12/05/2014
Violences conjugales : les hommes aussi
Les chiffres officiels du rapport 2013 sur les violences conjugales sont tombés: 146 personnes – 121 femmes et 25 hommes – ont été tués l’an dernier par leurs conjoints. Ce chiffre est inquiétant, important, trop élevé encore. Pourtant, il représente une diminution sensible des homicides domestiques par rapport à 2012, où ce sont 174 personnes - 148 femmes et 26 hommes - qui étaient morts ainsi. Rapporté au nombre global des assassinats commis en France chaque année, il correspond à près de 20% des victimes. Dire, par conséquent, qu’on doit les relativiser ne signifie pas – loin de là !- qu’il faille les négliger. Et l’on sait tous les efforts entrepris par l’état français – via le ministère des droits des femmes – pour lutter contre ce phénomène intolérable. La législation a été durcie contre les auteurs de violences, de nouvelles structures d’accueil et d’hébergement ont été créées et un numéro spécial – le 3919 – a été mis en service pour recueillir les appels de personnes s’estimant victimes de leur conjoint. Malgré les réticences à parler de ce problème, elles sont plus nombreuses à prendre le téléphone pour avouer l’insupportable. Ainsi, depuis janvier, le nombre des appels a largement augmenté, étant passé de 4000 à 7000. Tout cela est très bien mais force est de constater que ces mesures concernent avant tout les femmes. Certes, elles sont plus nombreuses à subir ces violences qui, encore une fois, sont intolérables. Mais que fait-on pour les 25 hommes tués dans ce cadre domestique et qui représentent quand même un pourcentage non négligeable (20%) ? On aimerait en savoir davantage sur les conditions qui ont entrainé leurs décès. Etaient-ils homosexuels et avaient-ils un autre homme pour compagnon ? Etaient-ils des conjoints violents qui ont été tués par leurs épouses excédées ? On sait qu’en ce contexte, la violence des femmes est souvent réactive. Ou ont-ils subi, eux aussi, mais de la part de leurs épouses, un processus dégradant qui s’est avéré fatal ? Ce sont des questions qui doivent être posées et qui mériteraient une réponse claire pour mieux comprendre, mieux situer, les 25 décès masculins pointés par ce rapport. Ils disent, au moins, que la violence n’est pas le triste privilège des hommes sur les femmes. Dans ce cas, il faut réfléchir à protéger toutes les personnes, quel que soit leur sexe, de cet engrenage mortel. Repousser la violence, autant qu’elle peut l’être, de la sphère conjugale doit se faire dans un esprit plus juste et plus impartial qu’il ne l’est aujourd’hui. C’est le sens et l’invitation de ce rapport accablant.
Bruno DA CAPO
11:45 Publié dans numéro 12 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : conjoints, rapport, violences, homicides
05/05/2014
Bruissements (36)
Canonisations : nous vivons censément dans une république laïque, qui ne privilégie officiellement aucun culte. Une république qui a été, en Europe, à l’origine même de la laïcité. En vérité, il n’en est rien et force est de constater, lorsque l’on sonde un peu les gens, que la France, comme par le passé, est restée la fille aînée de l’Eglise. C’est un peu le paradoxe français, où chacun veut tout et son contraire : l’instituteur et le curé, la liberté de penser et l’espérance religieuse. La preuve de cette curieuse situation, les médias nationaux nous l’ont apportée, dimanche 27 avril, en se focalisant unanimement sur les cérémonies de canonisation qui se déroulaient au Vatican. Elles ont, en effet, monopolisé l’information sur les principales chaînes françaises durant toute cette journée. Parmi les nombreuses personnalités politiques qui avaient fait le déplacement, on trouvait d’ailleurs notre actuel premier ministre. Nous ne discuterons pas ici des raisons de cette double canonisation. Que le pape François décide d’élever au rang des saints de l’Eglise deux de ses défunts prédécesseurs sur le trône de Saint-Pierre – deux personnalités aussi différentes que furent Jean XXIII et Jean-Paul II -, cela relève de ses strictes prérogatives et nul ne peut les lui contester. Certes, on peut se demander si, en cette époque, il n’y a pas, ailleurs qu’au sein de l’institution vaticane, d’autres candidats potentiels à la sainteté – ni, du reste, s’il faut ajouter de nouveaux saints à ceux, déjà nombreux, de notre calendrier. Cela fera peut-être l’objet d’un autre débat. Bornons nous à constater que, dans cette affaire, l’état français est largement sorti d’une neutralité dans laquelle ses fondamentaux républicains auraient pourtant dû l’ancrer. Et il se pourrait bien, un jour prochain, que les représentants d’autres cultes que le catholicisme le lui rappellent, afin d’exiger plus de visibilité médiatique.
Carmaux : Pourquoi Hollande est-il allé à Carmaux, le 23 avril dernier, pour commémorer le centenaire de la mort de Jean Jaurès, dans la ville même où le grand tribun socialiste trouva sa vocation en 1893? On peut se le demander quand on sait que le fondateur de « L’Humanité » a été assassiné à Paris le 31 juillet 1914. Une visite pour le moins prématurée dans ce fief du socialisme historique. Ce pétard mouillé s’est ainsi soldé en fiasco pour le chef de l’état, copieusement hué par la même population qui l’avait porté au pinacle deux ans plus tôt. Grandeur et misère des hommes politiques.
Conduite : est-ce que la conduite automobile révèlerait ce qu’il y a de plus mauvais en l’humain – ce sentiment de toute puissance et ce mépris pour les plus faibles ? On peut le penser, certains jours, devant la liste, toujours plus longue, des infractions au volant (alcool, drogue, portable, conduite sans assurance ni permis). Ces comportements désinvoltes, causes trop fréquentes d’accidents mortels, accroissent le sentiment d’insécurité dans nos rues. On ne peut donc que saluer le récent projet sénatorial de faire ajouter des cours de secourisme au permis de conduire. Cette loi, si elle passe, n’augmenterait que de 25 euros les frais de dossier. Ainsi, les jeunes candidats seraient davantage sensibilisés aux autres acteurs de la vie routière – à commencer par les piétons. Quand on sait que l’issue d’un accident se joue dans les premières minutes, que 300 vies pourraient ainsi être sauvées chaque année, on souhaite que cet ajout prenne effet, dès juillet prochain, comme prévu. Même s’il faut, hélas, compter avec les habituels retards et entraves qui caractérisent la politique française actuelle.
SEITA : bonne nouvelle. Sous l’effet conjugué de la hausse du prix des paquets et de la poussée de la cigarette électronique en 2013, la vente des cigarettes « classiques » a reculé en France, passant pour la première fois sous la barre des 60 millions de tonnes. Du coup – et ça, c’est la mauvaise nouvelle – Imperial Tobacco (qui gère aussi notre SEITA) a réagi avec un plan de réduction de ses effectifs en France. 900 employés seraient ainsi menacés de chômage, dont les 300 ouvriers de l’usine de Carquefou, près de Nantes, qui devrait fermer bientôt. On imagine leur colère. Voilà un autre paradoxe français. Et l’on n’est pas près de sortir de cette lutte pour la santé publique qui tue, en contrepartie, des emplois.
Berlusconi : après maintes péripéties judiciaires, Silvio Berlusconi a été condamné par la justice italienne à un an de prison. Mais voilà, l’ex-chef du gouvernement a 77 ans et un casier toujours vierge. D’où la possibilité d’accomplir sa peine dans le cadre d’un travail d’intérêt général, par exemple dans une maison de retraite pour handicapés dans la région de Milan. Une peine qui pourrait lui faire prendre conscience de ce qu’est la vieillesse quand on est pauvre et anonyme. Une peine sur mesure, en somme.
Erik PANIZZA
21:16 Publié dans numéro 12 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : canonisations, carmaux, seita, berlusconi
28/04/2014
Otages : un business qui tourne, tourne
Malgré quelques variantes, le scénario d’octobre dernier s’est répété en avril. Pendant plusieurs jours, le retour des quatre journalistes français enlevés en Syrie a fait l’objet de toutes les attentions médiatiques. Quoi de plus normal puisqu’à travers eux, c’était l’ensemble de la profession qui s’auto-célèbre ! Comme à l’accoutumée, François Hollande est venu sur le tarmac même pour congratuler les rescapés de l’enfer syrien. Avec une cote de popularité en chute libre, il avait, lui aussi, avait un bénéfice symbolique à retirer de sa présence parmi eux, même à la tête d’un état qui refuse prétendument de payer le moindre euro aux ravisseurs. Nous savons, dans les faits, qu’il n’en est rien ; sans d’ailleurs pouvoir estimer à combien s’est chiffré cette libération très planifiée.
Car l’enlèvement est devenu un business rentable dans bon nombre de pays. Pas seulement en Afrique subsaharienne, pas seulement au Moyen-Orient, mais aussi en Amérique du Sud (Mexique, Colombie), où les motivations y sont ouvertement crapuleuses. Un business qui avoisinerait le milliard d’euros annuels. Un business qui s’ajoute à la liste, déjà longue, des méfaits de la criminalité organisée, qu’elle se pare ou non, de justifications idéologiques. Pas un globe-trotter ne doit l’ignorer désormais.
Mais en ce domaine, hélas, la peine succède vite à la joie. Deux jours plus tard, nous apprenions la mort de Gilberto Rodrigues Leal, un retraité de 62 ans enlevé, fin 2012, par un groupe de rebelles maliens, le Mujao. S’il n’a pas été froidement abattu, les conditions de sa détention et le manque de médicaments- il était cardiaque – ont néanmoins précipité son trépas. Quel était son « crime » aux yeux de ses ravisseurs ? Être ressortissant d’une nation tenue pour ennemie ? Ou simplement faire du tourisme et mettre à profit sa retraite pour découvrir les beautés naturelles de l’Afrique ? Jamais le monde n’a été moins hospitalier aux voyageurs. Jamais l’idéal – occidental – du citoyen du monde n’a été plus éloigné, plus menacé, qu’en cette époque. Le Quai d’Orsay, bien sûr, a élevé la voix contre ses assassins : pour la forme. Il aurait dû s’en préoccuper bien avant, comme l’a rappelé la famille du disparu. Espérons que Serge Lazarevic, le dernier otage français au Sahel (depuis 2011), profitera de cette repentance diplomatique. Mais qui peut, néanmoins, croire que tous les otages français soient traités sur un pied d’égalité ?
Bruno DA CAPO
16:38 Publié dans numéro 12 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : otages, business, mujao, sahel