se ménager les faveurs du pape, voire sa bénédiction. Sarkozy n’en doutait pas un instant, lui qui est revenu du Vatican avec le titre de chanoine. Rien de tel pour Hollande l’incroyant, même s’il confessait au successeur de Saint-Pierre être d’accord avec lui sur la question de la dignité humaine. Il n’est pas aussi certain que leurs avis convergent sur les Roms, l’avortement ou le mariage pour tous. Quant la politique économique, n’en parlons même pas. Au fait, qui est présentement le plus à gauche des deux ?

 

Cumul : au chapitre des – rares – promesses tenues par le chef de l’état, il y aura au moins la loi sur le non cumul des mandats. Celle-ci a été votée, mercredi 22 janvier, à l’Assemblée Nationale par 313 voix pour et 225 contre. Elle laisse quand même trois ans aux nombreux parlementaires cumulards pour s’y préparer, puisqu’elle ne prendra effet qu’en 2017. Il leur sera dès lors interdit d’exercer parallèlement un mandat exécutif local – à l’exception des fonctions de conseillers municipaux et régionaux. La même astreinte s’appliquera, par une loi complémentaire, aux députés européens. Si le but avoué est de favoriser le renouvellement du personnel politique, la cause est à chercher dans l’absentéisme persistant  qu’entraine ce double statut, tant à Paris qu’à Bruxelles. Quand un député perçoit entre 6000 et 9000 euros par mois, la moindre des politesses vis à vis de ses concitoyens – qui sont aussi ses contributeurs – est d’assister aux séances de travail des assemblées où  il est membre. Cette désinvolture scandaleuse a, néanmoins, ses défenseurs tant dans la majorité que dans l’opposition. Ainsi François Rebsamen, maire de Dijon et président du groupe socialiste au Sénat, justifie son opposition à cette loi par la nécessité, pour les parlementaires, d’avoir des attaches locales, situation nécessaire pour porter une parole avisée à l’Assemblée : encore faut-il qu’ils s’y rendent. Quant au tonitruant Christian Jacob, président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale, il promet d’ores et déjà l’abrogation de cette loi si son parti revient au pouvoir en 2017. Paroles, paroles…Des réactions qui en disent long sur la volonté d’immobilisme et la cupidité de beaucoup d’élus de notre nation.

 

Egalitarisme : s’il y en a une au moins qui ne change pas de cap dans ce gouvernement, c’est bien Najat Vallaud Belkacem. Cramponnée à son poste de ministre du droit des femmes, elle poursuit, imperturbable, sa croisade féministe, traquant partout ce qui ressemble, de près ou de loin, à un privilège masculin. Le pack de lois sur l’égalité hommes-femmes qu’elle a fait voter, le 28 janvier, réaffirme la volonté de parité en politique, la lutte contre les violences conjugales, l’avortement parfaitement décomplexé et l’obligation renforcée faite aux maris divorcés de verser sans retard  pension alimentaire à leurs ex-épouses. Rien, en somme qui soit bien nouveau ni particulièrement contestable. Là où les choses deviennent plus  cauteleuses, c’est sans doute avec l’incitation faite aux nouveaux pères de prendre un large congé parental, tout comme les mères jusqu’ici. Car celui-ci serait, selon l’orthodoxie féministe, l’une des causes de la stagnation professionnelle des femmes  dans notre société. Autrement dit, aux hommes d’assumer non seulement les soins du nourrisson à la maison mais aussi les écarts de salaires pendant que leurs conjointes iront travailler. Voit-on mieux l’intention subtilement revancharde ? Mais là où la ministre pousse la partialité jusqu’à la bêtise, c’est lorsqu’elle veut imposer l’enseignement de l’égalité des sexes dans le champ universitaire. Les premiers concernés par cette visée idéologique sont les étudiants des écoles de communication et de journalisme - lesquelles sont fréquentées à 60% par des filles. On imagine mal que beaucoup, parmi elles, s’en plaignent. Un coup d’épée dans l’eau qui n’en suscite pas moins une légitime protestation contre cette nouvelle ingérence du politique dans l’enseignement. Là comme ailleurs, ce sont  les mêmes méthodes de moralisation forcée  auxquelles on assiste depuis quelques temps. Et cela a de quoi inquiéter dans un pays prétendument démocratique comme la France.  

 

 

                      Erik PANIZZA