14/01/2014
Hollande dans la tourmente
Entre le programme de campagne d’un candidat et son application, lorsque celui-ci arrive au pouvoir suprême, il y a toujours eu un clivage, tellement la réalité d’un pays est complexe, irréductible dans tous les cas à quelques propositions théoriques, fussent-elles sincères et bien argumentées. Cette fatalité se reproduit à chaque élection d’un nouveau président et l’on serait bien naïf – ou bien hypocrite – de s’étonner devant les difficultés actuelles du chef de l’état. Mais si gouverner, c’est toujours trahir, il n’en reste pas moins que François Hollande a une rare capacité à surprendre, tant ses alliés que ses adversaires. Ainsi, la notion de « pacte de compétitivité » qu’il a avancé, peut-être imprudemment, lors de ses vœux présidentiels du 31 décembre, confirme si besoin était le changement de cap de sa politique. Ironie du sort : elle lui aura au moins valu l’assentiment quasi généralisé des ténors actuels de l’UMP – à l’exception notable de Jean-François Copé qui trouve le président encore trop à gauche. Et Pierre Gattaz, le patron des patrons, n’a pas manqué de saisir la balle au bond. 100 milliards d’euros d’exonération de charges patronales pour la création d’un million d’emplois sur cinq ans : la belle affaire que voilà ! Cela reviendrait, pour l’état, à avancer aux entrepreneurs la somme de 100 000 euros pour chaque nouvelle embauche, avant même la moindre commande augurant une relance économique. Le travail a un coût, mais tout de même…Du reste, nous savons depuis longtemps que les mesures prises en faveur de l’emploi profitent rarement aux travailleurs, ni d’ailleurs aux consommateurs, comme l’a montré, sous le quinquennat Sarkozy, l’abaissement de la TVA pour les restaurateurs. Entre l’ancien et l’actuel président, il y a d’ailleurs plus d’une similitude. L’un comme l’autre ont été poussés, en cours de mandat, à revoir leurs positions de départ : plus de social pour Sarkozy et plus de libéralisme pour Hollande. L’un comme l’autre ont engagé le pays dans des conflits coûteux et incertains de valeurs : Sarkozy en Afghanistan et Hollande en Afrique. Mêmes dérives vers la « pipolisation » de leurs vies sentimentales respectives : un divorce suivi d’un mariage pour Sarkozy, une liaison abusivement commentée pour Hollande. En somme, tout cela fait de l’actuel locataire de l’Elysée un président parfaitement normal.
Bruno DA CAPO
16:34 Publié dans numéro 12 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hollande, compétitivité, gattaz, pipolisation
07/01/2014
Valls à contretemps
Faut-il interdire les spectacles de Dieudonné ? Non, bien sûr. Ce serait le faire entrer dans la victimisation, lui qui frise déjà la parano quand il affirme dur comme fer que nous vivons tous sous l’horrible joug sioniste. Ce serait surtout lui faire beaucoup de pub et donc attirer curieux et autres olibrius en mal de castagne ou renommée. Dieudonné se dit antisioniste, ce qui est bien sûr son droit. Il peut même le proclamer et en faire un show humoristique. Pourquoi pas ? Le problème, pour ne pas dire le hic, c’est qu’il se livre avec une certaine volupté à des débordements antisémites, n’hésitant pas à mettre en cause un journaliste de France Inter et ne dédaignant pas de proférer de douteuses saillies sur les chambres à gaz qu’il faudrait regretter selon lui... Bien sûr, il y a de la provocation chez Dieudonné, un humour noir, franchement ravageur. Il y a plus : quelque chose qui ressemble à du ressentiment qu’il masquerait sous un humour limite. Comment ne pas penser à ce courant antisémite qui connut son point d’orgue en France avec l’affaire Dreyfus pour ressurgir au cours des années 30 et se concrétiser funestement avec l’Etat français du maréchal Pétain ? On croyait le monstre vaincu. Mais non ! Perdure toujours dans notre douce France cette peste qui apparaît comme une épidémie, que des agents sortis de leur sommeil propagent avec vigueur, déguisés, maquillés sous d’autres oripeaux mais reprenant toujours la même antienne. C’est un fait. Il faut donc inlassablement l’endiguer. Interdire les spectacles de Dieudonné ? Non, car on toucherait à la liberté d’expression. Mais le poursuivre pour ses propos antisémites, ça oui, il faut le faire. C’est la loi. Il faut en l’occurrence l’appliquer sans délai et sans le moindre apitoiement.
Yves CARCHON
14:15 Publié dans numéro 12 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : valls, dieudonné, chambres à gaz, dreyfus
03/01/2014
Dieudonné antisémite
Ya-t’il, à l’heure actuelle, une réelle menace antisémite en France ? Autrement dit, est-ce que les propos grossièrement provocateurs de Dieudonné sur les Juifs pourraient générer des violences physiques sur des représentants de cette communauté ? Un naturel réflexe d’auto-défense la pousse à s’insurger contre toute parole qui pourrait remettre en cause le consensus républicain sur les horreurs du nazisme. Au risque de tomber à son tour dans des attitudes extrémistes et de donner ainsi gain de cause à ses contempteurs. S’il y a un homme en France qui prend à cœur ces questions, c’est bien Manuel Valls, lui qui a décidé de mettre tout en œuvre pour stopper la dynamique Dieudonné. Mais jusqu’où le ministre de l’intérieur peut-il aller trop loin ? Car s’il est juste de réclamer à « l’humoriste » le montant – plusieurs dizaines de milliers d’euros - des huit amendes infligées pour ses propos injurieux en vertu des lois qui condamnent l’expression du racisme et de l’antisémitisme, il est plus douteux, en revanche, de chercher à interdire la tenue de tous ses spectacles - en partie par crainte des réactions de ses adversaires. N’est-ce pas s’enfermer dans l’attitude paradoxale qui consiste à lui demander de payer ses dettes tout en l’empêchant de travailler ? N’est-ce pas encore la meilleure façon de le rendre sympathique aux yeux de tous ceux qu’agace de plus en plus l’idéologie dominante du politiquement correct et de la moralité imposée à coups de décrets ? Ceux-là ne partagent pas les idées nauséeuses de son infime public de base, mais s’inquiètent à juste titre des limitations, de plus en plus fréquentes, à la liberté d’expression dans ce pays. Ils sont encore les plus nombreux, heureusement, et ce sont bien eux que Dieudonné cherche à séduire, notamment en prenant la pose du martyr, habile retournement de l’agresseur en agressé. Au-delà de sa haine proclamée des Juifs et des tristes pitreries qu’elle lui inspire, c’est l’ensemble du système démocratique actuel qu’il cherche à atteindre, quitte à assumer d’en être la « bête noire ». Même nourri par des rancoeurs personnelles, son antisémitisme n’a rien à voir avec celui de ses célèbres aînés – à commencer par Hitler lui-même. Le Juif, pour Dieudonné, n’est pas tant un sous-homme que celui qui façonne le discours officiel sur l’Histoire; celui qui empêche, par le rappel incessant du génocide subi, les autres minorités opprimées de faire reconnaître leurs propres souffrances. Cette situation, parfaitement moderne, s’appelle la concurrence victimaire. Et Dieudonné M’bala M’bala, Français d’origine camérounaise donc descendant de colonisés, en est présentement le plus remuant produit, par là le leader désigné de tous ceux qui ruminent dans l’ombre.
Jacques LUCCHESI
16:46 Publié dans numéro 12 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dieudonné, valls, antisémitisme, concurrence victimaire