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11/09/2015

Dernières nouvelles de l’argent roi

           

 

 C’est une affaire entendue : nos sociétés vivent toutes au rythme des fluctuations d’une économie désormais mondialisée. Et l’on sait quels effets sur les bourses européennes peuvent avoir  les mauvais chiffres actuels de la Chine. Ce n’est pourtant pas cette réalité qu’on entend lorsqu’on parle d’argent. C’est de cet argent qui, tout comme au temps de Zola, obsède ou injurie la conscience de l’individu lambda, le faisant désespérer de trouver un jour de la probité et de l’égalité en ce monde. C’est cette toute petite partie émergée de l’iceberg financier qui est en cause, précisément parce qu’elle est la plus redoutable. J’en veux pour preuve ces trois affaires qui ont marqué l’actualité récente.

Voici un grand patron de 53 ans - un de ceux qui pilotent une entreprise inscrite au CAC 40 - qui démissionne après deux années seulement d’exercice. Il rompt tous ses engagements pour aller prendre la tête d’une autre grande société – où il percevra sans doute un salaire encore supérieur au précédent. Et pour le remercier de son opportunisme, la société qu’il abandonne lui verse en plus un « parachute doré » de 14 millions d’euros (depuis il a été ramené à 8 millions). Quel autre emploi, surtout quand on a échoué dans sa mission, peut procurer un tel pactole ?

Dans un autre contexte, c’est un jeune footballeur français d’à peine vingt ans qui est débauché par un club anglais pour la somme faramineuse de 80 millions d’euros. Qu’a-t’il fait pour mériter une pareille fortune, lui qui n’a même pas fait ses preuves en équipe nationale ? Rien. On spécule sur son potentiel de jeu comme s’il s’agissait d’un nouveau produit lancé sur le marché. Certes, son club – l’AS de Monaco pour ne pas le nommer – prélèvera  une commission considérable  sur son transfert. Mais on comprend bien qu’il y a quelque chose de déréglé dans le football professionnel ; quelque chose qui touche à l’indécence…

Changeons encore de milieu (et d’ordre de grandeur, aussi) pour nous porter vers ces deux journalistes français qui se sont fait « épingler » pour avoir « négocié » avec un souverain étranger la publication – ou plutôt la non-publication – d’un ouvrage d’enquête qui accablait son pouvoir. Laquelle des deux parties a fait la proposition illégale (deux millions d’euros, tout de même) ? Pour le moment les avis divergent encore et on ne peut rien affirmer avec certitude. Mais ce qui est sûr, néanmoins, c’est que la déontologie de cette profession a été sérieusement bafouée. L’argent a été ici plus fort que le légitime désir d’instruire l’opinion publique.

Cette dimension visible de l’argent peut paraître dérisoire quand on songe aux milliers de milliards de dollars qui sont quotidiennement brassés par les grandes places financières de la planète. C’est pourtant la plus pernicieuse pour l’opinion qui la reçoit de plein fouet. Car elle creuse l’écart entre les privilégiés de ce monde et l’énorme masse des citoyens besogneux. Et, tôt ou tard, leur indignation se déversera dans les urnes.                               

 

                    Bruno DA CAPO

04/04/2014

Bruissements(34)

 

 

Municipales: elle a fini par déferler sur l’échiquier politique français, cette terrible « vague bleue », si attendue, si commentée. Un tsunami ? Pas vraiment, même si 142 villes (de plus de 10 000 habitants) ont été gagnées par l’UMP sur la Gauche, tandis que le Front National, si redouté, se contentait de 14 villes à l’issue de ce second tour des municipales. Il n’empêche : cela change quand même la donne et les observateurs scruteront avec attention ce qui va se passer, au cours des prochains mois, dans des villes comme Hénin-Beaumont et Béziers. On épluchera aussi la gestion de Stéphane Ravier, dans le 7eme secteur de Marseille (13eme et 14eme arrondissements), lui qui représente quelques 150 000 résidents. Pour le reste, c’est sans surprise que Jean-Claude Gaudin s’est imposé sur la coalition rose-rouge-vert emmenée par Patrick Mennucci. En revanche, Avignon est restée à gauche (malgré les craintes d’Olivier Py, directeur du festival de théâtre bien connu). Tout comme Lyon, Nantes et Strasbourg. Quant à Paris, elle a préféré - avec raison -   Anne Hidalgo à la trop ambitieuse NKM (53% contre 47%). Elle devient ainsi la première femme à occuper la fonction de maire de la capitale française. De toute cette fièvre électorale, il ressort bien des divisions, tant à droite qu’à gauche. Le fameux front républicain, pour barrer la route au FN, n’a que peu fonctionné, chaque candidat en lice songeant surtout à ses propres intérêts – d’où des triangulaires et des quadrangulaires en hausse exponentielle. L’autre point noir de ces élections, c’est bien entendu l’abstention galopante (38%, au total, soit 8% de plus qu’en 2008). Elle a été particulièrement importante chez les électeurs habitués à voter à gauche. Mais comment les en blâmer, au vu des errements gouvernementaux de ces derniers mois ? Les Français se désintéressent moins de la politique que de leurs politiques et aspirent, c’est certain, à un renouvellement. Encore faut-il que ce ne soit pas au détriment de la démocratie elle-même. Et l’on peut s’en inquiéter quand un récent sondage IPSOS fait apparaître que, pour  24% d’entre eux, elle ne serait pas indispensable.

 

Remaniement : conséquence de cette défaite cinglante pour la Gauche (et plus encore pour le gouvernement), François Hollande a accéléré le remaniement ministériel annoncé depuis quelques semaines. C’est Jean-Marc Ayrault, trop impopulaire premier ministre depuis deux ans, qui en d’abord fait les frais. Mais est-ce que le choix de Manuel Valls à la tête de l’exécutif est judicieux ? Certes, l’ex- ministre de l’Intérieur, davantage par sa personnalité que ses résultats, jouissait d’une côte de popularité durable auprès des Français. Néanmoins, il divise beaucoup dans son propre camp - beaucoup voyant en lui un Sarkozy de gauche -  et doit toujours justifier son engagement socialiste. Il confirme, en tous les cas, le virage à droite de François Hollande, même s’il entend nuancer son pacte de responsabilité par un pacte de solidarité qui allègerait la fiscalité des classes populaires. La Gauche, en tant que projet politique, apparaît de plus en plus reléguée dans les marges. Aux écologistes et au Front de Gauche d’en tirer les conséquences.

 

 Gouvernement : un gouvernement ramené à 16 portes-feuilles ministériels (plus quelques secrétaires d’état encore à désigner), une équipe bien paritaire (8 hommes et 8 femmes) : voilà ce que Manuel Valls a proposé au président pour poursuivre sa politique crypto-libérale. Pas de grand changement, comme on pouvait s’y attendre. A l’exception de Ségolène Royal (à l’écologie) et de François Rebsamen (au travail), il n’a fait que recaser, souvent sans les changer de poste, la plupart des ministres du précédent gouvernement. Les Français apprécieront. Evidemment, on n’y trouve aucune personnalité extérieure au parti socialiste – Cécile Duflot ayant, avec raison, refusé d’y participer. « Nous sommes tous des hollandais » a-t’il proclamé fièrement à la presse qui a repris le lapsus en chœur. Dans ce cas, comment doit-on désigner les habitants des Pays-Bas ? Car, évidemment, c’est « hollandiste » qui s’imposait, même à l’heure de la construction européenne. Mais qu’importe le parler juste dans une époque qui s’en soucie comme d’une guigne. L’important est d’occuper le plus possible l’espace médiatique.   

 

Football : gouverner par les passions : l’idée n’est pas nouvelle et plus d’un philosophe – on ne peut que citer ici Charles Fourier – l’a intégré à sa pensée politique. Comment est-elle arrivée jusqu’au club italien ASD Pro Calcio de Fiumicino ? Nous ne l’expliquerons pas. Toujours est-il que son entraineur a décidé de réagir à sa façon contre le décrochage scolaire. Désormais, seuls les jeunes joueurs qui auront des notes satisfaisantes pourront participer à des tournois de football. Quant aux autres, momentanément privés de pelouse, leurs résultats ont tendance à remonter sensiblement. Car le football est, sans conteste, l’une des grandes passions modernes. Et si l’Italie en est l’une des terres d’élection, cette expérience pourrait tout aussi bien s’appliquer à d’autres pays, dont la France. Voilà qui devrait inspirer Benoit Hamon, nouveau ministre de l’Education, dans la dure tâche qui l’attend.

 

 

 

                Erik PANIZZA

12/11/2013

Bruissements (28)

 


 

Mali: la France entière avait accueilli, mercredi 29 octobre, la bonne nouvelle : les quatre derniers otages d’Arlit, enlevés par un groupuscule de terroristes islamistes voici trois ans, avaient été libérés. Amaigris, fatigués  mais heureux malgré tout, ils allaient enfin retrouver leurs proches, leurs pays, leurs foyers au terme d’une des pires épreuves que puissent connaître des êtres humains. Ballet protocolaire autour d’eux ; leurs images sur le tarmac de l’aéroport de Niamey étaient diffusées en boucle par toutes les télévisions. On parlait d’une rançon de vingt millions d’euros versée pour leur libération : était-ce l’état Français (qui niait farouchement) ou Areva qui avait mis la main à la poche? A vrai dire, l’heure était à l’émotion et on en rediscuterait un peu plus tard. Comme on reparlerait sans doute des sept Français encore retenus en otages dans d’autres points chauds du globe. Bref, tout semblait aller un peu mieux dans le monde jusqu’à ce funeste samedi 2 novembre. A Kidal, toujours au Mali, deux journalistes français de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon venaient d’être enlevés et surtout retrouvés morts, assassinés par balles quelques heures après. A la joie succédait à nouveau la tristesse : qu’avaient-ils fait pour mériter un tel sort, eux qui ne portaient pas les armes ? Eux qui n’avaient d’autre mission que d’être les témoins d’un pays chaotique et de relayer courageusement l’information pour nous autres, en métropole. Depuis, une enquête a été diligentée, des suspects ont été arrêtés, mais c’est quand même dans un cercueil que leurs deux corps sont revenus en France. Cette guerre qui n’en finit pas montre, avec eux, son caractère sauvage, sans règle et sans limite. Leur assassinat porte ainsi à quarante-trois le nombre des journalistes morts, cette année, dans les différents conflits qui secouent la planète. Un lourd tribut, même pour une noble tâche.          

 

Football : la modernité ne cesse de faire bouger les lignes. Hier, c’étaient les « prolos » qui descendaient dans la rue pour revendiquer un peu plus de justice sociale ou la revalorisation de leurs salaires de misère. Aujourd’hui, ce sont les notables : maires soucieux de préserver leurs petites prérogatives communales ou patrons indignés de payer trop d’impôts. Verra-t’on bientôt les stars du football hexagonal aller manifester à la Bastille pour la défense de leur train de vie princier ? Eux dont les salaires sont une insulte au travailleur lambda. En annonçant son projet de taxer pendant deux ans les clubs de football à 75% (comme les autres grosses sociétés qui emploient des salariés à plus d’un million d’euros annuels), le gouvernement a pris sans doute une mesure forte mais juste. Précisons encore qu’elle sera plafonnée à seulement 5% des revenus globaux des clubs. Il faut espérer qu’il ne reculera pas, cette fois, devant les pressions, comme il l’a fait – lamentablement – sur le dossier de l’écotaxe. Car, bien entendu, les présidents des clubs de la ligue 1 ont fait front commun contre cette surcharge fiscale qui risque, selon eux, de nuire à la qualité du football français. Ils nous annoncent même une grève des stades durant le dernier week-end de novembre. Tant pis pour les supporters mais tant mieux pour tous ceux qui ne voient, dans le football professionnel, que l’alliance du capital et du spectacle pour l’abêtissement des masses.   

 

Salauds : on se souvient sans doute du fameux manifeste des « 343 salopes », en avril 1971. Des femmes – pour la plupart des actrices et des écrivaines – y avouaient publiquement qu’elles avaient toutes fait l’expérience de l’avortement clandestin; et de réclamer ainsi la légalisation de cet acte médical. Plus de quarante après, Elisabeth Lévy, patronne de « Causeur », a imaginé un manifeste des « 343 salaud », hommes connus ou inconnus s’opposant, pour différentes raisons, au projet de loi de pénalisation des clients de la prostitution. Si l’intitulé de ce manifeste – tout comme ce « Touche pas à ma pute » qui détourne un autre slogan célèbre – ne sont pas du meilleur goût, ils n’en disent pas moins leur ras-le-bol du puritanisme ambiant et de la moralisation forcée de la vie sexuelle à laquelle on assiste, depuis quelques temps, dans ce pays. Au motif de protéger les femmes, (comme le souhaitent les associations féministes qui pilotent en sous-main ce projet), on devrait sanctionner les hommes ? Au motif de redonner de la dignité aux personnes prostituées, on devrait les empêcher de travailler – tout au moins lorsqu’elles ont fait le choix de ce métier - ? On ne viendra jamais à bout de la prostitution par ce système de contre-effets. Mieux vaudrait, dans ce cas, interdire purement et simplement toutes ses manifestations. Tâche à peu près impossible quand on sait que la sexualité a toujours été, sous une forme ou sous une autre, une valeur d’échange dans les sociétés humaines. Cela vaut pour toutes les époques et la nôtre n’y fait pas exception, tout au contraire même. D’abord enthousiasmés par ce nouveau manifeste, certains (comme Nicolas Bedos ou Daniel Leconte) ont fait depuis marche arrière: des fois que leur image publique en eût été écornée….Ils ne sont heureusement qu’une infime minorité. Pour ceux qui ont un peu de bon sens et de courage, la pétition en ligne des « 343 salauds » (il y en a bien plus à présent) peut toujours être signée sur le site de « Causeur ». A bon entendeur…

 

Ayrault : bain de foule pour le premier ministre venu à Marseille, vendredi 8 novembre, pour proposer un plan de redressement de la ville. Il a pu ainsi découvrir et entendre ceux qui vivent dans les cités des quartiers nord. Faut-il dire que beaucoup préfèreraient aller vivre ailleurs plutôt que de rester là, même avec les améliorations promises ? Ce fut aussi l’occasion de rassurer ses lieutenants, Patrick Mennucci et Samia Ghali en tête, dans la perspective des prochaines municipales. Concrètement le plan Ayrault pour Marseille représente une enveloppe de 3 milliards d’euros, dont 2,5 milliards seront affectés  à la création d‘une gare souterraine au pôle Saint-Charles. 250 millions seront consacrés au doublement de la ligne ferroviaire Aix-Marseille et 50 millions pour prolonger les lignes de métro existantes. Autant d’apports nécessaires et prioritaires, tandis que les universités, les quartiers et la police se partageront les restes. Ah ! Un détail qui a son importance : tous ces travaux ne seront achevés que dans quinze ans environ. De quoi influencer quand même le vote des Marseillais au printemps prochain.  

 

 

 

                     Erik PANIZZA